Le Pape François, un homme de parole de Win Wenders

Fiche de l’Observatoire Foi et culture (OFC) du mercredi 19 septembre 2018 (n°29) sur le film  » Le Pape François, un homme de parole de Wim Wenders ».

Pape François Wim WendersUne star des réseaux sociaux tente l’aventure du grand écran. Le garant de la foi se laisse interpeller, discute en face-à-face. L’homme toujours au centre des plus grandes liturgies accepte de se laisser dévisager, envisager par un réalisateur singulier. Et ce dernier, sans taire ses convictions mais avec le respect de l’autre qui le caractérise (1), prend le risque de filmer avec bienveillance celui qui prétend relayer le message de la Vérité au milieu des adversités du monde. Le pape François au cinéma, faut-il y voir un « coup de com » ?

Au-delà des bruissements du festival de Cannes ou de l’excitation liée à la sortie d’un film au genre inédit, ce sont à vrai dire plutôt les « techniques de com » qui en prennent un coup. Car le héros de ce long métrage apparaît d’abord comme un homme sans artifices. Intelligent, laissant voir des facettes diverses et disposant de relais variés, mais tout entier donné, tout entier présent à ses interlocuteurs comme à la caméra. Pour donner sa vision du souverain pontife, Wim Wenders assemble avec patience des matériaux composites : reportages de la télévision vaticane, entretiens particuliers en espagnol, rencontres des foules ou discussions avec des chefs d’état, déplacements en hélicoptère ou conversations dans un bureau. Quel que soit le cadre, la forte personnalité du pape surprend, toujours semblable à elle-même et jamais conforme à ce que nous imaginerions. Qu’en retenir ?

D’emblée, le film se présente comme le commentaire d’un nom : François, celui du Poverello, que le cardinal Bergoglio fut le premier à adopter lors de son élection au pontificat. Soulignons-en, pour notre part, trois dimensions que le film nous semble faire ressortir. D’abord le dépouillement. Non seulement des apprêts vaticans et du style ecclésiastique, mais aussi du langage ; humilité d’un homme qui parle avec des mots simples, qui accepte de ne pas avoir toutes les réponses, qui ne fuit pas la confrontation. Un échange bouleversant avec des enfants des Philippines au lendemain d’un ouragan ou l’image de la Fiat papale au milieu des monstrueux véhicules de la présidence américaine valent ici mieux que de longs discours.

Ensuite le respect du monde. Tel le saint d’Assise, le pape actuel cherche à mettre en valeur la création dans une approche fondée sur l’accueil du réel et sa mise en valeur dans l’action de grâces. Cette approche
« eucharistique » ne se limite pas à l’écologie. Outre qu’elle implique un nouveau rapport à la richesse, elle lui permet de se trouver en prise directe avec les populations de tous les continents. Une religieuse le souligne, il apparaît désormais comme un pasteur pour toute la planète.

Ceci amène au troisième aspect : témoigner du Christ. Non pas faire du prosélytisme, mais construire des ponts pour manifester, dans notre improbable unité, le Christ toujours à l’œuvre. Ce qu’illustre la formidable scène initiale où l’archevêque de Buenos Aires, debout au milieu de son peuple, demande à ses diocésains de se donner une accolade vraiment fraternelle. Si sa présence si forte nous échappe sans cesse, jusqu’à la dernière image, c’est qu’elle renvoie à un Autre.

On pourra regretter les quelques commentaires en voix off qui, s’ils veulent aider à situer les enjeux, font plutôt barrage au choc d’une parole adressée directement. À l’inverse, la plupart des scènes sont montrées
sans presque d’éléments pour aider à en comprendre le contexte ; certains rapprochements, même judicieux, peuvent alors paraître faciles. La parole personnelle de quelques protagonistes apparaît bien plus cohérente. Mais, comme le souligne François lui-même sur la fin avec un sourire, l’essentiel n’est-il pas, pour commencer à se découvrir, d’accepter d’entrer dans le jeu ?

Denis Dupont-Fauville

(1) En continuité notamment, tant dans le fond que dans la forme, avec son ouvrage précédent, Le sel de la terre (2014), consacré au photographe JR Salgado.

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