Déclaration de Mgr Fruchaud au sujet de la crise laitière

Fruchaud Lucien - Saint-Brieuc Tréguier

La grève du lait que conduisent les agriculteurs-producteurs, en France et dans les pays d’Europe, nous interroge tous, quelle que soit notre responsabilité dans la société, notre situation familiale, que nous soyons croyants ou non.
Elle nous interroge et nous demande de réfléchir et d’agir car d’une certaine manière nous sommes responsables et victimes de ce qui se passe et qui conduit les producteurs de lait à en arriver à détruire en grande quantité un produit essentiel à la nourriture des hommes, un produit qui entre dans la composition de ce que nous mangeons chaque jour.

Si nous avons été interrogés et même provoqués par l’épandage massif et spectaculaire de lait dans la baie du Mont Saint-Michel et sur bien d’autres terrains de nos campagnes ne croyons pas que les agriculteurs n’en souffrent pas. Ils en souffrent plus que nous encore car c’est le produit d’un travail qu’ils accomplissent avec amour en sachant qu’il est la nourriture indispensable des hommes, du tout petit enfant à la personne la plus âgée.

Dans une déclaration signée le samedi 19 septembre et rendue largement publique, évêques de Bretagne nous disons clairement que : « Les agriculteurs ont droit à une reconnaissance de leur travail par une juste rémunération qui leur permette de vivre avec leur famille et de conduire leur exploitation. Ils ont droit à une espérance dans une profession qui mérite d’être mieux appréciée des consommateurs. »

Tous les pouvoirs publics, celui des états comme celui de l’Europe, doivent entendre ce grand cri de détresse et prendre très sérieusement en main la régulation des productions et des marchés et la recherche de solutions équitables à ce grave problème. Les industriels et les responsables de la grande distribution doivent s’interroger sur la rémunération qu’ils offrent à ces produits agricoles de première nécessité. Mais nous avons tous à regarder de quelle manière nous achetons ces biens vitaux de consommation. Quand nous exigeons qu’ils soient toujours les meilleurs et les moins chers possibles n’avons-nous pas une part de responsabilité ?

Il est vrai que tous les biens de consommation seront toujours trop chers pour certains d’entre nous qui vivent avec des salaires très faibles ou sont dans une réelle pauvreté. Nous avons entendu dire que les agriculteurs auraient du donner le lait plutôt que de le jeter, certains l’ont fait, mais est-ce à eux, déjà très fragilisés par leurs faibles revenus, de venir en aide aux plus pauvres. Cette solidarité est l’affaire de tous.

Le dialogue est donc nécessaire pour que chacun soit écouté et respecté ; pour que ce qui est vital pour l’homme soit traité autrement de sa production à sa consommation.

Chrétiens, chacun selon notre responsabilité, entrons dans ce dialogue et osons les transformations nécessaires de nos actions et de nos comportements. Le respect de tout homme que le Christ a toujours mis en premier tout au long de sa vie et de sa prédication et que nous trouvons à chaque page de l’évangile nous le demande. La doctrine sociale de l’Eglise, explicitant pour notre temps l’évangile, ne cesse de l’affirmer.

Il est urgent d’agir, mais nous ne ferons rien de durable sans une véritable conversion de notre regard et de nos pensées.

Lucien Fruchaud, évêque de Saint Brieuc et Tréguier
le 23 Septembre 2009