François Walter : « La laïcité n’est pas la sécularisation »

Forte de 35 000 membres, l’ACAT-France est une organisation chrétienne de défense des droits de l’homme. A travers 11 engagements, elle interpelle les candidats aux élections à venir. François Walter, son président, les présente et réagit à « Elections : un vote pour quelle société ? », déclaration des évêques en vue des élections de 2012.
 

Comment avez-vous reçu ce texte ?

Très bien ! Il change des débats ambiants qui portent sur des questions secondaires et pas très agréables. Ce texte me paraît tout à fait fondamental parce qu’il a trait à la personne humaine et à la dignité de l’être humain. C’est ce qui me semble important, avec l’attention particulière aux plus faibles, qui est dans la ligne de l’Evangile. Il est globalement en adéquation avec ce que nous défendons à l’ACAT, association œcuménique.
 

Que retenez-vous particulièrement ?

J’ai trouvé intéressant de souligner la transformation de nos sociétés : l’immigration, l’éclatement des références ethniques nous amènent à voir la société différemment et à regarder ces phénomènes à la lumière de l’Evangile. Je retiens aussi notre responsabilité dans le politique. Cela recoupe une réflexion récente à l’attention de nos adhérents : « L’ACAT et la politique ». Certains nous accusent de faire de la politique. Ce texte explique qu’inévitablement, quand on a engagement dans la société, quand on se préoccupe de faire bouger les choses, d’être vigilants vis-à-vis des pouvoirs publics et d’être une sorte de contre-pouvoir, on a forcément un rôle politique. J’ai bien aimé aussi le paragraphe sur la coopération internationale, l’immigration, avec l’appel au partage des richesses, sur la régulation des migrations ou les institutions internationales. Il m’a fait penser à un article d’Olivier Abel intitulé « Présidentielle : Défendons un christianisme du partage, pas de la croisade » (Le Monde, 22 février 2012). Il recoupe ce pour quoi nous nous battons. Et enfin, j’ai noté la réflexion sur la laïcité et sur la vie en société. La laïcité n’est pas la sécularisation. Je pense au livre de Jean Baubérot, La laïcité falsifiée (Ed. La découverte, 2012), qui prône une lecture libérale de la loi de 1905. J’ai bien aimé ce passage de la déclaration des évêques : « L’Etat (…) se doit d’assurer la liberté de conscience et de garantir le libre exercice des cultes (art.I). C’est dans le sens de la liberté que la jurisprudence a de façon constante interprété la loi ».
 

Comment l’ACAT se mobilise-t-elle pour ces élections ?

Nous nous sommes limités au mandat de l’ACAT. C’est ainsi que sont nés 11 engagements, dans 3 domaines : défense du droit d’asile, lieux d’enfermement et impunité.

Le premier est « Pour une autre politique de l’asile ». Souvenez-vous, début 2011, toutes les associations chrétiennes s’étaient regroupées pour exprimer leur mécontentement contre la Loi Besson. Ce qui nous choque, c’est le risque de torture encouru par les demandeurs d’asile renvoyés prématurément dans leur pays. C’est le cas avec la procédure dite « prioritaire », mise en œuvre par les préfectures dans le quart des cas, procédure qui ne permet pas de recours auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). On se bat aussi pour les conditions matérielles d’accueil des réfugiés. On réfléchit à la refonte des textes européens sur le droit d’asile qui auront lieu courant 2012.

Vient ensuite « Pour le respect de la dignité dans les lieux d’enfermement ». En 2011, notre thème d’année portait sur les lieux d’enfermement, suite à la décision de construire les nouvelles prisons, avec pour objectif 80.000 places. Nous avons appelé à un moratoire sur leur construction, notamment parce qu’elles ne correspondent à ce que nous estimons être compatible avec le caractère humain des prisons, comme le dénonce aussi le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue. Nous sommes aussi pour le principe d’encellulement individuel, la suppression de la fouille corporelle intégrale et de l’usage du pistolet à impulsion électrique.

Le troisième point, « Contre l’impunité des criminels de guerre, des auteurs de crimes contre l’humanité et de génocide », est lié au problème de la Cour pénale internationale (CPI). L’Etat français a ratifié son statut en 2000. Ceci étant, l’application dans notre pays des lois permettant de poursuivre des criminels de génocide, de crimes contre l’humanité ou encore de crimes de guerre, ne sera pas possible. En effet, l’Etat a mis des conditions qui, cumulées, font qu’on ne pourra jamais juger ces criminels.
 

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11 engagements pour interpeller les candidats

Il y a 5 ans, l’ACAT avait déjà écrit aux candidats. Cette année, les 11 engagements ont été envoyés avec des demandes de rendez-vous à tous les candidats. L’UMP, le MoDem et le Parti Socialiste ont répondu positivement. L’ACAT est en contact avec Lutte Ouvrière et le Front de Gauche. En attendant les autres rendez-vous, les membres de l’ACAT sont invités à rester mobilisés sur ces engagements pour les élections législatives.

Présidentielles : droit d’asile, enfermement, dignité : les engagements des candidats (communiqué de l’ACAT en date du 17 avril)

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