« L’Apocalypse ? », un billet de Mgr André Dupleix
Nul ne peut remettre en cause la bonne foi – je préfère parler dans ce cas de bonne volonté… – de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, dans la série télévisée L’Apocalypse, pour aiguiser la réflexion du public sur ce qu’ils considèrent comme les véritables origines du christianisme. L’utilisation du titre, « accrocheur » comme ils disent, du dernier livre de la Bible, attire bien évidemment l’attention par son fort impact symbolique. Il ne s’agit pour eux cependant que de poursuivre, certes par un travail incontestable, leur étude du christianisme primitif.
Nos réalisateurs n’en sont pas en effet à leur premier essai. Déjà avec Corpus Christi en 1997, et Les origines du Christianisme en 2003, ils ont, selon une méthode invariable ne manquant ni d’aplomb ni d’habileté, proposé une vision des premières décennies de ce christianisme en voulant nous convaincre qu’il s’est progressivement détaché du prophète de Galilée pour devenir, à travers un lassis d’élaborations doctrinales et de réseaux institutionnels et politiques complexes, ce qu’il est aujourd’hui.
Quelques titres d’ouvrages publiés par ces mêmes auteurs, en contrepoint des émissions, traduisent aussi leur objectif : Jésus après Jésus, Jésus contre Jésus, Jésus illustre et inconnu, Jésus sans Jésus. Il n’échappe à personne que c’est bien Jésus lui-même qui est au centre de leurs préoccupations. Et qui pourrait sur ce point leur en vouloir ?
La difficulté vient plutôt de ce qu’ils négligent de prendre en compte. Proposant de nouvelles interprétations, souvent sans argumentation suffisamment élaborée et formulant des hypothèses hasardeuses, nos deux auteurs ont, décidément, fait l’option de rallier l’opinion publique, émission après émission, à leur thèse de départ : l’Église n’a plus grand-chose à voir avec Jésus et sa prédication de la Bonne Nouvelle…
L’émission séduit pourtant, donnant l’impression à travers des interviews de chercheurs dont la réputation n’est plus à faire – mais sans réelle confrontation de leurs thèses respectives – que nous avons à faire à une véritable approche scientifique. C’est pourtant loin d’être le cas !
Gérard Mordillat et Jérôme Prieur n’hésitent pas à dire que l’ensemble de leur travail « se place sous le registre du doute ». Libre à eux bien sûr ! Mais l’universitaire que je reste, a priori favorable à tout travail critique, se prend lui aussi à douter du mode et contenu de leur démarche tout en leur reconnaissant – tradition facultaire oblige – le droit d’exprimer leur avis. Mais avec de véritables échanges et selon une autre méthode !
Mgr André Dupleix, secrétaire général adjoint de la Conférence des évêques de France
Editorial paru dans le Courrier français, 15 décembre 2008