Je suis Ève, la Mère des Vivants.

La malédiction qui a pesé sur moi,
je l’ai portée dans la douleur pour qu’elle ne pèse pas sur toi.
Jeune, j’étais belle, insouciante, innocente et aimée.
Je vivais bénie dans un jardin planté d’arbres et irrigué d’eaux vives.
Je me nourrissais d’herbes et de fruits.
Je dansais avec les poissons, les oiseaux et les animaux de la Terre.
J’étais femme, j’étais nue, sans autre vêtement que ma joie d’être en vie.
Je ne pensais pas à mal, car je ne connaissais pas le mal.
Mais voilà, mon pied a buté sur un serpent.
J’ai pris pour vérité un mensonge.
La première en chemin, je me suis redressée de toute ma hauteur.
J’ai cueilli le fruit de l’arbre de la connaissance.
Je l’ai mordu à pleines dents.
Je l’ai donné à Adam.
La honte s’est abattue sur nous.
J’étais, je suis et je serai la femme honteuse et nue, la femme qui se cache, qui se camoufle, qui se terre.
Je suis l’expulsée du jardin d’innocence.
Je suis celle sur laquelle la colère divine s’est abattue pour tous.
Mais, je t’en prie, honore en moi, non ma faute, mais mon cœur de mère.
Bannie, je n’ai laissé monter à mes lèvres aucune plainte.
J’ai accepté le pain de la douleur.
Vaillante, j’ai enfanté un premier fils, Caïn, puis un second, Abel.
Le meurtre m’a pris Abel, l’exil m’a pris Caïn.
La vie a repris, courageuse.
J’ai compris que mon ventre de femme était source de vie.
Je croyais en cette source.
J’ai enfanté un troisième fils, Seth.
Et tu es là, vivant, à écouter ma voix.

Écrivaine : Charlotte Jousseaume
Illustratrices : Laure SL (en haut) et KOVA (en bas)

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