« Ouvrir le mariage, c’est changer l’ordre sémantique »

Soeur Geneviève Médevielle est religieuse auxiliatrice, professeur de théologie morale. « Qu’on le veuille ou non, dans notre langue « le mariage » comme signifiant renvoie toujours à l’union d’un homme et d’une femme comme signifié » explique-t-elle.

 

« L’enjeu du débat sur l’ouverture du mariage aux homosexuels porte sur l’exercice du jugement moral. Or pour juger d’une question, il faut tout d’abord pouvoir la désigner dans le langage commun sous peine de cacophonie. N’oublions pas que le langage, malgré l’arbitraire de ses mots, est une convention nécessaire pour qu’un groupe communique et se rencontre. Or, la valeur morale de nos pratiques du langage est un impensé du débat actuel. C’est sur ce point que je voudrais insister. Sur quoi réfléchit-on ? La discrimination que l’institution mariage ferait aux homosexuels ? Mais que disons-nous alors lorsque nous utilisons le mot « mariage » ? Qu’on le veuille ou non, dans notre langue « le mariage » comme signifiant renvoie toujours à l’union d’un homme et d’une femme comme signifié. Contes, comptines, chansons, proverbes ne véhiculent pas d’autre univers de signification. Vouloir ouvrir le mariage aux homosexuels, c’est changer l’ordre sémantique. Cela peut se faire… Mais, comme le philosophe John Locke l’écrivait à la fin du XVIIe siècle, c’est faire un « abus des mots » puisqu’on fait correspondre au signifiant « mariage » le signifié « union entre deux êtres de même sexe ».

A faire attention à la signification linguistique du mot « mariage », droit ouvert à tout homme ou à toute femme d’épouser une personne de sexe opposé, il n’est pas possible de dire que les personnes homosexuelles « n’ont pas droit au mariage » et que celui-ci leur est interdit. En rigueur de terme, le « mariage » est ouvert à toute personne, quelle que soit son orientation sexuelle. Mais il est vrai que, puisque le mariage signifie linguistiquement l’union entre un homme et une femme, l’union de deux personnes homosexuelles est impossible dans l’institution désignée par le mot « mariage ». Parler de « mariage » dans le cas d’un couple homosexuel, c’est tout simplement faire une opération de re-signification qui est loin d’être anodine car elle vient briser un consensus culturel et jeter la confusion dans le jugement éthique.

Propos recueillis par Stéphane Laforge

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