Mieux habiter l’espace
« Mieux habiter l’espace », thème de la quatrième méditation pour le Carême , à partir de « Nouveaux modes de vie ? L’appel de Laudato Si’ ».
Pour parler d’un authentique développement il faut s’assurer qu’une amélioration intégrale dans la qualité de vie humaine se réalise ; et cela implique d’analyser l’espace où vivent les personnes. Le cadre qui nous entoure influe sur notre manière de voir la vie, de sentir et d’agir.
(Laudato Si’, §147)
Devenue une population majoritairement urbaine, nous gardons tous en nous un secret désir de campagne, comme une certaine nostalgie d’un paradis perdu où les représentations du catéchisme de notre enfance ne sont jamais très loin.
Il faut dire que la ville, dans l’Ancien Testament, n’a pas très bonne presse. Peut-être parce que le premier à en construire une nous est présenté sous les traits de Caïn, pas très recommandable ! Ville traitée de prostituée, ville lieu de l’abomination : Babylone, Sodome, Gomorrhe… Même Jérusalem faillit à sa vocation de cité de Dieu. A l’inverse, c’est au travers de nombreuses paraboles agraires que Jésus essaie de nous faire entrevoir ce qu’est le Royaume.
Et pourtant, si la Bible commence dans un jardin, elle se termine dans une ville, la Jérusalem Céleste. Si le jardin de la Genèse est symbole de Création, il est aussi lieu de rupture de l’Alliance avec Dieu. Comme Gethsémani sera le jardin de l’arrestation de Jésus. A l’inverse, la ville, lieu de révolte, de violence, devient dans l’Apocalypse le symbole de la réconciliation, du partage de la vie de Dieu en plénitude.
Au fond, à travers cela, c’est l’opposition entre l’espace urbain et l’espace rural qui est remise en cause. La Jérusalem Céleste de l’Apocalypse a en son cœur un arbre produisant 12 récoltes de fruits par an et dont les feuilles guérissent les nations (AP 22). Réconciliation des hommes, réconciliation des lieux, réconciliation de l’homme avec son environnement… Parce que tout est lié, les problèmes des villes et des campagnes le sont aussi. Nous avons à prendre soin de ces deux réalités tout autant que de leurs relations, pour les rendre habitables, accueillantes, désirables et durables.
L’un et l’autre espace sont pour certains des lieux de souffrance, d’exclusion où prospère le sentiment d’abandon : agriculteurs en difficulté, personnes sans logement ou mal logés, populations sans accès de proximité aux services publics…. Nous sommes appelés à l’imagination pour habiter notre maison commune de façon bienveillante, dans l’ouverture et la reconnaissance de l’autre afin que nos espaces partagés soient des espaces de vie. Nous sommes appelés à l’imagination pour inventer ensemble l’agriculture diversifiée de demain, prendre soin de la vie sociale de nos villes et nos villages, retrouver le lien avec la terre, innover en matière de logement, travailler au bien commun…
Alors nos villes et nos villages prendront peut-être un avant-goût de la ville de Dieu de l’Apocalypse, espace de liberté où les nombreuses portes sont toujours ouvertes, espace d’humanité qui accueille tous les peuples et où Dieu se dit…
Soeur Marie-Laure Denès, op