« A la lumière de la Parole de Dieu, rechercher de nouveaux modes de vie », par Mgr Brunin
La démarche de conversion personnelle s’inscrit dans un temps et un contexte social particulier que nous ne pouvons ignorer. Vivre pleinement le Carême comme temps de grâce pour nous-mêmes et nos communautés, est une responsabilité qui revêt un caractère missionnaire. Nos vies renouvelées dans de nouveaux comportements et des relations renouvelées, deviennent signes de ce que la puissance de l’Evangile opère dans une existence humaine. Suivant la dynamique du projet diocésain, par notre conversion personnelle, nous contribuons à faire vivre des communautés missionnaires ! Le témoignage de notre foi ravivée peut redonner souffle. Libérés, par la grâce de Dieu, de l’illusion narcissique et de la violence qui lui est liée, nous pouvons contribuer à renouveler la vitalité spirituelle de nos communautés et contribuer à rendre une âme à la société que nous habitons.
Toi, quand tu fais l’aumône …
Toi, quand tu pries …
La prière devient lieu de notre conversion personnelle. Sans elle, les chrétiens ne peuvent annoncer le salut aux hommes. Notre monde promeut des valeurs et imposent des rythmes qui ne laissent guère de place à l’ouverture à une transcendance. Parfois, notre société semble s’affaisser sur elle-même et l’horizon se bouche pour beaucoup. Les impératifs de la croissance économique enferment les individus dans un consumérisme narcissique et un matérialisme étroit qui créent un vide existentiel. Combien de jeunes, par exemple, vivent dans une profonde incertitude du lendemain et un nihilisme pratique. Quand surviennent les difficultés, ils ne peuvent plus trouver en eux les ressources qui les feront traverser l’épreuve car leur intériorité est vide. Ils en perdent alors leur dynamisme et le goût de vivre, se laissant aller à toutes sortes de dérives. Par le témoignage de l’accueil de la Parole et de la prière, les chrétiens proposent aux autres une culture de l’intériorité façonnée et nourrie du contact avec le Christ et son message de vie et de bonheur.
Toi, quand tu jeûnes …
Notre société est encore travaillée par l’affairisme et la violence. Le respect de la vie est tragiquement bafoué, que ce soit dans les scandaleux homicides ou les trop nombreux suicides, souvent liés à la culture des armes, les violences routières, les violences conjugales ou encore le triste record du nombre des avortements en Corse. Autant de signes d’une société qui perd confiance en elle-même et qui conduit les individus à se laisser aller à leurs pulsions de mort et à se laisser dicter leurs comportements par l’appétit des richesses et la défense de leurs intérêts particuliers, au mépris des autres et du bien commun. Dans un tel environnement social qui déroute et désespère bon nombre de nos contemporains, les chrétiens doivent pouvoir donner le témoignage d’une vie d’hommes et de femmes transformée par l’Evangile. Par le jeûne, nous prenons nos distances à l’égard de nos appétits immédiats et de nos pulsions de mort. Peut s’engager alors un chemin de réelle conversion. C’est dans la mesure où nous laisserons l’amour de Dieu réorienter notre existence vers Lui, dans le souci bienveillant des autres, que nous pourrons inviter nos contemporains à d’autres modes de vie, à d’autres façons d’habiter ensemble notre espace commun dans le respect de la vie et de la dignité de chacun.
« Quel est donc le jeûne qui me plait ? dit le Seigneur. N’est-ce pas faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs ? N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, recueillir chez toi le malheureux sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable ? » (Isaïe 58, 6-7)
+ Jean-Luc BRUNIN
Evêque d’Ajaccio