Lorsque des enfants font alliance
Dans la ville de Fameck (57), la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié 2018 a été l’occasion pour des enfants tant de migrants que de familles mosellanes de passer ensemble une belle après-midi.
Face aux enfants assis en cercle, Mireille explique : « Ce n’est pas moi qui ai organisé cette journée, elle a été demandée par le Pape, le chef actuel de l’Église catholique. […] Vous savez ce qui oblige des gens à partir de leur pays ? Ce peut être la sécheresse, la guerre. […] On a tous été plus ou moins migrants. Moi mes parents sont venus d’Italie en 1960. Beaucoup ici ont d’autres origines». Et de fait, de nombreuses mains se lèvent, d’adultes autant que d’enfants. Ces derniers sont une trentaine, certains de Fameck, deux de Florange avec leur animatrice Fiorenza, d’autres d’Uckange avec leur animatrice Sabrina, un trio de jeunes filles de Forbach, Catherine, une autre responsable venue avec sa petite-fille, et une poignée de parents. Sont également venus en renfort de grands jeunes : Biagio, 16 ans, délégué national, qui d’anxieux est devenu grâce à l’ACE volubile et « s’est fait des amis » et Tracy, 14 ans, qui ne vient plus qu’aux temps forts (fêtes de bienvenue, récollections), les horaires de club coïncidant avec sa préparation à la confirmation. C’est elle qui témoignera en fin de journée au cours de la messe avec Arijan, 12 ans.
Tous nécessaires
Quatre jeux se tiennent autour des quatre verbes « Accueillir, protéger, promouvoir, intégrer » choisis par le Pape François pour cette Journée. Les groupes, où se mélangent âges et provenances, tournent. C’est ainsi que dans une salle du presbytère, des speeed-dating (rencontres minute) s’organisent par doublettes afin que deux enfants découvrent ce qu’ils ont en commun. Lucas, un lycéen qui n’a plus le temps de venir au club mais est toujours prêt à donner un coup de main, en est l’animateur. Une excellente école de responsabilisation, d’autonomie, d’apprentissage du collectif et de prise de parole. Annick, sa maman, anime dans le couloir un autre jeu autour du verbe Intégrer.
Dans la salle Balavoine, debout sur une bâche de plus en plus rétrécie représentant la banquise en train de fondre, une grappe d’enfants se serre les coudes. Les plus grands hissent les petits et d’autres ceinturent leurs camarades afin qu’ils ne tombent pas symboliquement dans l’océan. C’est le jeu des chaises musicales remixé en « jeu des pingouins ». « Ce jeu vous a appris quoi ? Qu’est-ce que ça veut dire protéger ? Est-ce qu’on est tous nécessaires les uns aux autres dans notre quartier, notre pays, le monde ?», interroge Marie-Thérèse, l’animatrice. Commentant les réponses des enfants (« On s’est accroché », « on a tenu l’autre », « ensemble on est plus fort »), elle déclare : « Prendre soin des autres ça veut dire que si vous voyez quelqu’un qui est dans la panade, veillez à ce qu’il n’ait pas faim, à ce qu’il n’ait pas froid. […] Il faut vraiment être solidaires les uns des autres ».
À l’issue des jeux, Mireille rassemble les enfants pour un échange autour de ce qu’ils ont appris. Les réponses fusent : Gabriel : « qu’on doit aider les autres », Alizée : « qu’il faut découvrir les autres ». Mireille demande qui a eu l’initiative d’aller vers des enfants inconnus. Arijan, raconte qu’à l’hôtel où sa famille est hébergée, il est descendu un jour avec sa tablette dans le salon et qu’avec d’autres garçons « ils sont devenus copains ». Alvina prend des notes car « notre force, explique Mireille, c’est la relecture des écrits ».
Une clef pour ouvrir les cœurs
Vient le moment des cadeaux offerts par le club des entrepreneurs du château de la Dame du fer de Hayange. C’est l’effervescence avant un autre temps fort, le goûter, après que tout le monde ait chanté un bénédicité. Mireille explique le sens des objets qui seront portés à l’autel en procession au cours de la messe : l’arc-en-ciel qui signifie l’alliance « entre nous comme Dieu la fait avec nous » et la clef « pour ouvrir les cœurs ». Tout le monde entonne alors la chanson des Kids United[1] « Tout le bonheur du monde » avant de se rendre à l’église à quelques mètres, pendant que Carla et Marie-Thérèse nettoient la salle.
Des mamans et des enfants de familles musulmanes ont tenu à se joindre à la célébration au cours de laquelle les enfants remettent aux paroissiens les sachets de lavande fabriqués par quelques parents au cours d’un atelier. Un des trois prêtres spiritains de la communauté paroissiale, accompagnateur de la pastorale des Migrants, le Père Daniel Muhame est passé salle Balavoine au cours de l’après-midi. Il se réjouit que ces familles musulmanes « se trouvent à l’aise avec nous, même si on fait très attention à ne pas imposer notre foi. Tout cela, ajoute-t-il, fait partie de notre mission d’accueil ».
Par Chantal Joly
[1] Groupe de musique français formé d’enfants en 2015 pour une campagne de l’UNICEF dont les albums et les concerts sont de gros succès.