Un musée pour rendre accessible à tous l’art sacré

A l’occasion des Journée européennes du Patrimoine (JEP) qui se tiendront le 15 et 16 septembre 2018, rencontre avec Dominique Dendraël, conservatrice du musée du Hiéron à Paray-le-Monial.  Elle a œuvré à sa renaissance et bataillé pour développer sa fréquentation et sa notoriété. Portrait d’une femme libre et tenace. Par Chantal Joly.

Dominique D« Ce n’est pas juste un résumé de vieilles choses mais un musée qui traite de problèmes de société et qui, d’une version très axée sur le catholicisme du 19ème siècle, s’est ouvert de manière à présenter deux millénaires d’histoire du christianisme et travaille aujourd’hui sur les trois monothéismes », annonce avec une belle conviction Dominique Dendraël. Le touriste ou le visiteur qui se donne la chance de passer un temps dans ce bâtiment lumineux à l’architecture métallique de type Eiffel sera conquis par la cohabitation harmonieuse d’œuvres contemporaines et de collections de l’après Réforme dédiées au lien théologique entre l’Eucharistie et le Sacré-Cœur. « Je suis personnellement passionnée par l’art contemporain et j’ai eu le sentiment, explique sa conservatrice, que si on s’enfermait dans cette histoire certes très forte liée à l’Eucharistie, le risque était de devenir un musée patrimonial et non un lieu vivant dédié à l’art sacré. C’est pourquoi de façon assez volontariste, tout de suite, j’ai voulu rendre accessible la création contemporaine dans ce domaine en présentant des œuvres hors des circuits commerciaux. L’art sacré est un sujet clé. J’ai fait le pari que pour des raisons personnelles ou universelles, il intéresse tout le monde. »

Passer du rejet à l’évidence

C’est en 1997 que, dans le cadre d’un DESS sur la gestion du patrimoine, la jeune femme, après un parcours en histoire et histoire de l’art, a effectué un stage au Service des musées de France sur le patrimoine religieux. Un intérêt « qui ne l’a plus quittée » À la suite d’une mission à Lille consacrée à l’étude des collections du Centre d’art sacré de la Treille, puis d’une autre mission au Canada, cette Nordiste est arrivée sur Paray-le-Monial en décembre 2000 pour assurer le sauvetage des collections du musée eucharistique.

Musée HieronLe moins qu’on puisse dire est que le chantier qui s’offrait à elle ne manquait pas de défis. À la suite d’un dégât des eaux non traité, le bâtiment inauguré en 1894 en était en effet au stade de la survie, menacé de destruction. Autres difficultés inhérentes à son origine : le fait que son fondateur s’intéressait à l’ésotérisme et en prime qu’il relevait de deux propriétaires : le diocèse pour ce qui est du bâtiment et les sanctuaires de Paray pour les collections. Il a également fallu jongler avec son image, « musée eucharistique » ne convenant ni aux pèlerins pour qui l’Eucharistie est vivante, ni à des non croyants que le terme rebutait. D’où l’appellation revendiquée de musée du Hiéron, du nom de l’espace sacré qui, chez les Grecs anciens, évoque aussi le lieu où sont élaborées les lois inspirées par les dieux.

Un conseil scientifique présidé par Dominique Ponnau, avec un historien spécialiste Dominique Julia, a permis d’élaborer en commun un projet. La mairie a énormément soutenu ainsi que de nombreux partenaires publics et une équipe a été créée pour piloter ce « gros bateau ». Des financements importants ayant été accordés, à l’issue d’un travail de restauration, le musée a donc rouvert en septembre 2005. Il est protégé depuis 2015 au titre des monuments historiques, les plans de la partie architecturale ayant été retrouvés.

Un développement régulier

13 juillet 2010: Basilique du Sacré Coeur édifiée au XIIe s., Paray-le-Monial (71), France. July 13, 2010: Paray-le-Monial (71), France.

« Mes meilleures années sont celles que je vis en ce moment », assure Dominique Dendraël. Et elle explique : « Je constate à travers les livres d’or combien les panneaux explicatifs sont remarqués et appréciés et combien les gens reviennent. Nous recevons énormément de publics différents : des scolaires du public et du privé, des paroisses dans le cadre du catéchisme, des touristes, des pèlerins pour qui le musée est gratuit l’été dans le cadre d’un partenariat avec les Sanctuaires de Paray. Nous sommes passés par paliers de développement réguliers de 6.500 visiteurs à 10.000. Ce lieu complexe, qui recèle des trésors (avec entre autres l’œuvre du joaillier Joseph Chaumet la « Via Vitae, Chemin de vie »), a acquis une sorte de maturité ». Un programme musical, des ateliers pédagogiques, trois expositions temporaires par an, des conférences… c’est désormais un lieu dynamique bien ancré dans son territoire.

Reste deux handicaps : le fait que Paray-le-Monial soit géographiquement loin d’Autun, le cœur du diocèse, et aussi peut-être les préjugés autour de ce musée. Car s’« il est connu par les conservateurs du Louvre et si des étudiants, surtout, anglo-saxons, viennent y faire des recherches », glisse avec une fierté légitime sa conservatrice, le paradoxe est que nombre de sessionnistes des sanctuaires repartent de la cité du Sacré-Cœur sans le visiter….

Site : http://www.musee-hieron.fr/

Sur le même thème

  • À la rencontre d’un couple d’éleveurs du diocèse d’Autun

    Dans ce diocèse d’Autun très marqué par la ruralité, l’évêque a le souci de la détresse de nombreux agriculteurs. Florence et Frédéric Demeule, auprès de qui Mgr Rivière vient régulièrement échanger, évoquent des réalités douloureuses sans pour autant bannir le mot espoir.

  • Autun, ce diocèse possède une force tranquille

    De la terrasse de l’évêché d’où il a vue à la fois sur un édifice celtique, les lieux du martyr de Saint Léger [1] et les toits de sa ville, classée d’Art et d’Histoire, Mgr Benoît Rivière, évêque d’Autun, Chalon et Mâcon, évoque sa joie d’être à la tête d’un diocèse fier de son passé et confiant dans l’avenir.

  • Le rayonnement caché des moniales de Bethléem au Val Saint Benoit

    Fondé en 1236 par Gauthier de Sully à la suite d’un vœu à la Vierge Marie, le prieuré du Val saint Benoît où s’étaient établis les moines de l’Ordre du Val des Choux, avant d’être confisqué au début du XVIIIe siècle puis abandonné, revit grâce à des moniales de la Famille monastique de Bethléem [1]. […]

  • Anne-Sophie, engagée auprès des enfants

    Anne-Sophie Gey, 30 ans, fait partie des 95 laïcs salariés engagés dans les paroisses et les services du diocèse. Sur Montceau-les-Mines, cette jeune mère de famille se retrouve depuis février 2018 laïque en mission ecclésiale en quartier populaire, avec pour tâche principale l’animation de l’Action Catholique des Enfants.

  • Martine Petrini-Poli, faire connaître les trésors de l’art sacré

    Trois cathédrales, 626 églises…. Le défi de révéler le patrimoine sacré et spirituel du diocèse est immense. Martine Petrini-Poli, nommée par Mgr Rivière responsable depuis 2016 de la Pastorale des Réalités du Tourisme et des Loisirs (PRTL), évoque avec passion cette mission.

  • Marie, familière de Taizé

    De Mâcon, on est à 33 kilomètres de Taizé. Et pourtant, Marie Bouteloup raconte que c’est « en s’éloignant géographiquement » qu’elle a « redécouvert » ce lieu où elle s’était rendue plus jeune à l’occasion de rencontres d’aumôneries de lycée. Rencontre.

  • Paray est un sanctuaire phare de la Miséricorde

    Le Père Benoît Guédas, 38 ans, prêtre de l’Emmanuel, familier des sanctuaires de Paray-le-Monial depuis 25 ans et leur recteur depuis septembre 2014, vient d’écrire Le réveil de la Miséricorde. Il témoigne de la rencontre cœur à cœur à laquelle nous invite le Christ. Par Chantal Joly. Que mettez-vous personnellement sous le mot « miséricorde » ? […]