Sur les traces des vingt-quatre martyrs de la Terreur

Jean Ferrapy, est prêtre auxiliaire à Saint-Just-Malmont à 20 kilomètres d’Aurec. A 80 ans, il a la responsabilité de promouvoir la reconnaissance des vingt-quatre martyrs de la Révolution Française et la béatification de l’Abbé François Mourier et de ses compagnons mis à mort pendant la période dite de la « Grande Terreur » en 1793 et 1794.

Le Père Jean ferrapy« C’est une vieille affaire de plus de 230 ans ! », s’exclame le Père Jean Ferrapy, prêtre auxiliaire à Saint-Just-Malmont, dans le diocèse du Puy-en-Velay qui vient d’ouvrir, en août 2019, le procès canonique en vue de la béatification de l’abbé François Mourier et de ses compagnons, mis à mort au nom de leur foi chrétienne pendant la période de Grande Terreur (1793-1794). Depuis dix années, le père s’active sans relâche pour obtenir la béatification des martyrs. « Notre but est de mettre en valeur et de stimuler la fidélité des chrétiens qui, dans les paroisses, conservent le souvenir des martyrs. »

Les recherches aux archives

Le Père Jean Ferrapy est personnellement concerné par cette histoire de martyrs. En 2009, lors d’une « cousinade », il croise un de ses cousins qui réalise des recherches sur l’un de ses ascendants, victime de la Grande Terreur. « J’ai un grand-oncle, à la sixième génération, qui a été décapité, raconte-t-il. L’un de mes cousins s’est senti le droit de faire reconnaitre son oncle, et il a interpellé Monseigneur Henri Brincard, évêque du Puy-en-Velay. Mon grand-oncle, l’abbé François Mourier sera d’ailleurs inscrit en tête de liste des martyrs. »

Dans les mois qui suivent, les premières recherches sont rendues possibles grâce à l’aide des Archives départementales. Premières avancées en novembre 2012. Monseigneur Henri Brincard nomme respectivement Monseigneur Maurice Monier, postulateur et Jean Ferrapy, vice-postulateur de la cause. « Dans les causes des saints, le postulateur est celui qui demande la reconnaissance des Saints, souligne-t-il. Il doit résider à Rome afin d’être en contact avec les diverses congrégations en particulier la Congrégation pour le culte des saints. » Jean Ferrapy reste dans le diocèse du Puy pour rassembler archives et autres documents. Il se rend aux Archives Départementales, aux Archives diocésaines et dans les familles des descendants. « C’est comme une enquête policière », sourit-il.

Un nouveau tournant apparait début 2013 avec la demande officielle d’ouverture de la cause. Le 17 mai 2013, Monseigneur Henri Brincard adresse une demande à la Congrégation. « Pour reconnaitre dans le diocèse les martyrs saints, il faut que la Congrégation pour la cause des saints donne un « Nihil Obstat » que nous traduisons en latin par « Rien ne s’y oppose. » Trois ans après, l’accord est donné le 6 septembre 2016. « J’ai rencontré toutes les familles descendantes entre mai 2013 et septembre 2016 ». La Conférence épiscopale donne – quant à elle – son feu vert pendant l’Assemblée plénière d’avril 2017.

Vingt-quatre martyrs retenus

img-martyrs-rectifiee« Sur les 358 victimes de la Révolution Française, une centaine semble l’avoir été en vertu de la fidélité à la foi », estime le Père Jean Ferrapy. Les victimes de la Grande Terreur ont été déportés sur le ponton de La Rochelle, emprisonnées ou mort des suites des conséquences des outrages imposés.

Monseigneur Henri Brincard retient une liste de vingt-quatre noms dont dix prêtres, trois religieuses et onze laïcs. « Les laïcs ont été condamnés pour avoir hébergé des prêtres réfractaires. Et les prêtres réfractaires pour ne pas avoir prêté le serment à la Constitution civile du clergé (juillet 1790) et avoir continué leur ministère alors qu’ils auraient dû s’exiler en Suisse ou en Italie. » Ils décident ensemble de cibler cette période de la Grande Terreur, avant la mort de Robespierre, car « la persécution survenue en 1798 avec le Directoire était plus ambiguë que celle de 1793-94 », précise-t-il. Historiquement, le 18 mars 1793, la Convention publie un arrêté comme quoi tout noble, prêtre, curé capturé sur le territoire de la République serait immédiatement jugé, condamné et mise à mort. « Un mois après cet arrêté, un prêtre semble avoir été mis à mort par un édit public. La première victime à faire partie de la liste. »

Le 17 juin 1794, sept décapitations surviennent Place du Martouret au Puy-en-Velay. Deux prêtres, deux religieuses et trois laïcs. C’est l’abbé François Mourier et tous ses compagnons martyrs de la Révolution. « La Congrégation romaine pour la cause des saints nous demandait un nom précis pour justifier la béatification ». Mgr Henri Brincard Brincard choisit le jour où les exécutions sont les plus nombreuses.

Pourquoi une réhabilitation si tardive ?

Dans de nombreux diocèses comme à Angers, les martyrs de la Révolution Française ont été réhabilités pendant l’Entre-Deux-Guerres (1918-1939) ou dans les années 1980. Le Père Tavernier prêtre du diocèse, dans le diocèse du Puy-en-Velay, avait publié un livre en 1938 intitulé : « Le diocèse du Puy pendant la Révolution ». Monseigneur Norbert Rousseau (1871-1939) – dans sa préface – affirme de manière très claire « qu’il faudrait que l’Église les reconnaisse mais la guerre est arrivée et nous avions d’autres soucis à gérer. »

Vers la reconnaissance

Trois sessions au tribunal diocésain ont été programmées en vue de la reconnaissance des martyrs le 15 octobre, le 12 novembre et prochainement le 10 décembre 2019. « Toutes les sessions sont ouvertes au public, explique-t-il. Nous demandons à une trentaine de témoins de venir dire ce qu’ils en savent. Ils ne les ont bien sûr pas connus. Mais certains ont en leur possession des documents qui attestent des exactions. » Des historiens locaux indépendants vont épauler le Père Jean Ferrapy. « Ils auront un grand rôle quand les témoins auront été entendus. Cette commission d’historiens étudiera tous les témoignages et le dossier dans son ensembleIls pourront émettre des réserves si certains documents ne leur paraissent pas fiables. »

Il espère que le dossier sera clos au printemps 2020. « Nous n’aurons plus qu’à attendre que l’Église universelle reconnaisse les martyrs de la révolution dans le diocèse ». En attendant, le Père Jean Ferrapy n’a plus de temps à perdre. Il joue contre la montre en continuant de chercher des documents d’archives. Il lance d’ailleurs un appel à témoins auprès des particuliers qui pourraient détenir dans leurs greniers des documents qui pourraient l’aider dans son travail de recherche. Le Père Jean Ferrapy a un dernier souhait. Il aimerait que de jeunes historiens travaillent sur le diocèse du Puy pendant la Révolution Française pour réaliser « une thèse ou un mémoire, et pourquoi pas y éditer un ouvrage collectif ! »

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