Un Rabbin, invité spécial du Synode pour le Moyen-Orient

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Le Rabbin David Rosen, Conseiller du Grand Rabbinat d’Israël, Directeur du Département pour les affaires inter-religieuses du Comité juif américain et de l’Institut Heilbrunn pour l’accord international inter-religieux (Israël) a pris la parole lors de la cinquième congrégation générale du Synode des évêques pour le Moyen-Orient, le 13 octobre 2010.
 
« Aujourd’hui, les rapports entre l’Eglise catholique et le Peuple juif connaissent une heureuse transformation qui a lieu à notre époque et qui n’a sans doute pas d’égal dans l’histoire. Dans son discours à la synagogue de Rome, en janvier dernier, Benoît XVI a parlé de l’enseignement du concile Vatican II comme d’une référence vers quoi se tourner constamment en tout ce qui concerne les rapports avec le Peuple juif… Les relations catholiques-juives ont considérablement évolué il y a une dizaine d’années pour diverses raisons, dont deux en particulier méritent d’être mentionnées. La première, ce sont les effets de la visite de Jean-Paul II en 2000, à la suite de l’établissement des relations diplomatiques complètes entre Israël et le Saint-Siège six ans plus tôt… Ce fut le pouvoir des images, dont Jean-Paul II avait si bien compris l’importance, qui révéla clairement à la majorité de la société israélienne la transformation s’étant produite dans les attitudes et dans les enseignements chrétiens à l’égard des juifs, avec qui le Pape lui-même avait maintenu et renforcé l’amitié et le respect. Pour les israéliens, voir le Pape devant le Mur occidental, vestige du Second Temple, se tenir là en signe de respect pour la tradition juive et y placer le texte qu’il avait composé pour une liturgie de pardon, qui avait eu lieu deux semaines plus tôt à Saint-Pierre et où il demandait le pardon divin pour les péchés commis contre les juifs au cours des siècles, a eu des effets stupéfiants et très touchants. Il reste un long chemin à faire avant que la communauté juive d’Israël surmonte son passé négatif, mais il n’y a pas de doute que les attitudes ont changé depuis cette visite historique… L’autre facteur important, c’est l’afflux de nouveaux chrétiens qui ont doublé la composition démographique du christianisme en Israël. Je fais référence tout d’abord aux cinquante mille chrétiens pratiquants qui ont fait partie intégrante de l’immigration vers Israël de ces dernières vingt années et provenant de l’ancienne Union soviétique… Il existe une troisième population chrétienne en Israël dont la position légale est parfois problématique. Il s’agit de plusieurs milliers de chrétiens pratiquants parmi les près de 250.000 travailleurs immigrés, venant des Philippines, d’Europe de l’Est, d’Amérique latine et d’Afrique sub-saharienne. La plupart d’entre eux résident dans le pays de manière légale et temporaire, mais près de la moitié sont entrés ou résident illégalement et leur position est précaire sur le plan légal. Néanmoins, la présence chrétienne consistante parmi cette population assure une vie religieuse active et constitue une troisième dimension importante pour la réalité chrétienne en Israël aujourd’hui. Parmi d’autres, ces facteurs ont contribué à faire connaître de plus en plus en Israël le christianisme contemporain ».
 

Les minorités chrétiennes, baromètre des pays du Moyen-Orient

« Les chrétiens en Israël sont évidemment dans une situation très différente par rapport à leurs communautés soeurs en Terre Sainte, qui font partie intégrante d’une société palestinienne luttant pour son indépendance et qui sont inévitablement prises tous les jours dans le conflit israélo-palestinien. En effet, certaines de ces communautés étant placées dans l’intersection entre la juridiction israélienne et celle palestinienne, elles sont souvent les plus touchées par les mesures de sécurité que l’Etat hébreux…. Il est tout à fait juste et opportun que ces chrétiens palestiniens expriment leur détresse et leurs espoirs vis-à-vis de cette situation. Néanmoins la détresse des palestiniens en général, et des chrétiens palestiniens en particulier, devrait constituer une préoccupation profonde pour les juifs, tant d’Israël que de la Diaspora. D’abord, le judaïsme a fait connaître au monde que chaque personne humaine a été créée à l’image de Dieu… Nous avons une responsabilité spéciale tout particulièrement pour nos voisins qui souffrent. Cette responsabilité est encore plus grande quand la souffrance provient d’un conflit dans lequel nous avons une part et, paradoxalement, précisément là où nous avons le devoir moral et religieux de nous protéger et de nous défendre… Effectivement, la responsabilité juive pour s’assurer que les communautés chrétiennes s’épanouissent parmi nous, en respectant la réalité que la Terre Sainte est la terre de la naissance du Christianisme et des lieux saints, est renforcée par notre fraternité de plus en plus redécouverte… Pourtant, en dehors de notre relation particulière, les chrétiens en tant que minorité tant en contexte juif que musulman, tiennent un rôle spécial dans nos sociétés en général. La situation des minorités est toujours le reflet profond de la condition sociale et morale d’une société dans son ensemble. Le bien-être des communautés chrétiennes au Moyen-Orient n’est rien d’autre qu’un baromètre de la condition morale de nos pays. Le degré auquel les chrétiens jouissent des droits civils et religieux et des libertés témoigne de la bonne santé ou non des sociétés respectives au Moyen-Orient… De plus, les chrétiens jouent un rôle disproportionné dans la promotion de la compréhension et de la coopération interreligieuses dans le pays. En effet, je me permettrais de suggérer que ceci est précisément le métier du chrétien, contribuer à surmonter le préjudice et l’incompréhension qui apportent la confusion en Terre Sainte ».
 

Vers un dialogue trilatéral renforcé ?

« L’Instrumentum Laboris cite ce qu’avait dit Benoît XVI en route pour la Terre Sainte: Il est important d’avoir, d’une part, un dialogue bilatéral – avec les juifs et avec les musulmans – et, d’autre part, un dialogue trilatéral. En effet, l’année dernière, et pour la première fois, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et la Commission pontificale pour les relations religieuses avec le judaïsme, recevaient ensemble avec le Comité juif international de Consultations interreligieuses et la Fondation des Trois cultures à Séville, en Espagne, notre premier dialogue trilatéral. J’ai éprouvé une joie toute particulière du fait qu’il avait été proposé durant ma présidence du IJCIC, et que j’espère ardemment qu’il ne s’agit que du début d’un dialogue trilatéral beaucoup plus étendu, pour surmonter la méfiance, les préjudices et les incompréhensions, afin que nous puissions mettre en lumière les valeurs partagées dans la famille d’Abraham pour le bien-être de toute l’humanité ».

Source : VIS du 13 octobre 2010

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