Boko Haram, de la secte au groupe terroriste

Enseignant à Sciences Po et chercheur à l’Institut de recherches pour le développement (IRD), Marc-Antoine Pérouse de Montclos est spécialiste des conflits en Afrique. En juillet 2013, il apportait son éclairage sur le groupe terroriste du Nigéria Boko Haram, dans la revue Développement et civilisations.

Quelle est cette organisation ?

[Boko Haram] avait pignon sur rue jusqu’en 2009, à une époque où des ministres du Tchad voisin venaient écouter les prêches du leader Mohammed Yusuf. Il s’agissait d’une secte « classiquement » intolérante. Mais ce n’était pas un groupe terroriste, il n’était pas au départ clandestin et pas non plus ciblé contre les chrétiens.
La répression de la secte en juillet 2009 est marquée par une brutalité et une violence inouïe. Le leader est froidement exécuté par la police, sans procès. Les techniques de communication modernes – sms, téléphone portable, images diffusées par internet… – permettent la circulation des images d’horreur. La révolution Internet a fait son œuvre : les messages et les images de la répression et de l’horreur sont diffusés plus rapidement que l’arrivée des secours. Le spectacle de la violence par les médias contribue à populariser la secte. Les populations de Maiduguri, très remontées contre l’armée et la police, refusent de collaborer avec les forces de sécurité considérées comme un facteur d’insécurité.
La répression disproportionnée a eu des effets pervers : le mouvement a plongé dans la clandestinité; le chef spirituel assassiné manque cruellement aujourd’hui pour négocier une sortie du conflit ; on a créé un mouvement populaire de rejet des forces de sécurité, de résistance contre des forces d’occupation impies. Les forces de sécurité ont peut-être gagné une bataille sécuritaire mais elles ont perdu la bataille des cœurs et des esprits.

Quelles sont les conséquences de la répression de 2009 contre la secte ?

La répression de 2009 contre le mouvement a entraîné trois changements essentiels. Les membres de la secte élargissent le territoire de leurs activités : ils attaquent maintenant aussi la capitale fédérale du Nigéria. Auparavant, ils n’étaient actifs que dans deux États fédérés du nord du pays, maintenant ils le sont dans dix. Ils recourent à des attentats terroristes. Et s’en prennent maintenant aux chrétiens.
Mais le livre de Mohammeegyd Yusuf, qui contient un seul paragraphe sur les chrétiens, ne disait pas de les massacrer. Les premiers groupes de Boko Haram qui ont affronté la police s’étaient retirés dans l’État du Yobe en se référant à l’hégire, avec donc une référence positive aux chrétiens d’Abyssinie qui accueillirent les premiers compagnons du prophète Mohammed. Cela date de 2003, époque où Boko Haram ne massacrait pas les chrétiens et s’en prenait seulement aux forces de sécurité et aux hommes politiques corrompus.
Ce sont là les trois effets de la répression de 2009 : une dérive terroriste, un élargissement des zones d’activité de la secte, un élargissement des cibles vers les chrétiens.

Quel avenir peut-on prévoir ?

Beaucoup de choses vont changer. Le Nigéria qui est déjà le pays le plus peuplé d’Afrique va devenir le premier pays musulman d’Afrique puis de la planète. Il y a déjà 50 % de musulmans dans le pays.
A mesure que la population du pays augmente, il y aura plus de musulmans au Nigéria qu’en Égypte. En 2050, le Nigéria sera le troisième pays le plus peuplé du monde.
Et à terme, il dépassera l’Indonésie comme premier pays musulman du monde.
Autre point : on sait que la fécondité des femmes musulmanes est plus importante que celle des femmes chrétiennes du sud, 7 enfants dans le nord contre 5 enfants dans le sud. Les différences de taux de fécondité selon l’appartenance confessionnelle expliquent les évolutions démographiques bien plus que les conversions qui restent marginales. En 2050, le Nigéria peut devenir un pays majoritairement musulman.

Source : Développement et civilisations, N°413, juillet 2013.

Suite à l’enlèvement des lycéennes 

Président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Dalil Boubakeur a condamné la « nature crapuleuse » des actions de Boko Haram et dénoncé son « mépris de la dignité humaine ».
Une chaîne de prière a été lancée début mai sur Hozana.org, réseau social chrétien de prière.

 

Sur le même thème