Sur les traces du Père Antoine Poidebard
Missionnaire jésuite, explorateur, aviateur, agent du renseignement, et pionnier de l’archéologie aérienne, Antoine Poidebard, (1878-1955) a joué un rôle de premier plan au début du XXe siècle au Moyen-Orient. L’Œuvre d’Orient a décidé de faire revivre ce personnage en lançant un projet de préservation du patrimoine oriental : « Faire revivre la photographie du XXe siècle ». Ils prévoient de numériser 20 000 photographies et de nombreuses archives scientifiques conservées à la photothèque de la bibliothèque orientale de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, au Liban. Une campagne de financement participatif est active jusqu’au 19 juillet sur la plateforme Dartagnans. Rencontre avec Apolline Piquenot, assistante chef de projet communication à l’Œuvre d’Orient. Elle pilote ce projet avec Vincent Gelot, responsable-projets basé à Beyrouth.
Qui était exactement le Père Antoine Poidebard ?
C’est un personnage hors du commun ! Ce prêtre jésuite, originaire de Lyon, est né en 1878. Il a débuté sa carrière religieuse en tant que missionnaire en Arménie en 1904. Pendant ces missions, il a développé un engagement pour l‘humanitaire en travaillant principalement dans les dispensaires. Au début de la Première Guerre mondiale, il s’est porté volontaire pour être infirmier-aumônier, sur le front lorrain.
Repéré par ses supérieurs hiérarchiques, il est ensuite envoyé en 1917 auprès de la Mission militaire française au Caucase. Durant ses années, il apprend l’Arménie, le turc et le tatar. L’Arménie passe en 1922 sous l’influence de l’U.R.S.S. Le contexte géopolitique étant très tendu, la mission, pour laquelle il est engagé, se replie au Liban. Il vient au secours des Arméniens victimes du génocide qui ont fui au Liban. Parallèlement à ses activités humanitaires, Antoine Poidebard s’installe à Beyrouth en 1924 où il est mandaté par la Mission militaire française pour être chargé de missions cartographiques. Il débute ses recherches aériennes dans les nouveaux mandats formés par la Société des Nations (SDN).
Il sillonne les steppes syriennes, et met au point des procédés techniques innovants de détection de vestiges archéologiques, ce qui lui permet de mettre à jour le système de défense de la frontière orientale de l’Empire romain. Dès les années 1930, il a également appliqué cette méthode à l’archéologie sous-marine en travaillant sur les ports phéniciens de Tyr et Sidon.
Quelle est la genèse du projet de préservation du patrimoine oriental : « Faire revivre la photographie du XXe siècle » ?
Vincent Gelot, notre responsable-projets en Syrie et au Liban pour l’Œuvre d’Orient a pris connaissance de l’existence du fonds Poidebard grâce à Beit Gazo, un Centre de recherche et de restauration du patrimoine des Eglises d’Orient, situé à Charfet au Liban. Cette institution est régulièrement en lien avec la bibliothèque orientale de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth où sont conservées les œuvres photographiques d’Antoine Poidebard. Amoureux de la photographie, Levon Nordiguian, directeur de la photothèque de la bibliothèque orientale de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth se passionne pour la vie et l’œuvre d’Antoine Poidebard qu’il souhaite faire revivre. Nous avons alors envisagé une levée de fonds pour ce projet patrimonial.
Vous avez choisi de réaliser une campagne de crowdfunding via Dartagnans, une plateforme dédiée à la préservation du patrimoine culturel. Pourquoi s’engager dans une campagne de financement participatif ? Quel est votre objectif financier ?
Cette campagne avec Dartagnans nous est apparue la plus appropriée car c’est la seule plateforme à s’être spécialisée dans les projets de préservation du patrimoine. Au-delà du cercle religieux, cela nous permet de fédérer les passionnées d’archéologie, d’histoire, de photographie ou d’aviation. La première collecte de 10 000 euros servira à l’achat de matériel de conservation et au recrutement d’un archiviste spécialisé. Une seconde campagne de 20 000 euros nous permettra de numériser l’ensemble du fonds.
Combien de fonds devez-vous archiver et numériser ?
Avec ses 24 boites d’archives papiers, ses 20 000 photographiques dont 10 000 sur plaques de verre et ses centaines d’archives scientifiques contenant des notes, des négatifs et tirages, et des carnets d’auteurs, la photothèque de la bibliothèque orientale abrite la mémoire d’Antoine Poidebard. Le travail d’archivage doit durer six mois, étape nécessaire avant de procéder au travail de numérisation. Pour la durée de numérisation, cela va s’inscrire dans un temps plus long compte tenu de la crise économique que traverse actuellement le Liban.
Depuis 2016, vous organisez des conférences et des expositions sur le patrimoine des chrétiens d’Orient au Moyen-Orient. Ce projet s’inscrit-il dans une continuité de protection et de mise en valeur du patrimoine ?
Même si nos projets ont une vocation humanitaire, nos actions s’inscrivent depuis quelques années à travers des projets de conservation et de restauration car cela fait partie de l’histoire des chrétiens d’Orient. Les photographies d’Antoine Poidebard et de son œuvre constituent un véritable témoignage patrimonial et historique. Par exemple, ses prises de vues aériennes de Palmyre sont des œuvres inestimables car les djihadistes de l’État islamique ont désormais détruit deux monuments antiques de ce site archéologique. A terme, l’objectif de l’archivage et de la numérisation de ces photographies est d’envisager une valorisation culturelle auprès du grand public.