Yelena Popovic, L’homme de Dieu

Fiche de l’Observatoire Foi et Culture du mercredi 2 mars 2022 sur le film : « Yelena Popovic, l’homme de Dieu ».

Une réalisatrice serbe, une vedette américaine, une star russe et une ex James Bond girl (1) réunis dans un  film… religieux. Un film qui est tout sauf une superproduction. Une œuvre qui parle de Dieu à travers un  homme, qui nous montre la sainteté sans viser à nous convertir, nous fait aimer l’Église sans nous en cacher  les tares, insuffle une espérance à travers la description d’un apparent échec et montre une réalité bien plus  belle qu’une légende. Les paradoxes s’accumulent, l’émerveillement demeure.

À la fin du XIXe siècle, les hiérarques du Saint Synode orthodoxe d’Alexandrie conviennent de calomnier le  métropolite Nektarios, homme ascétique et généreux plus soucieux de compassion que de finances, pour  éviter son élection au siège du Patriarche vieillissant. Rejeté sans savoir pourquoi, Nektarios accepte l’exil, se  retrouve dans la misère en Grèce, survit grâce à une charge de prédicateur octroyée par le gouvernement,  avant de prendre la direction d’une école ecclésiastique où les vocations se mettent à abonder. Ses paroles  et ses écrits se diffusent, les prodiges se multiplient autour de lui. Alors que le peuple chrétien espère le voir  rétabli dans les honneurs qui lui sont dus, il choisit de tout abandonner pour soutenir la fondation d’une  communauté de moniales sur l’île d’Égine. De nouveau calomnié et attaqué, n’ayant d’appui qu’en Dieu, il  mourra dans une extrême pauvreté, faisant de son trépas un ultime miracle.

Cette trame dit tout de l’histoire sans rien dire du film. Ce dernier avance lentement, faussement monotone,  profondément paisible. L’acteur principal, Aris Servetalis, manifeste une puissance d’incarnation stupéfiante.  D’autant que les paroles sont rares2: les postures, les silences, les regards comptent tout autant que les  mots, les prières valent plus que les discours. La caméra, sobre, pourrait sembler maniée par un héritier de  Bresson ou de Kieślowski ; mais son regard est évidemment féminin, à la fois plein de délicatesse et sensible  à l’intimité concrète. Il s’agit moins d’illustrer une hagiographie que d’éviter le spectaculaire pour nous  donner accès à ce qui dure 3.

Pour le spectateur orthodoxe, il y aura le bonheur de retrouver un saint de plus en plus populaire, canonisé  en 1961 et dont le culte contribue à l’unité des différentes Églises. Pour le catholique prévaudra la découverte  de cet humble évêque, voire la surprise devant son extrême dénuement et ses renoncements héroïques,  l’hypocrisie de la hiérarchie ne faisant que renforcer son désir de pénitence et sa puissance d’intercession.  Pour le non croyant, l’exposé de cette énigme permettra de poser des questions essentielles, sans prétendre  à une réponse imposée.

Un film sans effets et sans “message”. Un regard simple, longuement médité, sur une figure de sainteté. La  diversité de ceux qui y ont contribué atteste sa capacité de communion, gageons que tous les publics  pourront en bénéficier.

Denis Dupont-Fauville

 

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