Dr Galichon : « Nous surveillons de près la révision de la loi Léonetti »
Le Centre catholique des médecins français (CCMF) célèbre, cette année, ses 130 ans et la Fédération européenne des associations de médecins catholiques (FEAMC) ses 50 ans. Rencontre avec le docteur Bertrand Galichon, président du CCMF. Par Florence de Maistre.
À quelles grandes évolutions le CCMF est-il confronté ?
La démographie des médecins -présence chrétienne moins importance, féminisation de la profession, etc.-, l’enseignement et l’exercice de la médecine ont été bouleversés. Bon nombre de médecins ont très mal reçu l’encyclique Humanae vitae (1968). Ils ont refusé de se reconnaître catholiques au niveau professionnel. Une césure s’est produite. La vitalité et la participation au CCMF en ont été affectées. De nouvelles questions se sont présentées. Au début des années 80, la revue Médecine de l’Homme, publiée par le CCMF, était le lieu d’une réflexion éthique avec un regard chrétien. Aujourd’hui l’éthique fait partie de notre réflexion, mais nous proposons surtout un trait d’union entre vie de foi et vie professionnelle. Notre profession, notre rapport à la réalité même triviale, amende notre foi. La foi nourrit notre quotidien, essentiellement dans la relation à l’autre que nous développons, plus que dans la technique ou les examens que nous pratiquons.
À quelles initiatives le CCMF participe-t-il ?
Nous développons de plus en plus de liens avec nos homologues européens et à l’international. Avec notre aumônier, le P. Jacques Faucher, et à la suite de Diaconia 2013, nous avons créé la Conférence chrétienne des associations de professionnels dans la santé (CCAPDS). Nous partageons les mêmes réflexions avec le même souci du patient. Il y a dix ans, l’idée d’une messe pour célébrer la saint Luc [saint patron des médecins et des services de santé fêté le 18 octobre, NDLR] a été lancée. Elle a rassemblé 250 personnes ! Depuis, elle est célébrée dans une trentaine de lieux différents sous l’égide de la Pastorale de la santé, du CCMF ou autre. Souvent associée à un temps de conférence et de convivialité, elle permet de rejoindre des jeunes, des infirmiers, des administratifs hospitaliers, des médecins de la sécurité sociale, etc. Nous prions personnellement et ensemble, nous nous reconnaissons comme chrétiens : c’est une belle aventure ! Enfin, le CCMF s’investit dans les nouveaux supports de communication. J’anime en son nom le blog « Chronique d’une blouse blanche » sur le site de La Croix. Nous réfléchissons à la création d’une page plus interactive pour rendre notre parole plus accessible et plus audible.
Quels sont vos points d’attention pour les mois à venir ?
Nous surveillons de près la révision de la loi Léonetti. Elle répond déjà à la quasi-intégralité des situations qu’un médecin vit au quotidien. L’histoire humaine, dramatique, de Vincent Lambert est tout à fait exceptionnelle. Chaque côté du dossier se trouve sur le fil du rasoir. Celle du Dr Bonnemaison est extrêmement difficile. Mais en le graciant, on nie le geste, on accepte que la loi ne soit pas appliquée. L’émotion fait loi. En fait, la loi Léonetti doit être enseignée ! Je me suis rendu compte auprès de mes internes que sur 11 ans d’études, deux heures seulement sont consacrées aux soins palliatifs et à la fin de vie. Ça en dit long. Toutes les questions posées par la destruction de la notion de famille, les problèmes de filiation, sont des réflexions qui intéressent les médecins aussi. Nous préparons le prochain numéro de Médecine de l’Homme sur le « transhumanisme ». Les médecins sont les chevilles ouvrières de ces nouvelles postures. Autre temps fort : nous participerons, début octobre, au congrès de la Fédération internationale à Manille (Philippines). Trois cents médecins du monde entier y sont attendus. Le Dr François Blin partagera son témoignage et l’histoire de la FIAMC. J’interviendrai sur le soin, entre sciences et humanisme. Et puis les équipes locales vont reprendre leurs rencontres. Souvent, les médecins hésitent à s’afficher comme chrétiens. Or, ils sont nombreux à avoir de belles choses à dire et à partager. Nous portons une lourde responsabilité.