Les oeuvres de miséricorde corporelles dans la peinture
Fiche de l’Observatoire Foi et Culture (OFC 2016, n°34) sur le thème des oeuvres de miséricorde corporelles dans la peinture, par Mgr Hubert Herbreteau, évêque d’Agen et Président de l’OFC.
Au terme de l’année jubilaire de la Miséricorde, il est bon de s’arrêter quelques instants sur des peintures qui illustrent les oeuvres de miséricorde corporelles (les six que l’on trouve en Mt 25, 35-36, auxquelles s’ajoute « ensevelir les morts »). Parmi beaucoup d’autres peintres, citons Brueghel Le Jeune (XVIe siècle), Le Caravage (XVIIe siècle), Jean-Louis Bézard (XIXe siècle).
• Le tableau de Brueghel Le Jeune (né fin 1564 ou début 1565 à Bruxelles et mort le 10 octobre 1636 à Anvers) illustrant les 7 oeuvres de Miséricorde offre des scènes de rue particulièrement colorées, et vivantes. Avec un art de la perspective bien maîtrisé, Brueghel oblige le spectateur à parcourir un chemin qui va du premier plan, représentant deux oeuvres de miséricorde « nourrir ceux qui ont faim » et « vêtir ceux qui sont nus », à un chemin qui débouche sur l’infini.
Au second plan, à gauche, des gens viennent en aide à ceux qui ont soif. D’autres, au centre, accueillent l’étranger et à droite, visitent les malades. Sur le haut du tableau, on trouve la visite des prisonniers et l’ensevelissement des morts.
L’art de Brueghel est de nous montrer la vie quotidienne, dans un village. Certes, la référence chrétienne n’est pas visible. C’est en quelque sorte un sujet évangélique traité de manière profane. Mais le génie de Brueghel est peut-être de montrer l’actualité du message du Christ dans notre vie quotidienne.
• Au début du XVIIe siècle, Le Caravage réalise lui aussi une peinture représentant les oeuvres de miséricorde corporelles. Il faut situer le peintre dans un contexte où il est mis à l’épreuve.
Le 28 mai 1606, au cours des fêtes de rue, la veille de l’anniversaire de l’élection du pape Paul V, alors que de nombreuses bagarres éclatent dans la ville, Le Caravage tue en duel Ranuccio Tomassoni qui semait la terreur dans son quartier. Cet acte lui vaut une condamnation à mort, et il est obligé de fuir Rome.
Chassé de Rome, Le Caravage trouve refuge dans la famille Colonna à Naples en 1606. Là, il travaille avec son habituelle rapidité. En janvier 1607, lui est commandé et payé cet immense tableau d’autel par l’Eglise Monte Di Misericordia Pio (où on peut toujours le voir aujourd’hui), à Naples.
Le tableau montre les Sept Actes de Miséricorde. Son organisation est compliquée et les sept scènes ne sont pas immédiatement identifiables. De plus, Le Caravage a ajouté en haut du tableau deux anges, la Madone et l’Enfant.
À droite, est bien mis en valeur l’enterrement des morts (on voit les deux pieds nus du défunt, le drap mortuaire et un personnage tenant un cierge allumé). Deux actes charitables sont également évoqués à droite de manière étonnante : visiter les prisonniers et nourrir l’affamé.
Pour ce faire, Le Caravage fait référence à la tradition de la Carita Romana qui raconte qu’une jeune fille, Péro, allaite secrètement en prison son père, Cimon, condamné à mourir de faim. Péro obtient la permission de visiter son père, mais les gardiens s’assurent qu’elle ne lui apporte pas de nourriture.
Pour symboliser l’oeuvre qui consiste à vêtir ceux qui sont nus, Le Caravage a repris l’épisode de saint Martin donnant son manteau au mendiant. À côté de cette scène, l’hôte ouvrant sa maison à un pèlerin de Saint-Jacques de Compostelle évoque l’offre d’hospitalité aux étrangers. L’oeuvre de miséricorde : « vous m’avez donné à boire » est représentée par Samson buvant de la mâchoire du boeuf. Le jeune homme derrière le mendiant avec saint Martin représente le geste charitable du souci des malades. Mais ce n’est pas d’une grande lisibilité.
Malgré la complexité du tableau et un certain désordre de la composition, avec ses diagonales croisées, on peut admirer les jeux des regards, la fonction du clair-obscur, et le drapé des vêtements. Les gestes s’enchaînent et montre que la charité est active.
• Dans le déambulatoire de l’église Sainte-Élisabeth-de-Hongrie, à Paris [3e, NDLR], Jean-Louis Bézard a peint la fresque allégorique Les Sept oeuvres de Miséricorde. Le peintre s’est rendu célèbre en divers lieux. Il a travaillé dans six églises parisiennes, mais aussi à Toulouse (Le martyre de Saint-Saturnin) et à Agen où il a peint les décors de la cathédrale Saint-Caprais.
En regardant Les Sept oeuvres de Miséricorde, l’oeil est tout de suite attiré par une composition en triangle, avec en bas sur une sorte de plateau, le personnage d’une femme en pleine lumière revêtant un enfant. À la pointe du triangle, on voit la Vierge à l’Enfant. De chaque côté de cette composition, on trouve les sept oeuvres de miséricorde. À droite : visiter les prisonniers ; donner à manger et à boire. À gauche : visiter les malades et accueillir l’étranger. Jean-Louis Bézard, a lui aussi, ajouté l’oeuvre de miséricorde « ensevelir les morts ».
Le tableau présente des personnages en mouvement, hommes et femmes, de toutes générations, tournés les uns vers les autres dans une attitude de compassion. Une femme avec son enfant dans les bras tourne son regard vers la Vierge. Il se dégage de cette oeuvre très colorée beaucoup d’humanité.
Mgr Hubert Herbreteau, évêque d’Agen, président de l’OFC