Pédophilie : Vers une meilleure prise en compte des victimes
Tout individu victime d’abus sexuels de la part d’une personne en lien avec l’Eglise peut désormais prendre contact au niveau national, comme au niveau local. A l’occasion de la sortie d’une nouvelle édition du guide Lutter contre la pédophilie, Mgr Luc Crepy, évêque du Puy, responsable de la Cellule permanente de lutte contre la pédophilie (CPLP), fait le point.
Où en sont les évêques de France dans la lutte contre la pédophilie dans l’Eglise ?
Lorsqu’une victime veut faire un témoignage, elle peut désormais le faire au niveau national et au niveau local. La création de la Cellule permanente de lutte contre la pédophilie (CPLP) a été annoncée en avril 2016, avec pour objectifs la prévention et l’information. Un dispositif a été mis en place pour l’accueil et l’écoute des victimes, au niveau national, avec l’adresse paroledevictime[at]cef.fr et le site http://luttercontrelapedophilie.catholique.fr/. Une laïque, Madame Ségolaine Moog, a été recrutée, à temps complet, pour être la déléguée de la Conférence des évêques de France dans la lutte contre la pédophilie. Lorsqu’une victime révèle ce qu’elle a vécu, nous le relayons immédiatement à l’évêque du lieu et nous nous assurons que toutes les démarches nécessaires auprès de la justice soient faites. Nous assurons l’accompagnement des diocèses.
Au niveau local, des cellules sont progressivement constituées par les diocèses, des personnes référentes nommées. Par exemple, la cellule de Montpellier, en étroite collaboration avec le CHU, travaille avec des associations qui interviennent auprès d’auteurs de violences et de victimes.
Les évêques ont pris conscience du lourd silence qui pesait dans l’Eglise. Je l’ai souligné dans mon homélie à Lourdes, pendant l’Assemblée plénière, en novembre 2016.
La Commission nationale d’expertise indépendante, présidée par Alain Christnacht, est à la disposition des évêques qui le souhaitent et travaille sur les situations de prêtres ayant été condamnés.
Comment la CPLP travaille-t-elle ?
La CPLP se réunit tous les deux mois. Elle mène un travail d’accompagnement des cellules et structures locales. Début décembre 2016, 80 personnes ont participé à une journée de formation, en présence de quelques victimes. Nous organiserons, en mai 2017, une rencontre avec les formateurs de séminaires.
La CPLP répond aussi à des demandes de formation, en particulier de prêtres, dans les diocèses ou les séminaires, pour des sessions de prévention. La Cellule va poursuivre sa collaboration avec les mouvements éducatifs, comme le scoutisme. Nous sommes aussi en lien avec des associations de victimes.
Lors de la session de formation des nouveaux évêques, en janvier, cette question de la pédophilie a été traitée.
Une nouvelle édition du Guide Lutter contre la pédophilie sort le 27 janvier ?
Par rapport à l’édition de 2010, le Guide Lutter contre la pédophilie a été enrichi et mis à jour (textes législatifs, bibliographie), avec toujours le souci d’une meilleure prise en compte des victimes. Une enquête, réalisée fin 2016, donne des chiffres qui permettent de voir la gravité de la situation. Cela justifie que nous poursuivions la lutte contre la pédophilie et la prévention. Les nouveaux chiffres disponibles aujourd’hui concernent les signalements effectués (137) et le nombre de victimes qui se sont manifestées (222). 9 clercs sont actuellement écroués.
Quel suivi pour les prêtres ayant accompli leur peine ?
C’est une question délicate, qui implique du cas par cas. La réflexion est en cours. Aujourd’hui la justice civile et le Saint-Siège demandent un travail important sur les personnes, assorti de mesures conservatoires. Elles ne doivent plus être en contact avec les enfants et les jeunes. Notre rôle est d’abord d’éviter tout risque de récidive en cherchant une activité qui leur permette de reprendre pied dans la société d’une manière plus équilibrée. Il faut être très exigeant sur le travail de suivi après la peine et très attentif à l’accompagnement humain des prêtres. La solution pour l’Eglise n’est pas de les abandonner. Sinon, ce n’est pas un service que l’on rendrait à la société.
Comment vivez-vous cette responsabilité ?
L’Eglise reconnaît que ses responsables ont commis des erreurs. Mais il reste encore du travail pour une plus grande prise de conscience de la souffrance et des dommages vécus par les victimes. J’ai moi-même cheminé depuis que j’ai rencontré des victimes. Le souci des victimes est déjà beaucoup plus explicite.
Personnellement, j’ai travaillé sur les questions de morale sexuelle et familiale, en particulier avec le prêtre et théologien moraliste Xavier Thévenot, salésien de Don Bosco. Formateur de séminaire, j’ai animé des sessions sur la question « Affectivité-sexualité-célibat ». Je pense que, dans la formation des séminaristes, la question de la pédophilie doit être située dans l’horizon plus large d’une réflexion sur le sens de la sexualité, sur l’équilibre de vie dans le célibat, sur une prise de conscience – que l’on n’a pas suffisamment faite dans l’Eglise – des mécanismes psychiques de l’être humain, sa structuration psycho-sexuelle. L’enjeu est de permettre aux futurs prêtres d’inscrire un regard lucide et critique sur ce qui les travaille dans le domaine de l’affectivité et de la sexualité. C’est-à-dire, d’être lucide sur la manière dont chacun est construit, avec ses forces et ses fragilités.
On parle aussi de la chasteté qui pourrait être définie comme : « La juste distance à l’autre ». Le Guide rappelle que la relation entre un adulte et un jeune ne doit pas être sexualisée. La relation à l’enfant doit toujours demeurer une relation d’adulte-éducateur, sans érotisation. La distance avec tel jeune ne sera pas la même avec tel autre. Il ne faut pas que l’enfant devienne un objet. Avec l’un, une attitude sera plus affectueuse parce que la relation est juste. Ceci est valable pour toute la société, pas seulement les prêtres !
Les membres de la Cellule permanente de lutte contre la pédophilie
Mgr Luc Crepy, évêque du Puy, responsable de la CPLP, Mgr Jacques Blaquart, évêque d’Orléans, Mgr Joseph de Metz-Noblat, évêque de Langres, Frère Gabriel Villa-Real Tapias, mariste, Geneviève de Taisne, psychanalyste et criminologue, Grégoire Etrillard, avocat, et Ségolaine Moog (photo), déléguée de la Conférence des évêques de France.