Yves Duteil : Et si la clé était ailleurs ?

yves duteuilOn connaît Yves Duteil, l’auteur-compositeur-interprète de Prendre un enfant par la main et de La langue de chez nous, et on découvre aujourd’hui l’écrivain. Après le très beau La petite musique du silence, Yves Duteil revient avec Et si la clé était ailleurs ?

Le chanteur est parfois classé, à tort, parmi les naïfs épris de jolis mots et de bons sentiments. Yves Duteil est avant tout un témoin discret, profond et d’une grande humanité. Dans son livre, il livre sa quête intérieure. Ses mots évoquent son enfance, son beau métier d’artisan de la chanson, sa responsabilité de maire pendant 25 ans à Précy-sur-Marne, son engagement pour la défense contre les feux de forêts en Corse, ses épreuves de santé et la maladie de son épouse, ses joies et ses peines …

Les courts chapitres de ce livre disent son regard sur la vie et ses mystères, ils murmurent ses interrogations et sa recherche de spiritualité. « La spiritualité guide la vie. Elle ajoute une dimension d’altitude qui me manque sur le papier. Et quand j’atterris à nouveau après une échappée, mon cœur a étanché sa soif de ciel et son envie d’envol, je me sens plus riche d’un espace intérieur, plus vaste de ce dépassement. (…) Ce monde intime, imperceptible dans l’aveuglante clarté du soleil, a besoin de pénombre et de silence pour dialoguer, loin du tumulte quotidien. C’est ce voyage que je voudrais partager, parce qu’il concentre tout ce que nous avons de plus précieux, de plus fragile et solide à la fois, cette part insaisissable d’immatériel qui cumule nos héritages et traverse le temps à travers la mémoire de l’essentiel » (p. 7).

Yves Duteil montre comment les rêves de l’enfance prennent corps, comment s’effectue le passage de l’imaginaire au réel. Il voulait faire de sa vie quelque chose d’exceptionnel : « Soulager la douleur du monde, c’était pas mal, mais devenir président de la République me tentait aussi … J’hésitais. Mon sommeil me conduisait vers un destin inédit, mais le réel me ramenait vers les limites matérielles » (p. 13).

Yves Duteil dit aussi l’irruption de la musique dans sa vie, dès le plus jeune âge. « La musique m’aspirait, m’inspirait. » Mais les cours de piano et les gammes étaient une mission impossible. Réfractaire à la Méthode Rose, il cherchait à s’échapper du solfège pour rejouer à l’oreille La Marche Turque de Mozart. « Je ne lis toujours pas les portées musicales, mais chaque accord m’évoque une émotion pure, et pas une
note fausse ne passe sans grimace » (p.16). « L’inspiration musicale est un instantané d’émotion qui nous accroche, et que l’on reprend en boucle pour ne pas le perdre, jusqu’à le mémoriser » (p.17).

Le chanteur parle de la première entrée en scène, puis des concerts qui le mettent en contact avec un public attentif. La rencontre avec Monseigneur Di Falco, alors porte-parole de l’épiscopat français a été déterminante : « Il est devenu pour moi, le miroir fidèle de la foi. »

Le témoignage que nous livre Yves Duteil est aussi un hommage à sa famille. Il confie : « Maman me manque (…) Elle m’a offert mon âme d’artiste, m’a confié l’amour des mots et celui de la musique comme un héritage … » (p. 22).

Au moment où son père, hospitalisé dans un établissement de long séjour, décline et ne reconnaît plus les siens, il retrouve son frère Roland. Ils décident de rendre visite à leur père, ensemble. Une affection mutuelle renaît.

Par-dessus-tout, c’est l’amour de Noëlle son épouse qui est sa raison de vivre : « J’ai suivi son regard, cultivé son jardin, et commencé la belle moisson de nos cœurs » (p.31). « Comme une bonne étoile, elle donne un sens à mon errance, met ma vie en perspective et mes mots en profondeur de chant » (p.33). Grâce à elle, « la famille, l’enthousiasme et la liberté sont devenus les piliers de notre temple intime ».

Et si la clé était ailleurs ? Ce petit livre de 110 pages, est écrit avec beaucoup de sensibilité et une langue fort belle, parsemée d’une multitude de métaphores. Il est une invitation à creuser la hauteur et la profondeur de nos existences, le ciel et les abysses. Jules Verne, dont les héros filent vers la lune et plongent sous les mers, restera une des lectures préférées d’Yves Duteil.

Les épreuves de l’existence ne sont pas cachées, en particulier un accident en 2010 et un malaise cardiaque en 2012, mas surtout la maladie de Noëlle, avec chimio intensive, radiothérapie, greffe de moelle en chambre stérile. Dans la détresse, la prière est alors d’un grand secours : « La prière surgit au milieu des tumultes et des craintes. C’est la lumière dans la nuit, un dialogue dans le silence des peines. Je priais Marie et lui demandais de me donner la force de ce combat. En priant j’ai compris que je croyais. Dans cette immense détresse, le ciel venait de s’entrouvrir. Je n’étais plus seul dans ma tête » (p. 72). « La prière est un dialogue. Elle fait appel à la force qui soulève les montagnes et fait de l’espoir à genoux une espérance qui se lève » (p.72).

Et si la clé était ailleurs ? Pour Yves Duteil, le regard des artistes peut être utile au monde. Son livre rend hommage à la musique et aux chansons : « J’aime transmettre la beauté qui me touche, alléger le fardeau
de ceux que je croise, ne serait-ce que le temps d’une chanson. (…) Mes chansons sont autobiographiques. Elles n’occultent ni la peur ni la violence, la révolte ou l’absence » (p. 106).

Yves Duteil n’est en rien un chanteur naïf loin de l’actualité du monde. Avec pudeur, il nous offre ses émotions, son amour de la vie, sa foi en Dieu : « C’est difficile d’être un homme, mais c’est aussi pour ça qu’on est si heureux d’y arriver quand même … » (p. 110).