« Un chemin pour les croyants : résister à l’immédiat et réfléchir » par le père Roucou

Les chrétiens sont entrés dans le temps du Carême qui conduit à la fête de Pâques, ils sont invités à se mettre davantage à l’écoute de la Parole de Dieu et à suivre le chemin de Jésus le Christ. La prière et le jeûne leur permettent de se mettre à distance de l’immédiat pour se tourner vers Dieu.

Ce temps du Carême rappelle les quarante jours d’épreuves au désert pour Jésus, selon les Evangiles, et les quarante ans de marche dans le Sinaï du peuple des Hébreux à la suite de leur exode d’Egypte. Des temps d’épreuves qui conduisent à se demander où est l’essentiel et comment demeurer fidèles à l’appel de Dieu.

Ce Carême 2010 ne peut-il pas être un temps favorable pour prendre ce recul et nous demander où est l’essentiel dans notre société et dans les relations entre croyants ?

Résister à la pression de l’immédiat à laquelle la société nous contraint : les Medias voudraient que nous réagissions immédiatement à chaque « événement », ou du moins ce qu’ils appellent ainsi ; Internet, merveilleux outil de communication avec les amis de tous pays, cultures et religions, nous abreuve aussi de beaucoup de rumeurs ou de mensonges par la circulation des pires photos, textes, diaporamas qui se présentent comme la vérité et que chacun diffuse à toute sa liste d’adresses sans prendre le temps de vérifier les sources. Ainsi, les pires choses sont écrites et diffusées sur les musulmans comme sur les chrétiens et contribuent à nourrir peurs et haines.
Qu’il est difficile de raison garder et de prendre du recul pour comprendre les événements et les personnes dans le monde d’aujourd’hui ! Certes, en 2010, les situations difficiles ne manquent pas et nous sommes loin du compte à propos de la liberté de conscience et de la liberté de culte dans beaucoup de pays à majorité musulmane. Je reviens d’Egypte où, au quotidien, des pressions sont exercées sur des chrétiens pour qu’ils rejoignent l’islam.
Comme le disent les documents publiés ici et signés par des responsables chrétiens, nous nous battons pour la liberté de conscience et la liberté religieuse partout, pour les musulmans trop stigmatisés dans des pays à majorité chrétienne comme pour les chrétiens traités souvent comme des citoyens de second rang dans des pays à majorité musulmane.

Mais faut-il tout interpréter avec la clef de lecture religieuse ? Débat sur le port du « niqâb » ou voile intégral en France, et glissement opéré par les medias sur le foulard d’une candidate aux élections régionales ; Refus imposé aux chrétiens de Malaisie d’utiliser le nom Allah pour parler de Dieu ; Tension renouvelée à Jérusalem ; Affrontements meurtriers au Nigeria où l’archevêque d’Abuja déclare : « on ne se tue pas à cause de la religion, mais pour des revendications sociales, économiques, tribales, culturelles. » Ces exemples montrent qu’il est trop facile de cacher des situations de crises sociales, économiques, culturelles ou politiques sous le voile religieux ! Aux croyants que nous sommes d’être vigilants et de ne pas être dupes.

Les temps sont difficiles pour ceux et celles qui refusent la logique de la peur et de l’affrontement et pourtant l’un des défis que nous rencontrons est bien celui de l’ignorance et de l’absence de réflexion critique. Dans trop de pays, l’enseignement se résume à la répétition et, pour des raisons d’abord politiques il est interdit de réfléchir. Ceci fait le lit des fanatismes et des intégrismes religieux.

Le rôle des croyants, chrétiens comme musulmans, est de conjuguer la raison et la foi qui sont des dons de Dieu, de les utiliser ensemble pour connaître leur propre tradition, découvrir celle de l’autre et finalement respecter l’autre dans sa différence et ainsi servir Dieu qui nous a tous créés à son image et à sa ressemblance (Gn 1,26).Que ce temps du Carême puisse être ce temps d’une juste prise de distance et donc d’une juste relation aux autres, grâce à l’écoute de Dieu.

Christophe Roucou
Mars 2010
 

Edito de la lettre n° 102 du SRI (Service national pour les relations avec l’Islam) par le père Christophe Roucou, mars 2010