Regards croisés sur les familles d’aujourd’hui et le rôle de l’Église

« Les familles, miroir de la société » s’inscrit pleinement dans la démarche « Familles 2011 ». Il présente une analyse claire et accessible sur l’évolution de la famille intimement articulée à celle de la société. Rencontre avec Monique Baujard, directrice du Service National Famille et Société (SNFS), auteur de la synthèse.
 

Comment l’analyse « Les familles, miroir de la société » a-t-elle été menée ?

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Dans le cadre de la démarche Familles 2011, nous nous sommes mis à l’écoute de la société. Nous avons auditionné plus de trente personnes d’horizons très divers : sociologue, juriste, homme politique, responsable d’association, acteur de terrain, etc. Ce document dresse les grandes lignes du changement qui se dessine. Le résultat est inscrit dès le titre du document « Les familles, miroir de la société » : familles et société évoluent en parallèle.
 

Quels sont les grands enseignements ?

Nous vivons dans une société individualiste qui privilégie les valeurs de liberté et d’égalité. La famille est aujourd’hui vue avant tout comme un lieu d’épanouissement personnel. Il y a donc une tension constante entre la liberté individuelle et le maintien de la cohésion du groupe, ce qui explique la fragilité des liens de familles.
Un autre constat est le grand isolement des familles. Beaucoup de personnes ont peu de réseau social et la famille au sens large n’est pas présente. Les personnes se trouvent alors très seules devant les épreuves de la vie de famille. Il y a aujourd’hui une pauvreté relationnelle qui frappe encore plus les milieux matériellement défavorisées.
Un changement important concerne aussi les relations hommes/femmes.
L’indépendance financière des femmes et la maîtrise de la fécondité ont changé l’équilibre et il n’y a plus de rôles préétablis. Il y a donc une négociation constante dans les couples, y compris sur le partage des tâches quotidiennes. Enfin, notre rapport au temps a également beaucoup changé : tout va beaucoup plus vite. La famille est, elle, à contretemps, elle demande un investissement en temps gratuit… Ce temps indispensable, donné à la famille, n’est pas valorisé par la société.
 

Qu’apporte à l’Église la diversité de regards des personnes auditionnées ?

Pour que l’Église puisse faire entendre son message dans la société d’aujourd’hui, elle doit faire l’effort de rejoindre les questions de ses contemporains. Notre démarche s’est appuyée sur l’Évangile des pèlerins d’Emmaüs (Luc, 13-33) : des gens déçus, qui n’espèrent plus rien et qui partent. Le Christ ne les condamne pas. Il les rejoint, demande ce qui les préoccupe, les écoute puis propose un éclairage à partir des Ecritures. Devant la pluralité des choix et des modes de vie aujourd’hui, l’Église peut faire prendre conscience qu’un choix est effectivement à poser si l’on souhaite construire une famille. Ensuite, il ne suffit pas d’être amoureux. Il faut se donner les moyens d’assumer ce choix pour une vie à deux, puis à plusieurs si des enfants arrivent.
 

Qu’est-ce qui est attendu de la part de l’Église ?

Il est demandé à l’Église de réaffirmer son message évangélique et de donner à voir qu’un amour « pour toujours » est possible, à l’image de l’amour de Dieu pour les hommes. Mais la crédibilité de sa parole dépend aussi de sa capacité de savoir se faire proche de ceux qui souffrent. . Il lui est demandé aussi de porter un regard bienveillant sur la vie, même si les parcours des uns et des autres ne sont pas parfaits. D’honorer les cheminements de chacun et de poser des balises sur le chemin de la construction d’une famille. Je crois que les gens ont besoin de retrouver une spiritualité du quotidien. Ce sera d’ailleurs le thème de l’intervention du Prieur de la communauté de Bose (Italie), Enzo Bianchi, au colloque d’octobre. C’est dans les humbles gestes du quotidien que la qualité des liens et des relations se construit. Il faut redonner un sens au quotidien. L’Eglise peut puiser dans les trésors de sa tradition spirituelle pour offrir aux personnes les ressources nécessaires pour traverser les épreuves et inscrire leurs relations de famille dans le temps.
 

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