Deux musulmans prennent la parole au Synode des évêques pour le Moyen-Orient

A l’issue de la septième congrégation générale du Synode pour le Moyen-Orient, le 14 octobre 2010, les Pères synodaux ont écouté deux représentants de l’islam.
 

M. Muhammad al-Sammak, Conseiller politique du Grand Mufti sunnite du Liban (Liban)

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« Les problèmes qu’affrontent les chrétiens d’Orient présentent deux points négatifs: le premier point concerne le manque de respect des droits de la citoyenneté dans la pleine égalité face à la loi dans certains pays. Le second concerne l’incompréhension de l’esprit des enseignements islamiques particuliers relatifs aux relations avec les chrétiens que le Coran a qualifiés comme les plus disposés à aimer les croyants, justifiant cet amour en disant qu’il y a parmi eux des prêtres et des moines, et qu’ils ne s’enflent pas d’orgueil… Ces deux points négatifs, dans tout ce qu’ils comportent comme contenus intellectuels et politiques négatifs, et dans tout ce qu’ils impliquent comme attitudes relatives aux accords et à leur application et qu’ils causent comme actions inquiétantes et nuisibles, nous font du mal à tous, chrétiens et musulmans, et nous offensent tous dans notre vie et dans notre destin communs. Pour cela, nous sommes appelés, en tant que chrétiens et musulmans, à travailler ensemble pour transformer ces deux éléments négatifs en points positifs: en premier lieu, à travers le respect des fondements et des règles de la citoyenneté qui réalise l’égalité d’abord en droits et ensuite en devoirs. En second lieu, en dénonçant la culture de l’exagération et de l’extrémisme dans son refus de l’autre et dans son désir d’avoir le monopole exclusif de la vérité authentique et en œuvrant à la promotion et à la diffusion de la culture de la modération, de la charité et du pardon en tant que respect de la différence de religion et de croyance, et de la différence de langue, de culture, de couleur et de race; ensuite, comme nous l’enseigne le Coran, nous nous remettons au jugement de Dieu concernant nos différences. Oui, les chrétiens d’Orient sont à l’épreuve, mais ils ne sont pas seuls… La présence chrétienne en Orient, qui œuvre et qui agit avec les musulmans, est une nécessité autant chrétienne qu’islamique. C’est une nécessité non seulement pour l’Orient, mais aussi pour le monde entier. Le danger que représente l’érosion de cette présence au niveau quantitatif et qualitatif est une préoccupation autant chrétienne qu’islamique, non seulement pour les musulmans d’Orient, mais aussi pour tous les musulmans du monde entier. De plus, je peux vivre mon islam avec tout autre musulman de tout état et de toute ethnie, mais en tant qu’arabe du Moyen-Orient, je ne peux pas vivre mon arabité sans le chrétien arabe du Moyen-Orient. L’émigration du chrétien est un appauvrissement de l’identité arabe, de sa culture et de son authenticité. C’est pour cette raison que je souligne encore une fois ici, depuis la tribune du Vatican, ce que j’ai déjà dit à la Mecque, à savoir que je suis préoccupé pour l’avenir des musulmans d’Orient à cause de l’émigration des chrétiens d’Orient. Conserver la présence chrétienne est un devoir islamique commun autant qu’un devoir chrétien commun. Les chrétiens d’Orient ne sont pas une minorité accidentelle. Ils sont à l’origine de la présence de l’Orient avant l’islam. Ils sont une partie intégrante de la formation culturelle, littéraire et scientifique de la civilisation islamique ».
 

Ayatollah Seyed Mostafa Mohaghegh Ahmadabadi, Professeur de l’Université de Téhéran et membre sciite de l’Académie iranienne des sciences (Iran)

« Au cours des dernières décennies, les religions se trouvent face à de nouvelles conditions, dont l’aspect le plus important est le désordre prolongé de leurs disciples dans les lieux véritables de la vie sociale, ainsi que dans les arènes nationale et internationale. Avant la Seconde Guerre mondiale, et malgré les développements technologiques, les fidèles des différentes religions vivaient plus ou moins à l’intérieur de leurs frontières nationales. Il n’y avait ni l’énorme question de l’immigration ni la forte expansion de la communication qui met en relation autant de groupes sociaux différents… Nous assistons aujourd’hui aux changements profonds qui se sont produits au cours des cinquante dernières années et à une transformation qui se poursuit à une vitesse inouïe. Ceux-ci ont eu non seulement des effets sur la qualité des rapports existant entre les religions, mais ils ont également influé sur les relations entre les différents segments des religions et même avec leurs fidèles. Certes, aucune religion ne peut rester indifférente à cette situation en mutation rapide. Dans les sociétés où ont été placés différents groupes ethniques avec leurs propres langues et religions, il faut respecter leur présence et leurs droits aux fins de la stabilité sociale et du bon sens éthique. L’accord entre les intérêts et le bien-être social au niveau national et international est tel qu’aucun groupe ni aucun pays ne peut être ignoré. C’est la réalité de notre temps… Nous devrions aussi analyser quelle est la condition idéale pour les croyants et les disciples. Comment parvenir à la meilleure situation possible? Le monde idéal serait un état où les croyants de n’importe quelle confession peuvent vivre libres, sans appréhensions, craintes ni obligations, selon les principes de base et les modes de leurs coutumes et de leurs traditions. Ce droit qui est universellement reconnu devrait en fait être exercé par les Etats et les communautés ».

Source : VIS du 14 octobre 2010