« Le primat de l’humain : un signal fort » par Mgr d’Ornellas
Depuis 1994, l’interdiction de la recherche sur l’embryon humain et ses cellules a été maintenue. Cela est conforme à notre Code civil qui exige le respect de l’être humain « dès le commencement de sa vie », en raison de sa « dignité ». Autoriser maintenant cette recherche n’est-il pas anachronique ? En effet, le prix Nobel 2012 du professeur Yamanaka et des progrès scientifiques attestent que des recherches alternatives sont crédibles. Celles-ci n’indiquent-elles pas la direction à prendre pour que la France ne soit pas en retard ?
Souvent non dits et pourtant sous-jacents, des motifs financiers rendraient nécessaire une telle recherche afin d’obtenir des résultats intéressant certaines sociétés pharmaceutiques. Mais l’éthique doit-elle se soumettre à des intérêts industriels ?
Amis lecteurs, vous et moi, nous étions chacun, selon le regard scientifique, une puis quelques cellules se reproduisant à l’identique avant de se différencier selon nos tissus cellulaires, formant progressivement notre corps jusqu’à celui que nous avons. La science apporte des confirmations à cette vérité élémentaire et prodigieuse que le regard philosophique peut discerner : toute personne humaine commence en étant un embryon humain. Nul ne devient humain qui ne l’est pas ! Impossible pour lui d’exister si on lui enlève ce qu’il a d’humain ! Cet adjectif dit avec précision que cet embryon partage notre humanité. C’est pourquoi, nous devons le respecter et, en raison de son extrême vulnérabilité, le protéger.
L’intelligence, instruite par la science et la philosophie, peut-elle échapper à cette logique du respect, qui est l’honneur d’une société ? L’intelligence qui a le sens de l’homme s’émerveille devant ce petit d’homme qu’est l’embryon et qui recèle en lui la puissance de développement pour devenir l’adulte que vous et moi sommes devenus. L’intelligence croyante, en harmonie avec la science et la philosophie, y reconnaît l’infinie bonté de Dieu, Créateur et Père, qui nous invite à être les gardiens les uns des autres, à protéger ainsi les plus faibles.
En légalisant l’autorisation par principe de recherche sur les embryons humains, nous basculerions dans l’utilitarisme. Là, point d’émerveillement devant l’humanité du plus vulnérable ! Deviendrait légal le droit de ne pas la respecter chez l’être humain embryonnaire. Ce serait certainement une régression.
Seulement voilà : notre technique d’AMP produit des embryons humains en surnombre. Nous les stockons. La tentation est grande de les utiliser pour la recherche. Leur coût est si inférieur à celui des embryons d’animaux ! Et surtout, ils sont vraiment humains, c’est pourquoi ils sont intéressants ! On s’autojustifie en proclamant que cela ne change rien puisqu’ils sont voués à la destruction. En vérité, cela change tout : la loi, en interdisant par principe la recherche, donne un signal fort. Celui-ci est lumineux : l’humain a toujours la priorité !
Et l’AMP ? Un débat est nécessaire. Avons-nous aujourd’hui raison de stocker des embryons humains ? Des voix se sont élevées pour reconsidérer cette manière de faire. Est-elle toujours sans danger pour la femme ? Certains alertent sur cette question. D’autres rappellent ce point crucial : « la procréation naturelle doit constituer le cadre de référence de l’AMP », selon la pensée des citoyens lors des États généraux de bioéthique. La souffrance de l’infertilité est grande. Qui le nierait ? Mais si nous donnions à la procréation humaine la seule référence de la possibilité technique, nous tomberions dans un autre utilitarisme. Le désir d’enfant deviendrait roi. Cela ouvrirait la porte au « droit à l’enfant », droit qui n’existe pas car l’enfant n’est ni un dû ni un objet. De plus, l’égalité devant la technique obligerait à autoriser la gestation pour autrui (GPA). En effet, l’AMP qui répondrait au désir d’enfant exprimé par deux femmes devrait aussi satisfaire le même désir chez deux hommes. Or, pour eux, la seule technique est la GPA, qui conduit à une instrumentalisation de la femme et à l’abandon d’enfant.
Nul progrès ne viendra sans une « écologie humaine », plus urgente que l’écologie concernant l’environnement. Notre loi de bioéthique exige qu’un débat sous forme d’États généraux soit organisé avant toute modification. Comme cela est pertinent ! Dans une société gorgée de techniques, l’intelligence a de plus en plus besoin, non d’opinions hâtives ou intéressées qui la rabaissent, mais d’un débat qui la hisse vers le primat de l’humain. Ainsi grandie, elle concilierait éthique de la dignité et recherche scientifique en vue de soigner le mieux possible, ce qui est la finalité de la loi de bioéthique et mon souhait le plus profond.
Mgr Pierre d’Ornellas
Archevêque de Rennes