Face à la crise, des chrétiens de la Manche réagissent

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Dans son message de Noël, notre évêque le Père Lalanne évoquait la situation économique et sociale de notre département et nous interpellait en ces termes :
« Noël nous incite à aller vers les autres… Osons des actes, des rendez vous montrant que la vie nous est précieuse. La survie de la création est en jeu. Tout homme peut contribuer à faire de notre terre une terre belle et bonne pour tous… »

Aujourd’hui une nouvelle année commence et la crise agricole continue.
Depuis le 24 octobre 2009 date de notre première intervention, les aides promises sont restreintes, et le prix du lait n’augmente pas durablement.

Quelle agriculture souhaitons-nous ?

Une agriculture paysanne et durable à dimension humaine qui permet de faire vivre l’économie locale : école, santé, travail, vie associative, paroisse… qui favorise la vie de l’homme dans son milieu.
Une agriculture qui contribue à l’aménagement et à l’entretien du territoire.
Une agriculture normande de haute qualité permettant d’assurer la sécurité et la souveraineté alimentaire.
Une agriculture qui laisse place à l’installation de jeunes, y compris à son voisin.
Et le plus important,
une agriculture qui permet à chaque agriculteur de disposer d’un revenu suffisant, d’être fier de son travail et d’en vivre dignement.

Quels changements sont nécessaires ?

Les agriculteurs se sont toujours organisés en se regroupant pour être plus forts. Les coopératives d’alors étaient pleines d’espoir à une époque de grand développement. Aujourd’hui ces structures ont évolué vers le gigantisme, comme beaucoup d’entreprises privées. Historiquement le syndicalisme a toujours accompagné le développement du monde rural.

Mais aujourd’hui ne laisse-t-il pas de côté ceux qui sont le plus dans la difficulté ?

La tendance majoritaire a largement contribué à prendre la direction des postes clés en agriculture : SAFER, Chambre d’agriculture, ADASEA, FNPL… Ceci se vérifie à tous les niveaux, régional, national et européen. Ils sont les interlocuteurs officiels exclusifs pour représenter les producteurs. La politique européenne de contractualisation renforce encore la dépendance économique des agriculteurs et de certaines entreprises d’agrofournitures.
Le risque est grand de voir aujourd’hui la disparition d’un grand nombre d’exploitations de la Manche.

Toutes ces évolutions nous font elles avancer vers plus de justice ?
Combien faudra-t-il encore de drames pour ouvrir les yeux des décideurs ?
La crise actuelle est le révélateur de cette situation.
Elle doit conduire les responsables à adopter des comportements différents et proposer une politique européenne nouvelle, sans oublier les conséquences au plan mondial, en particulier pour les pays du Sud.
Nous ne devons pas concurrencer les producteurs de ces pays, il nous faut être solidaire.

Quelles questions en Eglise ?

A la lumière de la Bonne Nouvelle, les chrétiens ne peuvent rester sourds face aux détresses engendrées par cette mutation profonde. Aujourd’hui les associations de solidarités de la Manche et en particulier SOS AGRI, sont en première ligne pour écouter, soutenir et aider ceux qui sont laissés pour compte sur le bord de la route. De nombreuses faillites et leurs conséquences humaines et familiales sont de plus en plus fréquentes C’est pourquoi il nous semble important de rappeler que chacun a des responsabilités dans cette situation, il faut s’engager dans des comportements nouveaux :
Se responsabiliser en tant que consommateur, accepter de payer le juste prix.
Vivre un dialogue fait d’écoute, de respect, de tolérance entre tous les acteurs concernés : producteurs, transformateurs, distributeurs, consommateurs.
Continuer à faire vivre l’esprit de solidarité entre les agriculteurs et tous les acteurs du monde rural.
Oser imaginer un autre monde, qui respecte l’homme. Et pourquoi pas commencer à le réaliser.

En conclusion.

Nous reprenons les propos de Benoît XVI dans l’encyclique L’amour dans la Vérité, de juin 2009, n°21.

« La crise nous oblige à nous donner de nouvelles règles et à trouver de nouvelles formes d’engagements, à miser sur des expériences positives et à rejeter celles qui sont négatives. La crise devient ainsi une occasion de discernement et elle met en capacité d’élaborer de nouveaux projets. C’est dans cette optique, confiants plutôt que résignés, qu’il convient d’affronter les difficultés du moment présent. »

Des Chrétiens en Espace Rural
Janvier 2010

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