Appel de l’Eglise catholique de Guinée

GUINEE CONACKRY

Nous avons appris, par les medias, qu’un grand rassemblement est prévu par les forces vives (Partis Politiques, Syndicats, Leaders religieux, coordinations régionales et jeunesse) le lundi 28 Septembre 2009 au Stade du 28 Septembre de Conakry.
Nous, Pasteurs de l’Eglise Catholique en Guinée, en appelons à la conscience de tous et de chacun pour que cette manifestation se déroule d’une façon pacifique.

Que les initiateurs mettent en place une organisation suffisante pour éviter toute casse et violence ; avant ledit rassemblement, un travail de conscientisation des participants est indispensable afin que tout se déroule dans un climat de sérénité sans lequel l’objectif est déjà faussé.

Que les forces de l’ordre évitent toute répression disproportionnée et toute violence inutile.

Plus largement, nous lançons un appel solennel au calme et à la réflexion et à un effort de tous pour construire la paix. Que personne ne se dégage de ses responsabilités et que chacun pense aux conséquences de ses actes. Car si le feu prend dans la maison de Guinée, nous serons tous responsables. Et nous en supporterons tous les conséquences avec nos femmes et nos enfants, nos familles et nos amis.

Trop de sang a coulé sur le sol guinéen, par inconscience, volonté de prendre ou de garder le pouvoir, ou par intérêt égoïste. Nous ne voulons plus voir couler le sang innocent.

Combien de familles guinéennes sont déjà endeuillées par la mort d’un ou de plusieurs membres provoquée par une volonté humaine ? Combien de familles guinéennes attendent que lumière soit faite sur la disparition tragique et inhumaine de nombreux citoyens ? Combien de parents et d’enfants pleurent encore aujourd’hui le sang d’un être cher ? Le sol guinéen n’est-il pas assez abreuvé de sang innocent ?

Nous ne voulons plus que le sol de notre chère patrie continue de s’imbiber du sang des innocents. Nous avons tous la grave responsabilité de veiller afin que de telles choses ne se reproduisent plus chez nous. Le Dieu que nous adorons tous ne dit-il pas : « Tu ne tueras pas » ? Ce commandement de Dieu interdit non seulement de tuer mais aussi de créer des situations qui entrainent la mort d’innocents. Il faut à tout prix nous reprendre.

– Comme peuple, nous avons le devoir sacré d’effectuer un pèlerinage à nos racines en nous rappelant qui nous sommes et d’où nous venons. Nos ancêtres nous ont légué une culture de paix et une civilisation de dialogue. Ils nous ont appris à vivre ensemble, en communauté, en nous acceptant les uns les autres. Ils nous ont enseigné que quand il y a un problème, on se rassemble autour de l’arbre à palabre. Chacun écoute l’autre et essaye de le comprendre, et avec l’aide de toute la communauté villageoise, on cherche ensemble la meilleure solution possible, dans le respect de tous. Si nous voulons que le pays avance, il est absolument nécessaire que nous revenions tous à ces valeurs de nos ancêtres, pour un vrai dialogue qui construit notre chère Guinée.

Il est essentiel que chacun s’interroge, profondément et devant Dieu, en se rappelant sa responsabilité devant le peuple. Pas seulement au niveau politique, pour prendre ou garder le pouvoir, mais d’abord au niveau économique et social pour relever le pays. Pas seulement pour l’intérêt de son groupe ou de son ethnie, mais de la population toute entière. En particulier pour le monde rural, les jeunes et les démunis de nos villages et de nos villes. Que proposons-nous pour la paix et le respect de tous ? Nous rappelons ici notre message de Pâques, qui offrait des solutions pour construire le pays : « Aspirations au changement, engagements de tous et de chacun ».

– Enfin, nous lançons un appel à tous ceux qui aiment la Guinée. Qu’ils soutiennent les efforts de ceux qui cherchent véritablement la paix. Qu’ils favorisent un vrai dialogue et cherchent avec nous des solutions constructives, avec la participation de tous. Que l’on ne cherche pas à diaboliser l’adversaire, que l’on ne cherche pas à mettre tous les torts sur l’autre, mais que chacun reconnaisse ses propres limites, de même que les qualités et la part de vérité de l’autre. Que personne ne cherche à imposer sa propre solution, mais que chacun reste disponible pour ouvrir des voies nouvelles tous ensemble, dans une créativité généreuse et désintéressée.

Nous comptons sur nos amis étrangers pour qu’ils cherchent véritablement le bien du pays et non pas des intérêts économiques inavoués. Nous comptons sur tous ceux qui ont une responsabilité dans le pays que ce soit au niveau politique, syndical ou de la société civile pour qu’ils ne se laissent pas manipuler.

Nous comptons sur tous les citoyens pour qu’ils cherchent vraiment la paix et qu’ils abandonnent toute violence ou intérêt personnel égoïste.
Les Pasteurs de l’Eglise Catholique de Guinée invitent tous et chacun à se ressaisir et à abandonner tout sentiment de vengeance et d’auto-justice. Car, l’histoire des peuples nous enseigne que de tels sentiments n’entrainent qu’une chaine ininterrompue de haine et de violence.

Enfin, l’Eglise Catholique de Guinée s’engage, conformément à sa vocation, à prier et à travailler pour la paix en Guinée. Elle redit toute sa disponibilité à être un foyer d’échange d’idée avec les hommes de bonne volonté de notre pays et d’ailleurs pour que la paix véritable revienne chez nous.

Puisse le Seigneur Jésus Christ, le Prince de la paix, conserver notre chère Patrie et ses fils dans la paix et la concorde !

Conakry, le 23 Septembre 2009

+ Vincent Coulibaly Archevêque de Conakry, Président de la conférence Episcopale de Guinée
+ Emmanuel Felemou Evêque de Kankan
+ Raphael Balla Guilavogui Evêque de N’Zérékoré