Visages et témoignages de chrétiens contre la prostitution

Abolir la prostitution ? Des hommes et des femmes, professionnels ou bénévoles, livrent déjà au quotidien un combat contre un « système  prosti-tueur », pour le respect et la dignité de chaque personne humaine. Accompagnement sur le terrain, aide à l’insertion, relais d’informations : tous les moyens sont bons pour faire évoluer mentalités et comportements.

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Sœur Viviane Wagner, 55 ans, Religieuse des Sœurs de la Providence de Saint André du Peltre, vit près de Metz, engagée depuis onze ans au Mouvement du Nid dont elle est déléguée départementale de la Moselle (à gauche sur la photo).
« La prostitution est une violence en elle-même. Avec le Mouvement du Nid, je vais à la rencontre des personnes qui se prostituent. J’accompagne en ce moment, plus particulièrement, une femme qui est gravement malade. Ces femmes sont pétries d’humanité, elles accueillent tant de misère. Elles m’humanisent. Mon combat a quelque chose à voir avec mon choix de vie religieuse et mon vœu de chasteté. Je ne peux plus accepter que des femmes soient achetées et se vendent. Après dix ans d’accompagnement, je constate les drames et la déchéance. Les liens sociaux sont dénaturés, brisés, et très difficiles à recréer. Nombreuses sont celles qui deviennent paranoïaques et souffrent de dédoublement de la personnalité. Je vois des femmes qui sont tuées. Elles ne vivent pas et quand elles ne meurent pas, elles survivent. Non, je ne me tairai pas. J’annoncerai les merveilles de Dieu ! C’est parce que je vois et que j’entends, que je ne peux plus me taire. Cette prostitution étouffe toutes les relations entre les hommes et les femmes. J’insiste : c’est l’amour même qui est en jeu. La prostitution est le dernier bastion où l’homme a une certaine main mise, par l’argent, sur le corps des femmes. Ayons le courage de légiférer pour l’interpellation du client et l’abolition du « système prosti-tueur ». Si nos revendications n’aboutissent pas, où allons-nous ? »

 

Bernard LemettreBernard Lemettre, 76 ans, marié, père de famille et grand-père, diacre permanent du diocèse de Lille, vit à Wattrelos, engagé depuis trente-sept ans au Mouvement du Nid, dont il est délégué régional Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
« J’accompagne actuellement un homme qui tente de s’en sortir. Client, il dépense des fortunes sur des lieux de prostitution. Les conséquences financières, sociales, psychologiques de son obsession sont terrifiantes : sa vie n’a plus de sens. Mais il y a des nouvelles encourageantes, comme la dernière résolution votée*, qui engage à construire des politiques cohérentes en vue de la disparition de la prostitution. Il faut y croire, être efficace en matière d’aide et de réinsertion, être pédagogue pour que les mentalités changent. Les évolutions sont lentes car la prostitution touche des pères de familles, implique les questions de sexe, d’argent, de pouvoir. C’est proche de tout le monde. Je me bats pour dire que l’humain peut éradiquer ça. Je crois que c’est possible, dès aujourd’hui. Je vois des personnes qui se lèvent et qui entreprennent des démarches pour se libérer de cette servitude, de ce système de soumission, de domination et d’exploitation. J’ai récemment été évangélisé, par une femme qui vit un calvaire sur le trottoir depuis sept ans. Elle se sait libre dans son cœur. Elle croit, c’est faramineux ! Nombreuses sont les personnes qui attendent d’être délivrées, même celles qui disent être heureuses. Il s’agit d’être en vérité. »

* en décembre 2011 par tous les députés à l’Assemblée nationale

anne-marie_morizotAnne-Marie Morizot, 69 ans, mariée, mère de famille, grand-mère et arrière-grand-mère, vit à Chatenois (Vosges), engagée depuis quarante-cinq ans au sein l’Action catholique des femmes et déléguée de l’ACF depuis trois ans auprès du Collectif « ensemble contre la traite des êtres humains ».

« Je donne des conférences qui choquent les participants mais qui les font réfléchir ! J’explique les réseaux de la prostitution au sein de réunions de l’ACF ouvertes au grand public et j’interviens de temps en temps avec des membres de la gendarmerie et des élus locaux. En 2008, j’ai participé à un forum organisé à Vérone par l’UMOFC (Union Mondiale des organisations féminines catholiques) sur le thème de la prostitution forcée. La session a duré cinq jours avec des témoignages très durs, et avec l’assassinat d’une jeune femme le soir où elle aurait dû venir évoquer la façon dont elle s’en était sortie. Je suis encore très marquée par cette expérience forte. Dans mes conférences, je montre des cartes qui permettent de visualiser les réseaux. Mon message : 90 % des prostituées sont forcées, de nombreuses femmes se font berner. Au début, mon auditoire est incrédule. Puis, les participants commencent à ouvrir les yeux sur la réalité, leurs opinions évoluent. Notre rôle est de diffuser cette information et permettre de faire bouger les lignes : ça me tient à cœur ! Quand je vois ces femmes, j’ai un regard de compassion. »

 

laetitia_de_mas_latrieLaetitia de Mas Latrie, 29 ans, célibataire, vit à Paris, titulaire du master Solidarité et action internationale, ainsi que d’un diplôme en criminologie et sciences pénales, chargée de mission « Prostitution » depuis deux ans au sein de l’association « Aux Captifs, la libération ».
« Je suis extrêmement touchée par les personnes en situation de prostitution. Elles présentent un mélange de fragilité et de souffrance, avec une force de vie et parfois une foi qui m’impressionnent. Au-delà du sentiment d’injustice et de la discrimination qu’elles subissent, mon engagement se fonde sur ce lien de personne à personne que nous approfondissons ensemble et qui se creuse, en tâchant de rencontrer tous ces visages du Christ et de me laisser rencontrer. Car il y a derrière la prostituée une personne, un homme, une femme, avec toute la beauté de la personne humaine et dont la situation renvoie à notre propre rapport au corps, à l’argent, à la sexualité, à l’intimité… Avec les Captifs, nous rencontrons ces personnes en leur témoignant « tu as du prix à mes yeux et je t’aime » (Isaïe 43, 4) et c’est nous qui sommes accueillis avec ces mots. C’est bouleversant. Les premiers signes d’un mieux-être, de la capacité à être plus autonome dans son mode de vie, de la volonté d’accepter la rencontre, celle d’identifier ses lieux de captivité pour se mettre sur le chemin vers la libération, encouragent notre présence. Ce ne sont ni des saintes ni des pécheresses, mais des personnes avant tout. Un changement de regard est à apporter dans la société et dans l’Église. »

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