Benoît XVI et la prévention contre le sida, par Mgr Tony Anatrella

« Un nouveau colonialisme comportemental bouleverse les sociétés africaines »

Mgr Tony Anatrella revient dans cette interview réalisée par l’Agence Zénit sur la polémique suscitée, surtout en France, autour des propos du pape concernant la prévention contre le sida.
Monseigneur Tony Anatrella est Psychanalyste et Spécialiste de Psychiatrie Sociale. Il enseigne à Paris et à Rome. Il est consulteur du Conseil pontifical pour la famille et du Conseil pontifical pour la santé


Zénit : Que fait l’Eglise contre le sida et pour les soins des malades ?

Mgr T. Anatrella : Dans ses réflexions sur la prévention contre le sida, Benoît XVI a d’abord voulu souligner l’engagement de l’Église dans l’accueil, les soins médicaux et l’accompagnement social et spirituel des personnes touchées par le Sida. Parmi les institutions dans le monde qui s’occupent des personnes ainsi atteintes, l’Église est le plus important prestataire privé de soins aux malades du sida, elle arrive en seconde position après les états : 44% sont des institutions d’État, 26,70% sont des institutions catholiques, 18,30% sont des ONG et 11% d’autres religions. (Cf. Conseil Pontifical pour la Santé).

L’Église est également engagée dans la prévention contre la transmission du virus HIV par l’intermédiaire de ses réseaux d’écoles, de mouvements de jeunesse et d’associations familiales.

Le Saint-Siège a créé en 2004, sous l’impulsion du Pape Jean-Paul II, la Fondation du Bon Samaritain afin de financer des projets de soins et d’éducation en direction des personnes concernées et de la prévention. C’est dire combien l’Église est active dans ces domaines et connaît bien les enjeux de cette pandémie. Elle a la compétence en la matière et développe une réflexion autour de l’éducation au sens de la responsabilité. Une exigence humaine accessible à toutes les consciences indépendamment d’un point de vue confessionnel. C’est dans ce sens que le Pape Benoît XVI vient d’affirmer que « l’on ne peut pas régler le problème du sida avec la distribution des préservatifs. Au contraire leur utilisation aggrave le problème ». Il a souligné que la solution passe par « un réveil humain et spirituel » et « l’amitié pour les souffrants ».

Zenit : Comment analysez toutes ces réactions ?

Mgr T. Anatrella : Ces réflexions étonnent de nombreux commentateurs qui soutiennent une vision sanitaire de la sexualité humaine. La question qui est pourtant posée à la conscience humaine devant la constante transmission du virus HIV est de savoir quel sens avons-nous de la sexualité, quel modèle sommes-nous en train de construire avec une prévention uniquement centrée sur le préservatif, quelle éducation sur le sens de la relation voulons-nous donner aux jeunes générations ? Au lieu de se fier à un moyen technique qui évacue de nombreuses questions, n’est-il pas décisif de réfléchir sur des comportements qui participent à la transmission de ce virus et de bien d’autres en matière sexuelle ?

La pandémie du sida nous interroge une fois de plus sur les comportements sexuels. Elle nous incite à changer de comportement plutôt que de changer de pratiques techniques.
En effet devons-nous nous limiter uniquement à une vision pulsionnelle et technique de la sexualité qui en favorise sa déshumanisation ou bien rechercher les conditions épanouissantes de son exercice dans la perspective d’une rencontre qui vient enrichir la relation engagée entre un homme et une femme ?
Dans l’acte sexuel l’homme et la femme s’accueillent et se donnent.

Grâce à l’amour sexuel, ils se rejoignent dans la jouissance pour être ensemble et se donner vie. Si l’acte sexuel n’engage pas la relation et répond simplement à une excitation, il demeure un acte hygiénique et, dans ces conditions, le préservatif apparaît comme une protection sanitaire mais aussi une protection relationnelle. En revanche, si l’expression sexuelle est vécue comme un engagement entre l’homme et la femme alors l’abstinence et la fidélité s’imposent. Mais depuis quelques années nous fabriquons un modèle sexuel assez surréaliste qui produit le sexe-préservatif. Est-ce à cet objet sanitaire de définir la sexualité et de l’humaniser ? D’ailleurs lors de campagnes de prévention, ne voit-on pas sur les murs de Paris des affiches avec le slogan : « Paris aime » … suivi de l’image d’un préservatif en forme de lever de soleil. Il serait plus sain d’apprendre à découvrir ce qu’est l’amour entre un homme et une femme plutôt que de déplacer le sens de l’amour sur un condom.
Un message qui prête à confusion et, une fois de plus, à l’inversion des sens et des choses.

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de l’agence Zénit