« Etre femme au coeur des pauvretés »

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L’action catholique des Femmes (ACF), organise ce 4 décembre une journée d’études pour sensibiliser aux causes de la pauvreté des femmes. Rencontre avec Agnès Manesse, secrétaire générale de l’ACF.
Qu’est-ce qui a déclenché l’organisation de la journée d’étude sur le thème « Femmes et pauvreté » ?
Il y a quatre ans, nous avons vu apparaître la question de la pauvreté et de la précarité des femmes dans les partages de nos équipes. C’était déjà en résonance avec les constats des Restos du cœur ou du Secours catholique qui alertaient sur le nombre grandissant de femmes retraitées ou de jeunes mères dans le besoin. Nous avons mis en place un groupe de travail, auquel nous avons demandé de rassembler témoignages et analyses dans l’ouvrage « Être femme au cœur des pauvretés », publié à l’occasion de la journée d’étude.

Qu’a révélé le travail de recherches ?
Nous nous sommes rendues compte que la pauvreté des femmes est liée au fait d’être une femme, c’est une question de genre. Nous avons interpellé d’autres associations, confessionnelles ou non. Et nous avons eu un silence total pour toute réponse, sauf avec le Secours catholique. C’est une non-question pour les structures qui s’intéressent soit aux femmes, soit aux pauvres. Pourtant les chiffres sont connus : 80 % des pauvres sont des femmes, les plus pauvres parmi les pauvres sont des femmes ; 80 % des familles monoparentales sont portées par des femmes… Personne ne s’interroge sur les causalités de cette pauvreté liées au fait d’être une femme.

Qu’est-ce qui engendre la pauvreté des femmes ?
C’est un circuit très pernicieux, qui commence très tôt avec des orientations professionnelles peu valorisées. Une fois sur le marché du travail, les emplois sont mal payés, des temps partiels parfois imposés. Les carrières sont en pointillés, avec au bout du compte des retraites de misère. Et lorsque la femme se trouve chargée de famille, il lui est impossible de gérer des horaires de travail avec la garde des enfants. La précarité s’ajoute à la précarité. Quand une femme vient demander une aide, parce qu’avec 500 euros par mois elle ne s’en sort pas, on lui propose d’apprendre à gérer son budget. Lorsque c’est un homme qui fait la même demande, on lui propose un soutien à la recherche d’emploi…

Quels sont les problèmes soulevés par ces pauvretés ?
Il faudrait que les emplois d’aide à la personne, certes en plein développement, soient considérés comme une valeur ajoutée au PIB et que les hommes s’y intéressent : les salaires évolueraient. D’autant que les femmes qui accompagnent les personnes en fin de vie sont les plus touchées par le stress au travail, sans que cela soit reconnu. Nous avons aussi recueilli des témoignages terribles de femmes qui subissent des violences conjugales. Elles restent, faute de ne rien avoir pour vivre, pour se loger, etc. La lutte contre la précarité est un moyen pour mettre fin à ces situations de détresse. Les femmes pauvres ont aussi tendance à négliger leur santé, à faire passer leurs enfants avant. Elles sont de plus en plus dans le déni d’elles-mêmes. Et quand une femme, une mère de famille, n’a plus d’autres ressources, elle est prête à vendre son corps. La prostitution de fin de mois, en particulier en zone rurale, est encore une spécificité féminine, c’est beaucoup plus marginal chez les hommes.

Qu’attendez-vous de la journée de ce 4 décembre 2009 ?
Nous souhaitons que les politiques, les institutionnels, les responsables d’Église, les associations caritatives et les acteurs sociaux prennent conscience de cette question et que les regards changent. Au-delà de l’aide d’urgence qui peut être apportée, nous demandons la construction d’une politique spécifique pour les femmes. Nous n’avons pas de vocation caritative, mais avec les autres associations, nous pouvons nous apporter mutuellement. Notre objectif est de déployer dans toutes les régions des rencontres entre associations et autres mouvements d’Église pour sensibiliser, affiner le regard de chacun, nous éduquer aussi entre femmes à la bienveillance.

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