« Le Cardinal Lustiger était avant tout un croyant qui vivait de sa relation avec Dieu »

07 octobre 2011 : P. Matthieu ROUGE, prêtre et théologien. Les Etats Généraux du Christianisme, université catholique de Lille (59), FranceMonseigneur Matthieu Rougé, évêque de Nanterre et ancien prêtre de la paroisse Saint-Ferdinand des Ternes (Paris 17e) était le secrétaire particulier du Cardinal Jean-Marie Lustiger de 2000 à 2003. Il a accepté de revenir pour nous sur la relation singulière qu’il entretenait avec lui. 

Comment êtes-vous arrivés au poste de secrétaire particulier ?

Je suis l’un des douze prêtres à avoir eu la grâce d’être le secrétaire particulier du Cardinal Jean-Marie Lustiger. Le premier ayant été Monseigneur André Vingt-Trois. Le Cardinal savait qu’il était exigeant d’être son secrétaire et changeait de secrétaire tous les deux ou trois ans. Et un jour, le sort est tombé sur moi et j’ai eu la chance pendant trois ans de travailler au quotidien avec lui.

Vous y attendiez-vous ?

Ce n’est pas quelque chose que j’avais vraiment imaginé. J’avais cependant eu l’occasion de travailler avec le cardinal et de l’assister pour un ou deux événements ponctuels et je savais spontanément que nous aurions une bonne relation.

Quel était votre quotidien ?

Nous étions toute une équipe à travailler avec lui. Personnellement, je partageais ses repas, sa prière, je l’accompagnais dans tous ses déplacements, dans les paroisses ou à l’étranger. Oui, je peux dire que j’ai partagé beaucoup de choses avec lui : des enthousiasmes artistiques, des interrogations politiques ou géopolitiques.

On dit que c’était un homme intransigeant…

C’est vrai, il avait tellement d’intuition et d’énergie qu’il n’était pas toujours facile de le suivre. Une fois que nous nous sommes ajustés l’un à l’autre, nous avons travaillé de manière très agréable, avec une grande confiance mutuelle et une simplicité dans les rapports. L’énergie et l’intuition du Cardinal se payaient de temps en temps au prix fort. Il fallait accepter que sa pensée s’exprime parfois de manière éruptive. Le Cardinal avait un sentiment très fort qu’il fallait donner le meilleur de soi-même au cœur de l’Évangile.

Quels sont vos souvenirs marquants ?

Mon souvenir le plus marquant, c’est le Cardinal prêchant à Notre-Dame de Paris l’Évangile à la main. Il avait une présence hors du commun pour dire la vitalité de la parole de Dieu et pour dire la lumière que le Christ constitue pour le monde d’aujourd’hui. Il avait sans arrêts une disponibilité à saisir les occasions que la Providence nous offrait d’annoncer l’Évangile. Ce qu’il a fait en particulier avec les créations de nouveaux médias : Radio Notre-Dame ou KTO mais aussi dans beaucoup d’autres circonstances, dès qu’il se passait quelque chose dans la vie du monde.

Que lui inspiraient ses racines juives ?

Le rapport avec le judaïsme était très important pour le Cardinal Lustiger. C’était un homme extrêmement pudique et extrêmement blessé par la mort de sa mère. Il était toujours meurtri lorsque les gens lui en parlaient avec une sorte de regard désinvolte. Il y avait aussi une zone de pudeur à respecter mais évidemment son rapport au judaïsme était quelque chose de constamment présent. Sa nomination en tant qu’archevêque de Paris avait été mal reçue par les milieux juifs dans un premier temps. Vingt-cinq ans plus tard, il était une personnalité très reconnue et très appréciée de la communauté juive. Il était très reconnaissant envers Dieu du chemin parcouru et aussi du soutien apporté par le Pape Jean-Paul II.

Quel rapport entretenait-il avec le Pape Jean-Paul II ?

Un lien de très grand respect et de très grande confiance. Pour certains sujets, il était la seule personne à laquelle il pouvait se confier en toute liberté. Si le Cardinal Lustiger me disait qu’il avait besoin de voir le Pape Jean-Paul II, je décrochais mon téléphone et nous organisions le rendez-vous dans les dix minutes. Le Pape était très accessible pour le cardinal.

Que faut-il retenir comme message spirituel ?

Aujourd’hui il y a une nostalgie qui l’encense de manière inappropriée. L’important est de nous tourner vers l’avenir. Le Cardinal était avant tout un croyant qui vivait de sa relation avec Dieu. Plusieurs mois avant sa mort, lors d’une messe que nous célébrions ensemble, il m’a ouvert son cœur en me confiant combien il était certain que tout le bien qu’il avait pu faire, c’était l’œuvre de Dieu et tout le mal qu’il avait pu faire, c’était sa résistance à l’œuvre de Dieu. Cette foi a une humilité spirituelle de fond.

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