« Regarder ce monde avec un regard nouveau »

Le Concile Vatican II a été un moment très important dans la vie de notre Église parce qu’il a permis à toute l’Église, selon le dessein du Pape Jean XXIII, un travail en profondeur pour assumer la tradition chrétienne et regarder le monde d’aujourd’hui, pour le rencontrer avec la richesse de cette tradition chrétienne.

On peut dire que, pour un certain nombre de chrétiens et même de théologiens, il y avait une sorte de divorce entre la logique de la Révélation et de la foi, et la logique du développement du monde. Or, ce que le Concile a voulu avant tout, c’est regarder ce monde avec un regard nouveau, non pas pour condamner, mais pour prendre conscience que l’Esprit de Dieu, qui est à l’œuvre depuis la création, continue à agir dans ce monde et à produire des fruits pour le bien de l’homme. Tout ceci ne fait disparaître ni les défauts de notre monde, ni les erreurs des hommes, ni leur péché. Mais cela nous permet de mieux prendre conscience qu’il y a dans l’expérience humaine des forces réelles, sur lesquelles on peut s’appuyer pour construire un monde meilleur.

Cette perspective, ce regard d’amour sur le monde a été une des intuitions de fond du Concile Vatican II. Ce regard d’amour sur le monde porte aussi une certaine manière de comprendre l’homme. Les plus anciens parmi vous, ou ceux qui ont beaucoup lu, se rappelleront peut-être que, tout de suite après la deuxième guerre mondiale, certains courants de pensée n’envisageaient l’affirmation de l’homme que dans la négation de Dieu. La relation entre Dieu et l’homme passait nécessairement par une sorte d’élimination mutuelle : si Dieu existe, l’homme n’existe pas et si l’homme existe, Dieu n’existe pas. C’est cette logique infernale qui a traversé nos sociétés et qui a constitué une sorte de conflit permanent entre le progrès de l’humanité et le progrès de la foi en Dieu. Le Concile a voulu faire apparaître que ce conflit était une construction artificielle. Il avait été élaboré par des gens qui ont réfléchi, qui ont proposé leur théorie, mais ne correspondait pas à la réalité de l’univers.

L’homme est dans le monde parce que Dieu l’a voulu, et Dieu a voulu l’homme pour qu’il soit son partenaire. Et ce partenariat entre Dieu et l’homme repose essentiellement sur la capacité que chaque homme a en lui, de choisir et de vivre dans la liberté. C’est parce que l’homme est libre qu’il peut devenir partenaire de Dieu. La vision d’un conflit entre l’homme et Dieu, entre le monde et Dieu, entre le monde et la foi, entre le monde et l’Église, ne correspond donc pas à la vision du Concile Vatican II, qui invite à chercher à travers l’expérience si riche et diverse de l’humanité, les traces de la vocation divine de l’homme et les premiers éléments, les premières pierres, la première ébauche de la réponse humaine à cet appel de Dieu. C’est parce que l’homme est libre qu’il peut répondre à Dieu, et nous ne pouvons pas faire progresser l’humanité dans sa relation avec Dieu si nous ne travaillons pas de façon permanente à développer cette liberté, à éliminer ce qui l’empêche d’exister, à construire les conditions d’un choix libre dans l’existence humaine.

Voilà la grande initiative, la grande intuition du Concile Vatican II, qui a été reprise de façon tout à fait grandiose dans la constitution Gaudium et Spes dont – comme beaucoup le savent aujourd’hui – le Pape Jean-Paul II, alors Cardinal Wojtyla, a été l’un des auteurs principaux et un de ceux qui a le plus contribué à sa mise en œuvre. Cette constitution, avec l’ensemble des textes du Concile, nous a engagés définitivement dans une relation de dialogue avec le monde, et non pas dans une relation de condamnation du monde.

Cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris
Président de la Conférence des Evêques de France

Transcription de la présentation vidéo de sa conférence (KTO)

Le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, président de la Conférence des Evêques de France, partage le coeur du message qu’il souhaite transmettre pendant sa conférence intitulée « L’homme est la route de l’Eglise », dimanche 25 mars, lors du rassemblement des Eglises diocésaines (Lourdes, 24-25 mars).
 

Pape Paul VI


Paul VI pour l’ouverture de la deuxième session du concile Vatican II

« […] Nous regardons notre temps […] avec une très grande sympathie […]. Que le monde le sache : l’Église le regarde avec une profonde compréhension, avec une admiration vraie, sincèrement disposée non à le dominer, mais à le servir ; non à le déprécier mais à accroître sa dignité ; non à le condamner mais à le soutenir et à le sauver. »
 

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