René de Naurois, aumônier militaire et compagnon de la Libération
Il y a une semaine, la Normandie célébrait le 75e anniversaire du Débarquement. L’occasion de mettre en lumière le Père René de Naurois, (1906-2006) prêtre, intellectuel, résistant et soldat. Le 6 juin 1944, ce prêtre était au milieu des combattants. Dossier réalisé par le diocèse aux Armées.
A la fin mai 1944, le commandement des Forces navales françaises libres (FNFL) fit appeler le Père René de Naurois comme aumônier en titre du premier bataillon de 177 fusiliers marins qui formait une sorte de corps franc sous commandement britannique. Quand le P. de Naurois rejoignit les commandos Kieffer, ces derniers avaient déjà subi un entraînement éprouvant dans le camp d’Achnacarry en Ecosse et s’étaient déjà distingués dans des raids secrets sur les côtes de France, de Belgique, de Hollande. Le commando Kieffer se trouva sous les ordres du lieutenant-colonel Dawson et incorporé dans la 1ère Brigade « Special Service » sous les ordres du brigadier Lord Lovat.
Le P. de Naurois, quoique bon alpiniste, et qui pour tout entraînement depuis son arrivée en Angleterre avait escaladé les montagnes d’Ecosse, n’avait pas subi un entraînement comparable à celui de ses hommes. « Un prêtre au milieu de combattants, n’est-ce pas un non-sens ? » Mais parlant de ceux auxquels il allait apporter les secours de la religion dans l’enfer de la bataille, il ajoutait : « Je ne peux qu’admirer leur audacieuse décision d’accepter de s’encombrer de quelqu’un qui n’était pas armé et qu’il faudrait en revanche toujours protéger. »
Les « commandos Kieffer » devaient être les seuls Français à débarquer le 6 juin 1944. Le P. de Naurois fut le premier aumônier français à mettre le pied sur le sol français. Les combats de juin 44 affectèrent durement son unité qui perdit plus de la moitié de son effectif. Son confrère anglais ayant été blessé, il devint aumônier de l’ensemble du commando franco-britannique sous les ordres de Lord Lovat, puis de toute une brigade.
Une folle course contre la mort
Dans ses mémoires rédigées à partir de son journal de guerre, le « Padre » a rapporté cette course folle contre la mort où l’aumônier, suivant vaille que vaille sous le sifflement des balles ceux qui lui étaient confiés, prévenait les soldats que quiconque le désirerait pourrait communier à n’importe quelle heure. Ainsi ce Dorfsman, né à Varsovie de confession juive, les yeux brillants d’humour, communiant au ras du sable, ou ce Boulanger qu’on surnommait « la Boulange » qui après avoir reçu l’hostie sortit sa médaille de première communion et déclara fièrement : « Je suis chrétien monsieur l’aumônier. »
Un homme de Dieu livré dans la bataille ignore les distinctions de nationalités
Dès les premières minutes de la bataille de Ouistreham, la mort faucha plusieurs de ses hommes. Ce fut d’abord un certain Renault agonisant, éventré par un obus de 37. Entendant le mot « Padre » Renault fit un geste d’acquiescement de la tête et reçut l’absolution avant d’expirer. À peine redescendu, l’aumônier fut à nouveau appelé. Cette fois le jeune Rollin, dix-neuf ans, gravement blessé à la tête reçut les sacrements. Survint au pas de course le capitaine médecin Lyon qui n’eut pas le temps de sortir ses pansements et fut à son tour fauché par une balle. Après la neutralisation du Casino par un char et par les commandos, Naurois écrit : « J’étais couvert de sable, de boue et du sang de mes camarades : Renault, Rollin, Lion ». Ses chefs et amis britanniques, le colonel Dawson et le Brigadier Lord Lovat furent aussi blessés et Naurois rendit visite à ce dernier dans une ferme d’Amfreville improvisée en hôpital. Mais un homme de Dieu livré dans la bataille ignore aussi les distinctions de nationalités ami-ennemi. Naurois porta aussi secours à un jeune soldat allemand vivant ses derniers instants. Il put lui parler dans sa langue qu’il connaissait bien. En l’entendant prononcer « Ich bin ein Priester », le jeune soldat, en guise d’ultime adieu posa sa main sur le visage du « Padre ».
«Le soldat choisit un style de vie qui le place devant l’éventualité du sacrifice de sa vie. Il a une « mission ». Il s’est retranché du monde des propagandistes, des profiteurs et des autres « habiles ». « Notre Ordre n’est pas le leur » dit un Lieutenant de Légion au « Curé de campagne » de Georges Bernanos. Le militaire de carrière est un homme « voué ». Et j’ai foi dans ce que peuvent Officiers et sous-Officiers de tous grades, à chaque contingent, pour convaincre et former à leur devoir de citoyens d’une Nation libre ces hommes de vingt ans qui leur sont confiés. »
+ René de Naurois
Pour une éthique de l’officier
Casoar 197