Intervention de Mgr Javier Lozano Barragan, lors de la XXVIe Session extraordinaire de l’Assemblée générale de l’ONU sur le Sida, 27 juin 2001

Mgr Javier Lozano Barragan
En reconnaissance de l’importance de cette session extraordinaire, S. S. le pape Jean-Paul II se joint aux dirigeants du monde qui s’efforcent de faire face à la pandémie de VIH/sida. En réponse à la lettre que lui a adressée le Secrétaire général, M. Kofi Annan, Sa Sainteté m’a demandé de porter son message personnel au Secrétaire général et à l’Assemblée. Le texte de ce message, dont je vais lire quelques paragraphes, est disponible à l’extérieur de la salle de l’Assemblée générale.

Dans son message au Secrétaire général, Sa Sainteté écrit :

 
« La tenue à New York, du 25 au 27 juin, d’une session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies chargée d’examiner, sous ses divers aspects, le problème du VIH/sida, est une initiative très opportune et je désire vous exprimer, ainsi qu’à toutes les délégations présentes, mes voeux les meilleurs, souhaitant que vos travaux constituent une étape décisive dans la lutte contre la maladie.
L’épidémie de VIH/sida représente indubitablement une des catastrophes majeures de notre époque, en particulier pour l’Afrique. Il ne s’agit pas seulement d’un problème de santé, car l’infection a des conséquences dramatiques sur la vie sociale, économique et politique des populations.
Je salue les efforts actuellement en cours sur le plan national, régional et international pour relever ce défi, grâce à la mise sur pied d’un programme d’action visant à la prévention et au traitement de la maladie. L’annonce que vous avez faite de la création prochaine d’un fonds mondial pour la lutte contre le VIH/sida et pour la santé est un motif d’espoir pour tous. Je souhaite de tout coeur que les premières prises de position favorables se concrétisent rapidement par un soutien effectif.

Je ne peux terminer ce message sans remercier les savants et les chercheurs du monde entier de leurs efforts pour trouver des thérapies contre ce terrible mal. Ma gratitude s’adresse aussi aux professionnels de la santé et aux bénévoles pour l’amour et la compétence dont ils font preuve dans l’assistance humaine, religieuse et médicale de leurs frères et soeurs.
Sur tous ceux qui sont engagés dans la lutte contre le VIH/sida, en premier lieu les malades et leurs familles, ainsi que sur les participants à la session extraordinaire, j’invoque les bénédictions de Dieu Tout-Puissant. »
 
Le pape a affirmé à plusieurs reprises que ceux qui souffrent du VIH/sida devaient bénéficier de tous les soins et de tout le respect possibles, qu’il fallait soulager leur souffrance au plan moral et spirituel et qu’il fallait les traiter de façon digne du Christ lui-même. Pour le pape, les enfants orphelins de parents morts du sida, ont particulièrement besoin de l’amour et de la miséricorde divine. En réponse à l’appel du pape, 12 % de ceux qui s’occupent des malades du VIH/sida dans le monde travaillent pour des organismes de l’Église catholique et 13 % sont des organisations non gouvernementales catholiques. Vingt-cinq pour cent des soins aux victimes du VIH/sida sont donc assurés par l’Église catholique, soutien majeur des États dans la lutte contre le sida.

Deux types d’action sont nécessaires face à ce mal : la prévention et le traitement. Les deux sont d’une importance cruciale, bien qu’il vaille mieux, bien sûr, prévenir que guérir. Pour prévenir la maladie, il faut d’abord en faire le bilan honnête, comme d’une affection qui touche réellement l’individu dans sa totalité. Dans bien des cas, en effet, le VIH/sida a des répercussions sur les valeurs existentielles : c’est une véritable pathologie de l’esprit qui ne nuit pas qu’au corps, mais à l’ensemble de la personne, à ses relations avec autrui et à sa vie sociale, et s’accompagne souvent d’une crise de valeurs morales.
 

Dans la mesure où le sida se transmet par voie sexuelle, la prévention la plus efficace de cette maladie passe par une formation aux véritables valeurs de vie, d’amour et de sexualité. Une telle démarche peut permettre aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui d’atteindre un complet épanouissement personnel, par la maturité affective et une sexualité ordonnée qui accorde l’exclusivité au couple et aboutit à des comportements naturels de protection face à la contagion du VIH/sida. Nul ne nie que les libertés sexuelles aggravent le danger de contagion. C’est dans ce cadre que nous comprenons les valeurs de fidélité dans le mariage, de chasteté et d’abstinence. La prévention, et l’éducation qui l’encourage, doivent se faire dans le respect de la dignité de l’homme et de son destin transcendant. Elles doivent donc exclure toute campagne prônant des modèles de comportement qui attentent à la vie et favorisent la propagation du mal en question.

Comme beaucoup d’orateurs l’ont souligné, la misère dans laquelle vit une grande partie de l’humanité est un facteur très important de la propagation rapide du sida. Vingt pour cent de l’humanité dispose de 86 % des ressources, quand les 14 % restants doivent être partagés par 80 % de l’humanité. Il ne fait aucun doute que, pour combattre le sida, il est essentiel d’accroître la justice sociale au niveau international, pour replacer l’économie dans une perspective différente de celle d’une mondialisation débridée. Le pape exhorte les gouvernements et la communauté scientifique à poursuivre la recherche sur la maladie. Malheureusement, il est impossible dans de nombreux pays de soigner les malades du sida à cause du coût élevé des médicaments brevetés. Le pape nous rappelle l’enseignement constant de l’Église, : ‘il existe une hypothèque sociale sur toute propriété privée et cela vaut aussi pour la propriété intellectuelle. Les lois du profit ne peuvent seules s’appliquer à ce qui est essentiel dans la lutte contre la faim, la maladie et la pauvreté.

Pour que la lutte contre le sida soit plus efficace, le Saint-Siège propose d’appliquer les plans mondiaux visant à coordonner la lutte contre la maladie; il invite tous les gouvernements à tirer pleinement parti de l’autorité de l’État face à l’épidémie et il suggère notamment d’y consacrer des budgets suffisants. Il faut également intensifier l’éducation aux valeurs de la vie, de l’amour et de la sexualité dans le cadre de l’école comme en dehors. Il faut insister sur l’égalité des hommes et des femmes et éliminer toute forme de discrimination envers les malades du sida et leur apporter un soutien spirituel.

Le Saint-Siège recommande de multiplier les centres de traitement des malades, d’informer et d’éduquer le public sur le sida et de favoriser une plus grande participation de la société civile à la lutte contre le sida ainsi que l’engagement de toutes les personnes de bonne volonté dans cette lutte.
 

Le Saint-Siège recommande également d’inviter les pays industrialisés à assister les pays qui ont besoin d’aide dans cette campagne tout en évitant toute apparence de colonialisme; d’éliminer l’exploitation sexuelle, en particulier liée au tourisme ou aux migrations; de réduire le plus possible les coûts des médicaments antirétroviraux pour traiter le VIH/sida; d’intensifier les campagnes pour prévenir la transmission de la maladie de la mère à l’enfant; d’accorder une attention particulière au traitement des malades du VIH/sida et à la protection des orphelins du sida ainsi qu’aux groupes les plus vulnérables.

Mgr Javier Lozano Barragan,
Président du conseil pontifical pour la pastorale de la Santé, lors de la XXVIe Session extraordinaire de l’Assemblée générale de l’ONU sur le Sida, le 27 juin 2001

Source :Site de l’ONU

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