P. Prencipe : « L’évacuation des migrants est un cache-misère »
Directeur du Service National de la Pastorale des Migrants et des Personnes Itinérantes (SNPMI), le Père Lorenzo Prencipe réagit à l’évacuation, par les forces de l’ordre, des migrants installés boulevard de La Chapelle, dans le 18ème arrondissement de Paris. Il dénonce une solution qui accroît leur précarité et appelle l’Union Européenne à trouver une solution globale.
Que s’est-il passé boulevard de La Chapelle à Paris ?
A 6 heures ce matin, la police est intervenue sous le métro aérien, boulevard de La Chapelle, pour évacuer les migrants, les demandeurs d’asile, les potentiels réfugiés qui avaient trouvé abri sous ce pont depuis plusieurs mois. La raison invoquée pour cette intervention ? Les conditions sanitaires dans lesquelles vivent ces 400, voire 450 personnes, qui ont dressé des tentes et des abris de fortune.
Que vont devenir ces migrants ?
Selon nos informations, la plupart des personnes seront amenées à passer une ou deux nuits à « La Boulangerie », un abri de nuit, dans des conditions d’hygiène pas très différentes du boulevard de La Chapelle ! Elles seront ensuite dispersées à nouveau dans Paris. On ne peut pas continuer à prendre des décisions qui précarisent de plus en plus la vie des personnes. D’autant plus que celles-ci devraient bénéficier d’un statut de réfugié et d’une protection humanitaire. C’est toute l’ambiguïté des politiques migratoires, non seulement de la France mais aussi des pays de l’Union Européenne : Ils font semblant de répondre à des situations de précarité mais sans trouver de solutions globales, concrètes et d’une certaine manière, définitives. Je rappelle les réactions négatives lorsqu’il a été question de se « répartir » les migrants venus de Méditerranée, par l’Italie, et qu’il fallait « redistribuer » dans toute l’Europe. Or la plupart des personnes évacuées ce matin sont justement arrivées à Paris depuis Lampedusa (Sicile), au terme d’un voyage à travers l’Italie, pour aller ensuite à Calais. Fermer les yeux, ne pas vouloir trouver des solutions sur ce qui se passe en Méditerranée et dans les pays d’origine – notamment en Libye et les pays environnants – et évacuer ces personnes est de l’ordre du cache-misère. Ces fausses solutions sont une atteinte à leur dignité, à leur histoire et toute la souffrance déjà vécue pour arriver jusque-là.
Comment l’Eglise a-t-elle accompagné ces personnes ?
Elles ont été prises en charge par des associations caritatives et par des bénévoles, certaines en lien avec la paroisse Saint-Bernard-de-la-Chapelle (Paris 18e). Au-delà de la distribution de nourriture et de vêtements, ce sont des moments de partage et des temps de parole qui ont été mis en place pour que chacun puisse raconter son histoire. Tout cela s’est fait au quotidien, depuis un an et demi, dans la discrétion et dans l’ignorance, sans doute, des Pouvoirs Publics. Ce n’est pas une situation arrivée à l’improviste. Même si elle n’était pas optimale, l’alternative ne fait que fait déplacer le problème pour le rendre non visible.