Mgr Lebeaupin : « Il est très important que l’Union européenne se rende compte de ce qu’est l’Eglise »

S. Exc. Mgr Alain LebeaupinNonce apostolique auprès de l’Union Européenne à Bruxelles, Mgr Alain Lebeaupin sera à Strasbourg pour la visite du Pape François au Parlement européen, le 25 novembre 2014. Il explique les attentes que suscite la parole du Pape sur l’Europe, ainsi que sa mission de Nonce et ses enjeux.

Que suscite la venue du pape François au Parlement européen ?

Le Pape a accepté l’invitation du Président Schulz. Elle a été lancée dès son installation, avec le soutien de Monsieur Barroso, Président de la Commission européenne jusqu’à début novembre. Les trois présidents avaient manifesté au Saint-Père leur désir de voir le Pape visiter les institutions européennes [Conseil européen, Parlement européen et Commission européenne, NDLR]. Cette visite est très attendue. Le Pape est extrêmement populaire au niveau du Parlement européen. Beaucoup se demandent ce qu’il va dire sur l’Europe. Il y a un grand intérêt, en même temps une curiosité et une très grande bienveillance de la part des parlementaires, en général. Je n’ai rien entendu de négatif.

Beaucoup s’interrogent sur ce qu’un Pape non-européen peut dire sur l’Europe. Le Pape est le chef de l’Eglise catholique, qui est universelle par définition. Et par conséquent, la vision que le Pape a de l’Europe dépasse son point de vue personnel. C’est celle de l’universalité, de la place de l’Europe dans le monde, de ses responsabilités.

En quoi consiste votre mission auprès de l’UE ?

Les relations diplomatiques entre l’Union Européenne et le Saint-Siège ont été établies en 1970. D’ailleurs, le Nonce est le doyen du personnel diplomatique accrédité auprès de l’UE. Il s’agit d’une nonciature apostolique, non pas une Mission d’observation : cela n’a rien à voir avec ce qui est à New York, à Genève ou à Strasbourg auprès du Conseil de l’Europe qui est une institution internationale. L’UE est une union d’Etats. Ce n’est pas du tout la même chose. Ma mission est d’établir beaucoup de relations, avec les différentes institutions de l’UE et à différents niveaux – commissaires, directions générales – soit avec le Conseil européen, présidé par M. Van Rompuy, soit avec le Parlement européen de M. Schulz. Nous traitons un certain nombre de questions. Certaines concernent à la dimension intra-européenne : tout ce qui va dans la construction de l’intégration européenne et du projet européen, comme institution définie par le Traité de Lisbonne présentement mais aussi comme ce désir d’intégration européenne. Nous suivons beaucoup ce qui peut être décidé ici et qui touche à la compétence de l’UE. De nombreuses questions de société n’en relèvent pas mais sont de compétence nationale. Mais il y a des sujets de dimension sociale et économique pour lesquels, en tant que représentant du Saint-Siège, j’ai l’occasion de pouvoir échanger et de rappeler la « centralité » de la personne humaine dans l’économie et dans l’ensemble de la structure sociale. Depuis le Traité de Lisbonne, l’UE mène une action à l’extérieur de ses frontières extrêmement importante : aide au développement, aide humanitaire et dans les processus de paix dans les différentes parties du monde. Bien entendu, je suis particulièrement en relation avec le service extérieur de l’Union européenne. Nous partageons idées et préoccupations.

Ma fonction est une fonction diplomatique classique, semblable à celle du Nonce apostolique en France dans ses relations avec les autorités françaises. Il n’est pas nécessaire que tout soit sur la place publique. Mais il est très important que l’Union européenne se rende compte de ce qu’est l’Eglise. Pour l’aspect « affaires intérieures » de l’UE, je travaille en étroite collaboration avec le COMECE (Commission des Episcopats de la Communauté Européenne) où sont représentés tous les épiscopats des Etats membre. Cela me permet de montrer aux institutions européennes que l’Eglise est fortement présente dans l’Union européenne même. Elle a des structures au niveau de l’éducation, de la santé, de l’aide sociale, par exemple. On s’en rend bien compte en cette période de crise où dans certains pays, comme l’Espagne, les structures caritatives ecclésiales jouent un grand rôle. L’Eglise est directement en contact avec le peuple européen. Quelques fois, on pense que l’Eglise a perdu une certaine audience, par rapport à il y a 50 ans ou 60 ans. Beaucoup de choses ont changé sur ce plan là en Europe. Mais il demeure important pour l’Union européenne de se rendre compte que les Eglises et les confessions religieuses ont un rôle extrêmement important pour le peuple européen. Le Parlement européen représente les peuples européens. L’Eglise catholique aussi est présente sur le terrain, à travers les croyants. C’est ça qui est très important.

Et lorsque l’on parle d’action extérieure, c’est la même chose. Le Saint-Siège entretient un réseau diplomatique très important, notamment en Afrique – j’ai été Nonce au Kenya pendant 8 ans – où la réalité ecclésiale est très forte. Sur l’aide au développement ou l’aide humanitaire, nous pouvons partager des préoccupations communes.

Quel bilan personnel faites-vous après deux ans dans cette mission ?

J’ai établi beaucoup de contacts personnels. Dans cette mission, je me suis rendu compte qu’il y a beaucoup de préoccupations communes, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur. Par conséquent, il existe un souci des deux côtés, soit du Saint-Siège soit de l’Union européenne, d’améliorer les relations car il y a beaucoup de choses sur lesquelles nous pouvons collaborer et aider à faire en sorte que la société européenne actuelle corresponde un peu plus aux valeurs véritables de l’Europe.

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