De Populorum Progressio à Laudato Si’
La Conférence des évêques de France organisait le mercredi 22 novembre une conférence intitulée : « De Populorum Progressio à Laudato Si’ » : une parole audacieuse sur le monde en développement. » organisée par le Service national famille et société (SNFS), le Service National de la Mission Universelle de l’Église (SNMUE), ainsi que Justice et Paix.
Il y a 50 ans, Paul VI publiait l’encyclique Populorum Progressio, un texte qui, comme en témoignèrent plusieurs intervenants à la soirée organisée à la CEF le 22 novembre, fut décisifs pour de nombreux catholiques qui s’engagèrent dans son sillage et à son appel. Cette encyclique connut aussi un franc succès bien au-delà des cercles catholiques habituels et des expressions comme « le développement de tout homme et de tout l’homme », ou « le développement est le nouveau nom de la paix », ont franchi les frontières ecclésiales.
Près de cinq décennies plus tard, un autre texte, d’un autre pape, connaît un retentissement tout aussi large : Laudato Si’ du pape François. Deux textes, deux moments historiques très différents qui conduisent à s’interroger sur la pertinence actuelle de Populorum Progressio et notamment de la question du développement.
Pour les uns, quelles que soient les interprétations nouvelles, la notion même de développement est en effet tributaire du contexte des années 1960 qui l’a vue naître, marqué par l’idée de rattrapage économique : il s’agirait pour les pays dits en voie de développement de rejoindre le club des pays dits développés. Cette vision très étriquée et simpliste, n’est plus tenable en 2017 où la mondialisation et la crise écologique sont passées par là. Et si le développement de tout homme et de tout l’homme peut garder sa profondeur c’est à la condition de sortir de ce que le pape François qualifie d’anthropocentrisme dévié et d’être porteur d’une autre anthropologie. Ceux-là préfèrent prôner purement et simplement l’abandon du mot développement.
Mais tout le monde ne partage pas ce point de vue. Certes, Paul VI écrit dans un climat euphorique où le développement, qui est alors essentiellement économique, est considéré a priori comme bénéfique. Pour autant, le pape rappelle que toute croissance est ambivalente. D’un côté, elle dit des capacités humaines capables de proposer des outils pour permettre l’émancipation des peuples et la réalisation des droits de l’homme. Mais d’un autre, Populorum Progressio porte aussi une interrogation sur les effets pervers de l’augmentation des richesses qui va de pair avec un accroissement des fractures sociales. C’est la question du sens qui est ainsi posée. C’est elle que va déployer Laudato Si’ quand le pape François nous interpelle : « quel monde voulons-nous laisser à ceux qui nous succèdent, aux enfants qui grandissent ? » (160). C’est une question radicale d’éthique du développement qui est ainsi posée : pour quoi ? Pour qui ? Pour aller où ?
Populorum Progressio et l’idée de développement permet de repérer l’appel en tout homme à déployer des aptitudes et à les faire fructifier. C’est une clé pour la sauvegarde de la maison commune, pour entrer dans une démarche de conversion vers l’écologie intégrale. C’est un appel à penser le développement en ouvrant les dimensions économique, écologique et politique à un au-delà fait de solidarité effective, permettant un avenir commun, ouvrant à une espérance, ce vers quoi nous tire le pape François. Le chantier est ouvert…
Marie-Laure Dénès, Directrice du Service Famille et société.