Croire dans le monde à venir de Dominique Collin

Fiche de l’Observatoire Foi et culture du mercredi 16 septembre 2020 à propos de l’ouvrage : « Croire dans le monde à venir » de Dominique Collin.

croire-dans-le-monde-a-venirLe livre de Dominique Collin met en lumière l’étonnante actualité de la Lettre de Jacques. Dans un monde qui entraîne la marchandisation de toutes choses, méprise et exploite les plus pauvres et où règne la convoitise, il est bon d’entendre Jacques nous inviter à demander à Dieu la sagesse avec foi et persévérance.

Avec foi. « C’est la raison pour laquelle l’épître est écrite aussi pour nous, nous qui restons les contemporains de la vigoureuse mise en garde de Jacques : une foi qui serait désactivée de toute mise en oeuvre en vue de sauver ce monde serait une foi morte » (p. 9).
Avec persévérance. Jacques y revient tout au long de sa lettre. Notre époque est devenue allergique à la patience. Tout s’accélère et le mot d’ordre est « tout, tout de suite ». Jacques, exhorte : « Prenez donc patience, frères, jusqu’à la venue du Seigneur. » Pour lui, la joie s’amplifie au fur et à mesure que la foi, transformée en persévérance et endurance par les épreuves, accomplit en nous le sens d’une vie véritablement humaine.

Saint Jacques commence sa lettre par ces mots : « Considérez comme une joie extrême, mes frères, de buter sur toutes sortes d’épreuves » (Jc 1, 2). Entrée en matière abrupte et dense ! Il s’y résume toute la sagesse que Jacques veut partager à ses destinataires.
Il s’agit d’une joie extrême, totale. À la différence de la mentalité du monde qui pose d’abord comme valeur première le bonheur, ou encore le plaisir. Pour Jacques, l’horizon du monde à venir est la joie sans réserve. La joie est comme la clé dans une portée musicale : elle donne sens, elle est à considérer quand on passe par toutes sortes d’épreuves. Cette considération que propose Jacques va à l‘encontre de la mentalité du monde qui pose d’abord en premier l’épanouissement personnel, le bien-être et qui ne sait pas quoi faire des épreuves.

« Toutes sortes ». Le mot grec dit « toutes sortes de couleurs ». Mais pour Jacques le mot épreuve est synonyme d’adversité, de « sort contraire », de circonstances malheureuses. On peut distinguer deux catégories d’épreuves : celles qui viennent du malheur (comme le deuil ou la maladie) et celles qui résultent d’un conflit. C’’est surtout de cette deuxième catégorie que Jacques veut parler. En effet, il sait que les fidèles (Jacques n’emploie pas le mot chrétiens) seront toujours en proie à l’adversité du monde des suffisants. La logique du monde est incompatible avec la logique du monde à venir. Les conflits ne sont pas forcément violents mais c’est une pression constante du monde qui met à mal les choix de celui qui veut rester fidèle au monde à venir. Le fidèle se sent attaqué dans ce qu’il croit vrai, juste et bon. Il se sent attaqué par l’engrenage du monde, cette immense roue que font tourner sans fin les hamsters que nous sommes.
Cette adversité du monde, comment l’envisager dans la joie totale, extrême ? Pour Jacques, le croyant n’est pas sans ressource. Il a tout d’abord la foi, c’est-à-dire une disposition intime de fond qui donne accès à la pleine humanisation. Bien entendu cette foi doit être activée sans quoi c’est une disposition dormante, paresseuse, sans ressort, inerte, désactivée. Il n’est pas question de chercher l’adversité mais quand elle arrive elle vérifie la qualité de la foi, la capacité d’endurance. Saint Jacques poursuit : « Vous le savez, une telle vérification de votre foi produit l’endurance, et l’endurance doit s’accompagner d’une œuvre accomplie » (Jc 1, 3-4). C’est-à-dire une vie humaine accomplie dont les qualités sont le courage, la confiance, la fidélité, la patience, l’endurance. Tout le contraire du monde incapable selon Jacques, de nous faire grandir en humanité.

Tout au long de son commentaire, Dominique Collin montre ce qu’est la convoitise. La pulsion acheteuse, l’envie de ce que les autres possèdent, l’autosuffisance, sont à la racine de toutes nos errances. La convoitise nous séduit, parce que, comme dans le livre de la Genèse (3, 1-13), elle « se présente toujours à nous en portant le masque du bien. Ou plus exactement, en nous faisant croire qu’elle désire, non pas le Bien en soi, qui n’est jamais qu’une abstraction peu séduisante, mais ce qui est bien pour nous, ce qui est bien pour moi » (p. 37).
La convoitise enfante le péché, et le péché engendre la mort. Jacques va jusqu’à la personnifier : « Chacun est tenté par sa propre convoitise, qui l’entraîne et le séduit. Une fois conçue, la convoitise enfante le péché, et le péché mené à son terme, engendre la mort » (Jc 1, 14-15).

Le monde d’aujourd’hui est entraîné sur la pente de la marchandisation généralisée et dont la seule valeur, c’est lui-même. C’est ce que l’on peut appeler la suffisance. À la lumière de la lettre de Jacques, Dominique Collin met l’accent sur cette suffisance du monde qui nous amène à prendre de haut les invisibles, les déclassés, les pauvres. Dès lors, il ne peut y avoir de compromission possible entre ce monde suffisant et le monde à venir, ce monde qui retourne l’envie de la convoitise en envie de la grâce (p. 91). Jacques y insiste : pas de duplicité ! « Nettoyez vos mains, pécheurs, et purifiez vos cœurs, hommes partagés » (Jc 4, 8).

Croire dans le monde à venir, n’est pas fuir le monde où nous vivons, ici et maintenant. On peut travailler à construire un monde meilleur mais le plus important est de vivre, dès à présent, comme si nous appartenions à un autre monde, « non pas un au-delà du monde et encore moins un monde paradisiaque pour après la fin de ce monde, mais la possibilité de vivre en ce monde selon un tout autre rapport, un rapport qui ne serait pas de suffisance » (p. 102-103).

Ce livre de Dominique Collin est tonique. Il invite les chrétiens à une foi activée. Jacques s’adresse à ses contemporains pour qui la foi est sans ressort désactivée. C’est aussi une lettre pour aujourd’hui. Pour Jacques, les œuvres sont au principe actif de la foi. Sans elles, la foi n’est qu’une coquille vide. C’est le choix de résister à ce monde en faisant le bien qui entraîne la foi.

+ Hubert Herbreteau

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