Mgr Pican veille sur les prêtres aînés
A 80 ans, Mgr Pierre Pican, évêque émérite de Bayeux-Lisieux, a repris du service ! Il porte le souci des prêtres aînés, au sein d’un groupe mandaté par le Secrétariat Général de la Conférence Evêques de France. En conclusion d’une journée intitulée « Jusqu’au bout, accomplir sa vie », il invite à élargir le champ relationnel des prêtres et à creuser la question de la dépendance.
De quelle réalité s’agit-il ?
La terminologie « prêtres âgés » donnait le sentiment d’être relégué, tenu à distance. Nous avons choisi de parler de « prêtres aînés », même si cela recouvre la même réalité. A partir de 75 ans, selon l’esprit du code – il y a bien-sûr des exceptions, comme pour les évêques – les prêtres sont invités à renoncer à leur ministère et à remettre leur charge entre les mains de leur évêque, de façon à continuer à servir mais d’une autre manière. Première façon de continuer à servir, quand on est en bonne santé et pas trop chahuté par la résistance physique : on est intégré soit une dans une équipe pastorale, quand c’est possible, soit dans une équipe sacerdotale, comme c’est le cas souvent sur Paris. Les statuts n’étant pas très clairs, ils feront l’objet d’une enquête d’ici quelques mois. Nous chercherons à connaître la durée de cette période. Tient-elle à l’écoulement des années ou est-elle sanctionnée par la succession de propositions émanant de l’équipe épiscopale ? En général, quand à partir de 75 ans, un prêtre est « affecté » pastoralement pour continuer un service, en relation avec ou au sein d’une équipe, il sait que c’est son dernier poste pastoral et qu’une stabilité s’inscrit dans sa vie.
Ensuite, de 75 à 80 ans, le grand critère est celui de l’autonomie. Tant que la personne peut vivre, seule ou dans une collectivité, on ne lui en demande pas plus.
C’est à partir de la dépendance que les questions les plus lourdes se posent. Il est extrêmement important que la communauté sacerdotale se préoccupe de nous, nous assiste, entretienne ou renouvelle notre environnement relationnel.
Il y a encore beaucoup de questions à aborder. Par exemple, Mgr Jean-Yves Nahmias, évêque de Meaux, Président de la Fondation du Clergé, suggère de chercher dans les diocèses des lieux à aménager de façon à ce que les prêtres n’aient pas à s’en préoccuper.
En quoi la journée « Jusqu’au bout, accomplir sa vie » a-t-elle consisté ?
Nous avons rassemblé, le 4 juin dernier, tout ce qui existe déjà au titre de la protection sociale, dans les instances officielles notamment : la Mutuelle Saint-Martin et la Mutuelle Saint-Christophe. Ces organismes font très bien leur travail et ont une vision prospective du sujet. Il est intéressant qu’à leurs côtés existe un groupe, mandaté par le Secrétariat général de la Conférence des évêques de France, qui prenne en considération leurs choix et s’attachent à les faire connaître. Notre rôle est donc informatif.
Nous avons aussi demandé à plusieurs intervenants de nous aider à réfléchir sur la période de la dépendance : Mgr Gérard Daucourt, évêque émérite de Nanterre, et le Père Jean-François Berjonneau, prêtre du diocèse d’Evreux. Mgr Guy Herbulot, évêque émérite d’Evry-Corbeil-Essonnes, qui a choisi de vivre en EHPAD, a apporté son témoignage. Nous avons demandé à une psychologue qui intervient auprès de communautés sacerdotales, notamment à la Maison Marie-Thérèse (Paris), de nous aider à retenir un certain nombre d’éléments pour que les prêtres ne ressassent pas leur passé, avec douleur et amertume, mais qu’ils réfléchissent sur ce qu’ils ont à « perdre ». Que nous ne soyons pas déstabilisés par les plaintes et les jérémiades des uns et des autres mais que nous les aidions à accueillir cette dimension-là et à rebondir. J’ai retenu, dans les témoignages des Petites sœurs des Pauvres et de Mgr Herbulot, un appel à élargir le champ relationnel des prêtres. Nous nous sommes interrogés sur le dépassement de l’environnement ordinaire mis en place pour eux, c’est-à-dire l’assurance sanitaire, sociale, matérielle, etc. Il manque ce qui les relie à leur ancien ministère ou à leur dernière responsabilité. On aimerait élargir, diversifier la liste et travailler à la renouveler. Quand on atteint le grand âge, disons 85 ans, on est un peu isolé : la famille disparaît ou s’intéresse à la succession… Il peut manquer une présence un peu régulière, amicale et affectueuse. D’ailleurs il y avait tellement à dire que le temps a manqué pour les échanges, les remontées de bonnes pratiques et les partages d’expériences. Un prochain rendez-vous aura lieu en 2016 pour en rendre compte aux évêques à l’Assemblée plénière. Il y a matière à poursuivre ces travaux.
Quels enseignements en retirez-vous ?
Nous avons insisté pour que l’évêque trouve le moyen, invente les formes, se « décarcasse » pour avoir une relation personnelle et directe avec ses prêtres. Aujourd’hui, ce n’est pas simple car toutes les catégories d’âges de prêtres peuvent en dire autant ! Ceux qui sont en responsabilité sur de gros ensembles pastoraux pourraient tenir le même discours. Mais ceux qui ont servi leur Eglise pendant 40, 50, 60 ans et plus, et qui veulent rester pour porter dans la prière cette mission importante de fin de vie nous y invitent. Nous aimerions d’ailleurs mieux savoir comment chaque évêque réussit à vivre cette relation directe et personnelle avec chacun de ses prêtres… Certains dans l’équipe pensent que je devrais aller moi-même sur le terrain.
Un autre aspect très fort de la journée aura été l’insistance sur le maintien à domicile, le plus longtemps possible. Cela va de soi quand on est forme mais c’est aussi très significatif quand on est engagé sur un diocèse et qu’on voit ses forces diminuer. Il y a toute reconquête d’un relationnel nouveau, plus gratuit, qui n’est plus l’appel à des services mais au contraire, où le prêtre est bénéficiaire des rencontres et des visites, de sorte qu’il ne sente pas coupé du monde. Joël Defontaine, qui est expert médico-social, a beaucoup insisté pour que nous soyons créatifs sur les formes diversifiées du maintien à domicile le plus longtemps possible.