Habitat partagé : l’Association pour l’amitié promeut le vivre ensemble
Le second rapport « Église en Périphérie », sorti le 3 octobre 2017 met en évidence les initiatives chrétiennes d’habitat partagé. Rencontre avec Martin Choutet, modérateur de l’Association pour l’Amitié (APA). Une association qui promeut le vivre ensemble et qui anime des appartements partagés où co-habitent des sans-domiciles fixes et des jeunes pros sous forme de colocation solidaires.
Quel est le rôle de l’Association pour l’amitié (APA) ?
Favoriser le lien social par la rencontre entre des personnes en situation d’isolement et de précarité et d’autres personnes qui n’ont pas de difficultés. Nous construisons à travers l’habitat partagé des communautés et des lieux de vies. Chacun mérite de vivre dans des conditions dignes. C’est pourquoi, l’association propose un hébergement mais aussi un accompagnement et des liens humains.
Depuis quand l’association existe-t-elle ? Où êtes-vous installés ?
L’Association pour l’amitié est implantée depuis onze ans à Paris et dans sa région grâce aux soutiens du diocèse de Paris et des communautés religieuses. Nous avons ouvert en 2017 deux nouveaux pôles à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) et à Villejuif (Val-de-Marne). L’Association pour l’Amitié travaille en étroite collaboration avec l’association Lazare qui développe, de son côté, des projets similaires en province, notamment à Lyon, Nantes, Marseille, Lille, Toulouse et Angers ; mais aussi à l’étranger, en Espagne et en Belgique.
Quels sont les moyens dont dispose l’Association pour l’Amitié (APA) ?
L’APA a vingt-deux appartements en région parisienne qui regroupent un peu plus de 160 résidants répartis sur une dizaine de sites. Huit familles sont également responsables de lieux. Dans chaque pôle, nous avons un responsable et une équipe de soutien pour la formation, l’accueil des nouveaux et la gestion des véhicules.
Quel est le profil des « volontaires » et des « aidés » ?
Les volontaires sont en général des jeunes professionnels, mais il n’y a pas de limites d’âges officiel. La plupart d’entre eux s’engagent au nom de leur foi. Les sans domiciles fixes, eux, viennent par le biais d’assistantes sociales, de paroisses ou d’associations partenaires.
Se mettre à plusieurs dans un même espace en y intégrant des valeurs de solidarité et de respect de l’autre, n’est-ce pas un moyen de redonner du sens au vivre ensemble ?
Vivre en « habitat partagé » permet de réaliser des activités tous ensemble comme la cuisine, le ménage ou les courses… Le point d’entrée de notre action est de créer du lien, d’apprendre à se connaitre et à s’aimer au-delà de nos différences. Nous devons aller les uns vers les autres, apprendre à vivre ensemble en harmonie malgré nos aspérités de caractère.
Partager des lieux de vie mutualisé nécessite de se répartir les tâches. Comment surmonter les difficultés du quotidien ?
Par la volonté de vivre ensemble. Au départ, les volontaires se réjouissent de faire de nouvelles rencontres. Puis ils cheminent et s’aperçoivent que l’autre est différent de ce qu’ils imaginaient. Nous sommes appelés à nous transformer et à évoluer avec le temps. Ce qui nécessite de se comprendre mutuellement, de pardonner quand on se blesse, d’être patient et d’accepter que l’autre a besoin de temps pour changer. Il faut aussi savoir s’émerveiller des talents de chacun et s’ouvrir à la complémentarité.
Et parfois, les rôles s’inversent…
En vivant ensemble, la personne que je voyais comme une personne pauvre se révèle être un bon musicien, cuisinier ou accueillant. Toutes ces attentions de cœur aident à changer de regard et à voir l’autre comme une personne pleine de potentiels et de richesses.
Comment la dimension spirituelle se traduit-elle ?
Elle aide à surmonter les écueils du quotidien. Nos temps de prières permettent à des victimes d’exclusion de rouvrir un œil sur l’Eglise et la vie spirituelle. Nous aimerions être facilitateur et créer des occasions pour que chacun rejoigne le Seigneur et connaisse cette profonde joie de découvrir la bonne nouvelle qui redonne du sens à la vie.
Depuis les années 2000, les initiatives d’habitats partagés portés par des chrétiens se multiplient. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
De nombreuses associations comme l’Arche, le Pain de vie ou Magdala nous ont précédés sur ce chemin et nous ont largement inspiré. Elles témoignent en vérité de la richesse du vivre ensemble. Je pense qu’il s’agit d’une tendance portée par toute l’Eglise qui est d’apprendre progressivement à moins « faire pour » mais à « faire avec ». Chacun a besoin d’aimer et d’être aimé, de donner et de recevoir. Nos relations sont appelées à être réciproques. Il s’agit d’un chemin de conversion.
Au-delà des appartements partagés, vous développez d’autres actions qui sont autant d’occasion de vivre le même esprit de rencontres et d’amitié…
Nous organisons des repas partagés le dimanche pour les personnes isolées, rue de Vaugirard. Cette journée qui devrait être un jour de fête peut devenir une épreuve. Il me parait important que les paroisses couplent la liturgie avec des actions de solidarité. Nous préparons également des séjours de vacances en dehors de Paris ainsi que des pèlerinages et des retraites spirituelles. Nous aimons faire découvrir l’immense richesse de l’Eglise à travers la diversité des communautés religieuses et des lieux d’accueil.
L’association existe depuis maintenant onze ans. Quelle nouveauté avez-vous mis en place ?
Nous avons créé une équipe de travailleurs sociaux qui accompagne les personnes en situation de précarité dans leurs projets personnels, professionnels tant en termes de recherche d’emploi que de démarches de soins, d’aide à la régularisation ou encore de recherche de logements plus adaptés.