Voices of Faith : les femmes donnent de la voix au Vatican
A l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme, le 8 mars 2017, le Vatican a accueilli, pour la quatrième année consécutive, une manifestation intitulée « Voices of Faith » (Voix de Foi). « Remuer les eaux. Rendre possible l’impossible », c’était le thème choisi cette année par les trois entités organisatrices : la Fondation Fidel Götz, le Service Jésuite des Réfugiés (JRS) et Caritas Internationalis. La rencontre s’est déroulée dans un des lieux les plus prestigieux et élégants du petit Etat, la « Casina Pio IV », siège de l’Académie pontificale des Sciences et trésor de l’architecture du XVI° siècle, situé dans les jardins du Vatican. Romilda Ferrauto a assisté à la manifestation.
Mireille avait trois ans à l’époque du génocide rwandais, en 1994. Sa famille a été décimée. Aujourd’hui, elle est médecin au Malawi. Le 8 mars, au Vatican, elle a raconté son histoire devant un parterre de diplomates et de journalistes, mais surtout de femmes engagées, laïques et religieuses. De sa voix douce et posée, elle a retracé la succession des deuils, les longues marches, pieds nus, sur l’asphalte brûlant, ses déplacements d’un pays à l’autre – RDC, Angola, Zambie, Malawi…- à la recherche d’un refuge ; elle a décrit la faim, les viols, les bêtes sauvages, le manque d’eau potable. Elle se dit certaine que si Dieu l’a maintenue en vie, ce n’est pas que pour elle-même, mais pour qu’elle aide les autres. « Voilà mon histoire, mais il y a beaucoup d’autres Mireille », a-t-elle assuré.
Pour sa quatrième édition, « Voices of Faith » a fait salle comble, ce 8 mars. La manifestation a commencé par l’ »Ave Maria » de Gounod interprété par un ensemble composé entièrement de femmes. Une manifestation rassemblant un panel de chrétiennes exceptionnelles qui ont choisi de ne pas baisser les bras en dépit des adversités. Parmi elles : Nagham et Shadan, deux enseignantes syriennes, qui ont traversé la Méditerranée à bord d’un canot pneumatique. Réfugiées en Belgique, elles aident les enfants rescapés de la guerre à gérer leur stress. Elles comprennent la réticence des Européens à ouvrir leurs frontières aux immigrés ; elles comprennent la peur du terrorisme entretenue par les médias. Mais elles invitent les gens à prendre le temps de mieux connaître les nouveaux venus et à se libérer de leurs préjugés.
Ce qui fait la différence, c’est la prière
Une jeune australienne, Stéphanie, a raconté pour sa part comment l’histoire d’une Cambodgienne de dix ans, vendue sur le marché du sexe, avait changé sa vie. Grâce à de nombreuses initiatives, dont des collectes de fonds sur Internet, elle a pu ouvrir, dans la région Asie-Pacifique, cinq centres d’accueil pour les femmes et les enfants victimes de la traite. Stéphanie s’efforce de sensibiliser les jeunes, la « génération selfie » ultra narcissique et exhibitionniste ….. et « ça marche ! », dit-elle. Marguerite Barankitsé, la « Jeanne d’Arc des temps modernes », continue quant à elle à se battre, à coups de compassion, contre les injustices et la barbarie mais aussi contre l’indifférence. « Un chrétien n’est jamais orphelin », assure-t-elle avant d’ajouter : « Nous avons suffisamment d’amour dans nos cœurs pour refuser la fatalité ». Son secret : une confiance triomphante dans la Providence.
Autre célébrité : sœur Simone Campbell, directrice des « Nuns on the Bus », ces religieuses américaines qui ont traversé les Etats-Unis en bus pour plaider la cause des immigrés. Sœur Simone rêve d’apporter la doctrine sociale de l’Eglise à l’intérieur du Capitole, siège du Congrès, le pouvoir législatif des Etats-Unis.
Et puis il y a Flavia une avocate indienne qui offre une assistance juridique aux femmes victimes de violences domestiques ou abusées sexuellement au sein de leur famille. La plupart de ces femmes militantes, invitées à prendre la parole au cours de la manifestation, avouent avoir été considérées comme folles. « Ce qui fait la différence, affirme Scilla, c’est la prière ». Pacifiste britannique, Scilla lutte contre le commerce des armes et la prolifération nucléaire.
Les femmes veulent participer aux processus de décision
Mais c’est un homme, le Supérieur général de la Compagnie de Jésus, qui a mis le doigt dans la plaie en relevant que la pleine participation des femmes à la vie de l’Eglise, pourtant souhaitable, ne s’est pas encore réalisée. Dans son intervention, le Père Arturo Sosa, S.J., a invité les femmes à avoir le courage de changer les choses. Rien n’est impossible à Dieu, a-t-il rappelé, évoquant le « Fiat » de la Vierge Marie. Le Supérieur des Jésuites a travaillé pendant dix ans à la frontière entre la Colombie et le Venezuela. Parmi les migrants, a-t-il témoigné, les femmes sont les plus vulnérables. Mais comme l’a souligné le pape François, les femmes sont généralement plus courageuses que les hommes.
Bref, le message est clair : il faut que la voix des femmes puisse être entendue. « Le silence encourage ceux qui nous tourmentent », a lancé une des organisatrices. Les femmes ne veulent pas être seulement des victimes. Elles veulent construire la paix avec les armes de l’amour. Elles veulent s’asseoir à la table des négociations et participer aux prises de décision. L’expérience prouve, relève-t-on, que lorsque les femmes sont associées au plus haut niveau, les résultats sont meilleurs. Leurs vertus ? Elles sont énoncées, avec un brin d’humour, au cours d’une table ronde : l’écoute, le respect de l’autre, l’interconnexion, la compassion conjuguée avec l’action…mais aussi la joie, la curiosité ….Dommage que les femmes n’aient pas davantage de responsabilités dans l’Eglise catholique, ajoute une des participantes, d’abord parce qu’elles le méritent, mais aussi et surtout parce que cela ferait du bien à l’Eglise elle-même. Et puis, c’est connu : quand les femmes bougent, c’est le monde qui bouge !
Romilda Ferrauto est journaliste accréditée auprès du Saint-Siège