« Il y a une conversion mutuelle à réaliser entre les Eglises »

Le père Audace Manirambona est chapelain à la chapelle de la médaille miraculeuse de la rue du Bac à Paris. Ordonné prêtre lazariste en 1997 au Cameroun, il a été vicaire à la paroisse de Nsimalen dans la banlieue de Yaoundé, puis curé de la paroisse. En 2004, il arrive en France pour effectuer une maîtrise de théologie pastorale à l’Institut catholique de Paris puis devient responsable des missions au service des Lazaristes de France. Présent en France depuis cinq ans, il revient sur les attentes et le rôle de l’Eglise en Afrique au moment du synode pour l’Afrique.
Qu’attendez-vous du synode pour l’Afrique ?
Le synode est un grand moment pour une église continentale. Un synode est une marche commune des évêques africains et d’ailleurs pour réfléchir aux problématiques africaines. Le thème choisi est ‘l’Eglise en Afrique pour la réconciliation, la justice et la paix’. C’est un thème d’actualité, car l’Afrique a vécu de nombreux conflits, même au sein de l’Eglise. Là où il y a l’homme, il y a  »l’hommerie ». L’Eglise attend que ce synode aborde la réconciliation pour aider les Africains à se réconcilier avec eux-mêmes et avec le monde, car l’Afrique a une histoire avec le monde. Elle a vécu la traite des esclaves, qui nous poursuit encore et qui laisse un certain ressentiment, puis la colonisation dans laquelle l’Eglise universelle était impliquée. Les missionnaires accompagnaient les colons pour leurs besoins spirituels et sont entrés en contact avec les indigènes, et l’Eglise a pu parfois contribuer à soumettre les personnes, à qui on parlait du salut. Les missionnaires entraient en dialogue avec les Africains, avec qui ils apprenaient la langue et pouvaient ainsi communiquer. Ils pouvaient parfois paraître comme des protecteurs de la population et il y a eu des cas où l’Eglise s’est trouvée en conflit avec le gouvernement colonial, en faveur des indigènes. Ce travail que l’Eglise a réalisé en d’autres époques, l’Eglise peut le faire encore aujourd’hui. Elle est de plus en plus indépendante. La mission de l’Eglise est une mission de réconciliation, grâce à l’Evangile. Au nom du Christ, elle peut réconcilier les personnes. Elle peut également promouvoir la justice et la paix au quotidien, notamment en luttant contre la corruption.

Quel rôle l’Eglise catholique doit-elle jouer en Afrique ?
L’Eglise catholique a un grand rôle. C’est une institution vieille de 2 000 ans. Connaissant l’instabilité politique des pays africains, l’Eglise peut témoigner d’institutions qui durent dans le temps, même si elles ne se confondent pas avec les personnes. C’est l’institution comme corps qui est appelée à durer.
Au niveau de la population, l’Eglise catholique a été pionnière en matière d’éducation et de santé pour réussir là où les institutions politiques ne réussissent pas. Dans les endroits reculés, les prêtres ou religieux assumaient tout, dans les domaines de la santé et de l’éducation. Au niveau économique, l’Eglise apprend aux personnes à améliorer leur niveau de vie, elle les sensibilise sur leur potentialité et participe au développement du lieu local.

Quelles sont les relations entre l’Eglise de France et les églises d’Afrique ?
Il y a toujours eu des missionnaires français en Afrique que ce soit de la part des diocèses, les prêtres Fidei donum, et les prêtres religieux ainsi que les religieuses. Ils sont allés au Sénégal, Mali, Tchad, Cameroun, Congo, Gabon, dans tous ces pays qui ont un passé en lien avec la France. L’Eglise de France continue de jouer un grand rôle. Des prêtres français continuent à se rendre en Afrique même si leur nombre est faible. Ce n’est pas parce que l’on n’a pas assez de prêtres que l’on ne peut pas partager cette pauvreté. Il y a une certaine ouverture dans ces échanges.

Les églises d’Afrique sont-elles missionnaires en Occident ?
Elles sont missionnaires dans un contexte de partenariat. Les prêtres africains viennent pour coopérer avec l’Eglise qui est déjà sur place, c’est la spécificité de la mission. Autrefois, quand les missionnaires venaient en Afrique, ils arrivaient en terrain vierge, il n’y avait pas d’interlocuteur religieux. L’Eglise d’Afrique peut compter sur l’Eglise de France, et celle-ci peut s’enrichir du boom des vocations, elle peut demander des missionnaires. Au niveau de l’expression de la foi, elle peut aussi profiter de la présence des prêtres africains pour leur confier des missions, eux qui ont leur propre manière de prier. Il y a une conversion mutuelle à réaliser entre les Eglises.

 

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