« Laissez-vous réconcilier avec Dieu ! », par Mgr Aillet

L’année 2011 s’achève sur un bilan contrasté, dans un monde où l’inquiétude tend à l’emporter. Ce que les occidentaux ont appelé le « printemps arabe », où une formidable aspiration à la liberté s’est révélée à la face du monde, semble avoir été confisqué par la victoire électorale des partis islamistes, assombrissant d’autant le sort des chrétiens déjà victimes de tant de discriminations et de persécutions. Les efforts louables des pays de la communauté européenne, gravement confrontés à la crise financière, pour faire prévaloir entre eux la solidarité, se heurtent à un souci excessif de sauver l’euro, avec des conséquences économiques et sociales qui pèsent lourdement sur les plus pauvres, comme l’indique le rapport annuel du Secours catholique. Le processus de paix au Pays basque, avec l’annonce de l’arrêt définitif de la lutte armée, unanimement saluée, n’en laisse pas moins des plaies ouvertes : la souffrance des familles tant des victimes de la violence que des prisonniers politiques.

En Afrique, réservoir de jeunesse et « continent de l’Espérance », selon l’expression du Pape Benoît XVI, la famine, la guerre, la corruption et l’exploitation insolente des pays riches ou émergents continuent de sévir, tandis que l’Europe, marquée par un hiver démographique persistant, s’enfonce dans la dépression. Il semble même ici que l’on n’aime pas la jeunesse : on tue les enfants avant leur naissance, on traque les personnes handicapées jusque dans le ventre de leur mère, on brouille médiatiquement, voire légalement, les repères familiaux nécessaires à la structuration de la personne en croissance, on peine à garantir un avenir aux jeunes, on ne sait plus répondre à leur quête légitime de sens. Le laïcisme ambiant, avec ses relents de manifestations antichrétiennes, cherche à expulser Dieu de la vie des personnes et des sociétés, prétendant même construire un paradis sans lui. L’expérience montre pourtant qu’un monde sans Dieu devient un enfer, où prévalent les égoïsmes, la division dans les familles, la haine entre les personnes et les nations, le manque d’amour, de joie et d’espérance.

C’est sur ce fond de crise et d’inquiétude que nous nous apprêtons à célébrer la fête de Noël. Tandis qu’à l’instar de l’empereur Auguste voulant démontrer sa puissance « en ordonnant de recenser toute la terre » (Lc 2, 1), les financiers et les hommes d’Etat s’agitent, les partis et les candidats entrent en campagne en vue des prochaines élections, avec l’intention de sauver un avenir que tous estiment gravement compromis, nos yeux se tournent vers l’humble crèche où l’Enfant de Bethléem, pauvre et fragile, s’offre une nouvelle fois à notre adoration !

La justice et la paix n’adviendront qu’au moyen de la réconciliation : une réconciliation entre les hommes et les nations qui passe par une démarche de guérison intérieure que seul le Christ Jésus peut accomplir dans les cœurs. C’est vrai pour la résolution des conflits en Afrique, pour l’Europe en recherche d’unité politique, pour l’accomplissement du processus de paix au Pays basque : seule une purification intérieure peut permettre de vraies réconciliations et établir les conditions durables de la justice et de la paix. Mais cela n’adviendra pas sans Dieu ! Et c’est là notre espérance : « Oui ! un enfant nous est né, un fils nous a été donné ; l’insigne du pouvoir est sur son épaule ; on proclame son nom : ‘Merveilleux-Conseiller, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix’ » (Is 9, 5). « Car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : aujourd’hui vous est né un sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. Et voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né, emmailloté et couché dans une crèche » (Lc 2, 10-12). Alors : venez, adorons-le !

Saint et joyeux Noël à tous !

+ Marc AILLET,
Évêque de Bayonne, Lescar et Oloron.

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