Entretien de Monseigneur d’Ornellas au sujet des récents scandales dans l’Église

Monseigneur d’Ornellas : « Les catholiques peuvent avoir confiance dans leurs prêtres »

Mgr d'Ornellas ©Ouest France

Mgr d’Ornellas ©Ouest France

L’Église catholique est ébranlée par des scandales d’abus et de crimes sexuels. Dans le diocèse de Rennes, une équipe de laïcs accueille les victimes et des formations spécifiques sont proposées aux prêtres. Monseigneur d’Ornellas, l’archevêque de Rennes s’est confié, à Pascal Simon du journal Ouest France.

L’actualité est marquée par des scandales d’abus et de crimes sexuels dans l’Église catholique. Que ressentent les prêtres du diocèse ?

Une prière dit : « Jusques à quand, Seigneur ? » Les prêtres sont à la fois donnés à leur ministère, heureux de ce qu’ils font. Mais aussi malheureux que certains aient commis de tels actes inacceptables. Tous sont scandalisés. Et ils souffrent des amalgames qui sont faits. Un curé, bon prêtre, m’a récemment dit qu’il avait été traité de pédophile à la sortie de la messe !

Mgr Barbarin, archevêque de Lyon, a été condamné, le 7 mars 2019. Comprenez-vous que la hiérarchie de l’Église soit critiquée ?

Oui, bien sûr ! Nous recevons les critiques pour nous améliorer, pour changer, pour être plus réactifs. Le silence a trop duré dans le passé ! Quand on écoute une victime, que l’on entend l’abîme de souffrances, cela exige respect et compassion. Les victimes attendent d’être écoutées, d’être crues, d’être tout simplement reconnues comme victime. J’en ai entendu qui étaient habitées par leur honte, qui ne parlaient pas à cause de leur famille. Elles commencent à se libérer quand elles sont écoutées.

Or, elles sont en même temps innocentes et gravement trahies par un prêtre. Des familles généreuses dans leur admiration pour le prêtre ont elles aussi été trompées. Quand le prêtre profite de cette admiration, c’est un abus de pouvoir, qui est en soit une faute et qui, dans certains cas, dérive vers l’abus sexuel.

La semaine dernière, et en janvier, une centaine de prêtres du diocèse de Rennes ont participé à une formation sur la lutte contre les abus sexuels. Pourquoi ?

Tous les ans, deux jours de formation sont proposés aux prêtres. Cette année, j’ai choisi qu’on réfléchisse sur le phénomène des abus de pouvoir sous différents aspects : psychiatrique, psychologique, spirituel, juridique. Les procédures dans le droit civil et dans le droit de l’Église, qui ont été précisées à partir de 2001 pour que les abus sexuels soient mieux réprimés et ne se reproduisent plus, ont également été abordées. Le témoignage d’une victime a aussi été diffusé.

Ce thème était une évidence en raison de l’actualité, mais aussi parce que les prêtres veulent comprendre ce fléau de la pédophilie et quelles attitudes il convient d’avoir aujourd’hui.

Les prêtres ont apprécié ces deux jours. Ils sont par nature des hommes en relation, pour le bien. Nous travaillons pour vivre ces relations pastorales de façon juste et paisible, dans le respect des personnes et de leur liberté. Nous voulons tout faire pour que ces actes odieux ne puissent jamais être commis.

 

Un dispositif existe-t-il dans le diocèse pour accueillir et entendre d’éventuelles victimes ?

Oui. Généralement, ça commence par un courrier qui m’est adressé. Je rencontre cette personne, ou elle est reçue par l’un des membres de la cellule mise en place depuis le printemps 2016. Elle est composée de six laïcs, quatre hommes et deux femmes, ayant respectivement des compétences en matière d’écoute, de droit, de psychiatrie, de psychologie…

Si un prêtre vous confessait ou vous avouait avoir commis un viol, que feriez-vous ?

Dans le cadre d’une confession, c’est exclu, car l’évêque, en situation de responsabilité hiérarchique par rapport à un prêtre, ne peut pas recevoir sa confession. S’il avouait, je lui demanderais de se dénoncer au procureur, ou je le signalerais moi-même. C’est une évidence pour l’Église qu’il doit être sanctionné.

Décideriez-vous de l’exclure de la prêtrise ?

Oui, après une enquête. Un prêtre qui a de tels agissements est en contradiction absolue avec sa mission. Dès que la justice civile a rendu sa décision, la justice de l’Église peut le sanctionner. Mais la procédure civile est parfois longue. Alors, dès que j’ai connaissance des faits, je peux en tant qu’évêque prendre des mesures conservatoires en lui interdisant toute mission.

Est-ce déjà arrivé dans le diocèse de Rennes ?

Oui, il y a quelques années un prêtre a été renvoyé de l’état clérical par un décret du pape François.

La chaîne Arte a diffusé un reportage sur des abus sexuels de prêtres envers des religieuses. On vous voit célébrer une « messe de réparation » et demander pardon au nom de l’Eglise. Quel en est le sens ?

Des victimes me l’ont demandée parce qu’elles croient en Dieu et en l’Eucharistie. Au début de la messe, elles ont exprimé leur douleur et les fautes du religieux ayant abusé d’elles. Par cette célébration, nous voulions être du côté des victimes. C’est une étape dans leur libération. En tant qu’évêque, je leur ai demandé pardon.

À l’exemple du pape François lors de son déplacement en Irlande, l’été 2018, les évêques de France devraient-ils demander pardon aux victimes ?

Mais ils l’ont déjà fait, à Lourdes !(1) Chacun des évêques s’est mis à genoux devant une croix pour demander pardon aux victimes de prêtres. Nous avons estimé mieux de le faire sans la présence de journalistes…

Vous avez envoyé une lettre à tous les prêtres du diocèse de Rennes. Pourquoi ?

Je veux leur dire que leur mission est belle. Je les remercie pour tout ce qu’ils font et leur redis ma confiance. Les catholiques d’Ille-et-Vilaine peuvent avoir confiance dans leurs prêtres.

(1) Notamment le 7 novembre 2016, lors de l’assemblée plénière de la conférence des évêques de France (CEF). Les évêques ont demandé pardon pour leur « silence souvent coupable » face aux abus sexuels dans l’Eglise catholique. Quelques jours plus tard, le 18 novembre 2016, Mgr Barbarin, archevêque de Lyon, avait aussi célébré une messe de réparation pour les victimes d’abus sexuels commis par des membres de l’Église et s’était agenouillé devant la croix pour demander pardon pour ses propres fautes et erreurs de gouvernance.