La formation humaine : importance de la maturité affective, extrait de Pastores dabo vobis
La relation avec les autres est d’une particulière importance. C’est un élément vraiment essentiel pour celui qui est appelé à être responsable d’une communauté et à être un «homme de communion». Cela exige que le prêtre ne soit ni arrogant, ni chicanier, mais qu’il soit affable, accueillant, sincère dans ses propos et dans son cœur, prudent et discret, généreux et prêt à rendre service, capable d’établir avec les autres et de susciter chez tous des relations sincères et fraternelles, prompt à comprendre, à pardonner et à consoler (cf. aussi 1 Tm 3, 1-5; Tt 1, 7-9). L’humanité actuelle, souvent condamnée à des situations de massification et de solitude, surtout dans les grandes concentrations urbaines, est de plus en plus sensible à la communion: celle-ci est aujourd’hui l’un des signes les plus éloquents et l’une des voies les plus efficaces du message évangélique.
La formation à la maturité affective du candidat au sacerdoce s’inscrit dans ce contexte comme un élément important et décisif, véritable aboutissement de l’éducation à l’amour vrai et responsable.
§ 44. La maturité affective suppose que l’on ait conscience de la place centrale de l’amour dans l’existence humaine. En réalité, comme je l’ai écrit dans l’encyclique Redemptor hominis, «l’homme ne peut vivre sans amour. Il demeure pour lui-même un être incompréhensible, sa vie est privée de sens s’il ne reçoit pas la révélation de l’amour, s’il ne rencontre pas l’amour, s’il n’en fait pas l’expérience et s’il ne le fait pas sien, s’il n’y participe pas fortement».
Il s’agit d’un amour qui englobe la personne entière, dans ses dimensions et ses composantes physiques, psychiques et spirituelles, et qui se traduit dans la «signification nuptiale» du corps humain, grâce auquel la personne se donne à l’autre et l’accueille. C’est à la compréhension et à la réalisation de cette «vérité» de l’amour humain que tend l’éducation sexuelle correctement comprise. On note aujourd’hui une situation sociale et culturelle diffuse qui « banalise » en grande partie la sexualité humaine, en l’interprétant et en la vivant de façon réductrice et appauvrie, en la reliant uniquement au corps et au plaisir égoïste. Les situations mêmes des familles d’où proviennent les vocations sacerdotales présentent souvent à cet égard des carences notables et parfois de graves déséquilibres.
Dans ce contexte, il devient plus difficile mais aussi plus urgent d’assurer une éducation de la sexualité qui soit vraiment et pleinement personnelle et qui ouvre à l’estime et à l’amour de la chasteté, «vertu qui développe la maturité authentique de la personne, en la rendant capable de respecter et de promouvoir la « signification nuptiale » du corps».
Or l’éducation à l’amour responsable et la maturation affective de la personne sont absolument nécessaires à celui qui, comme le prêtre, est appelé au célibat, c’est-à-dire à offrir, avec la grâce de l’Esprit et par la libre réponse de sa volonté propre, la totalité de son amour et de sa sollicitude à Jésus Christ et à l’Église. En vue de l’engagement au célibat, la maturité affective doit savoir inclure dans les rapports humains de sereine amitié et de profonde fraternité un amour ardent, vif et personnel pour Jésus Christ. Comme l’ont écrit les Pères synodaux, «l’amour du Christ, prolongé par une offrande de soi universelle, est de la plus haute importance pour susciter la maturité affective. C’est ainsi que le candidat appelé au célibat trouvera dans la maturité affective un ferme appui pour vivre la chasteté dans la fidélité et la joie.
Le charisme du célibat, même authentique et éprouvé, laisse intactes les inclinations de l’affectivité et les pulsions de l’instinct: aussi les candidats au sacerdoce ont-ils besoin d’une maturité affective, qui les rende capables de prudence, de renoncement à tout ce qui peut la compromettre, de vigilance corporelle et spirituelle, d’estime et de respect dans les relations interpersonnelles entre hommes et femmes. Une aide précieuse peut être apportée par une éducation adaptée à la véritable amitié, à l’image des liens de fraternelle affection que le Christ lui-même a vécus pendant son existence (cf. Jn 11, 5).
La maturité humaine et en particulier la maturité affective exigent une formation limpide et forte à la liberté qui prend les traits d’une obéissance convaincue et cordiale à la «vérité» de son être propre, au «sens» de son existence, c’est-à-dire au don sincère de soi, comme route et contenu fondamental de l’authentique réalisation de soi. Ainsi comprise, la liberté exige que la personne soit vraiment maîtresse d’elle-même, décidée à combattre et à surmonter les diverses formes d’égoïsme et d’individualisme qui menacent la vie de chacun, prompte à s’ouvrir aux autres, généreuse dans le dévouement et le service du prochain. Cela est important pour la réponse à donner à la vocation, spécialement la vocation au sacerdoce, pour la fidélité à celle-ci et aux engagements qui lui sont liés, surtout dans les moments difficiles. La vie communautaire du séminaire peut apporter une aide en vue de cette progression de l’éducation vers une liberté mûre et responsable.