En maraude avec les jeunes de la SSVP
La période estivale est l’occasion pour beaucoup de partir en vacances et profiter d’un temps de repos. Mais c’est aussi un moment où les personnes fragilisées sont encore plus isolées. La Société de Saint-Vincent-de-Paul (SSVP) veille à l’accueil et l’accompagnement des personnes âgées, des familles et des personnes de la rue durant toute l’année et surtout durant l’été. Parce que la pauvreté, l’isolement et la solitude ne prennent pas de vacances les bénévoles s’efforcent de rester mobilisés. Rencontre avec la Conférence Jeune de la SSVP du 12ème arrondissement de Paris. Par E. Nghiap.
Ils sont sept à être rassemblés à l’église du Saint-Esprit et chacun s’affaire à préparer les sacs pour la maraude. Tous les mardis, ils sont une petite dizaine ou plus, à rencontrer les SDF en soirée pour leur proposer à manger, à boire et peut-être discuter. L’ambiance est amicale et joyeuse. Les maraudes ont tissé des amitiés entre eux. Un temps de prière est pris pour confier les maraudeurs et les personnes isolées avant le départ pour les missions de la soirée. Selon le nombre, ils se répartissent différentes zones des quartiers voisins par groupe de deux ou trois. Emma et Agnès choisissent de descendre une partie de l’avenue Daumesnil. Chargées d’un thermos d’eau chaude et d’un sac contenant du café, des soupes, quelques biscuits et des petites conserves, elles partent à la rencontre des personnes de la rue.
En chemin, elles expliquent le principe de la maraude. Dans un premier temps, les bénévoles proposent à manger aux personnes démunies. Mais la maraude n’est pas qu’une distribution alimentaire. Le geste est aussi une sorte de prétexte pour ouvrir la discussion. C’est un moyen de savoir comment vont les personnes, de parler avec eux de différents sujets, mais aussi de savoir s’ils ont besoin d’aide pour éventuellement appeler les services compétents qui les prendront en charge. Mais chaque situation est très différente. Certains ne voudront pas parler. D’autres ne voudront pas à manger mais accepteront de discuter un peu. Parfois il faut insister un peu et la parole se libère. Dans d’autres cas, le dialogue a été l’histoire d’un travail de longue haleine. Agnès raconte le temps qu’il a fallu pour réussir à établir un lien avec Nadine. Au début, cette dame ne voulait recevoir aucune aide de la part des jeunes de la SSVP, encore moins discuter. Petit à petit, les rencontres se faisant habituelles, quelques mots se sont échangés autour d’un gobelet de soupe. Désormais, toutes les semaines, Nadine attend la visite des maraudeurs et pour eux, il serait impensable de manquer ce rendez-vous. Elle ne parle pas beaucoup mais elle écoute et retient ce qu’on lui dit. Pour Emma et Agnès, ce sont des moments comme ceux-là qui donnent la force de persévérer et de continuer les maraudes.
Dépasser la barrière de la langue
Cependant, les maraudeurs font souvent face à une difficulté plus grande que le refus de parler : la barrière de la langue. Pour les sans-abris étrangers, la compréhension du français est souvent très approximative. L’anglais, l’italien, l’espagnol ou l’allemand se révèlent parfois utiles mais bien insuffisants face aux langues d’Europe de l’Est. « Dans cette situation, il est difficile de discuter avec ces personnes ou même de les conseiller pour les démarches administratives » témoigne Emma. Elle plaisante : « C’est vrai que si on avait quelques interprètes avec nous, ça nous faciliterait la tâche ». Mais derrière le ton humoristique de la phrase, l’appel et le besoin sont réels. La maraude continue. Alors qu’Emma et Agnès discutent avec André, un « habitué » de ces visites hebdomadaires, deux hommes s’approchent pour demander de l’eau. Ils se disent Espagnols mais leur façon de parler laisse un doute. Agnès pense qu’ils sont Roumains et, comme beaucoup de leurs compatriotes, ils préfèrent se dire Espagnols par peur de discrimination et de violences à leur encontre. L’un d’eux raconte qu’il souffre à la mâchoire depuis une altercation avec les forces de l’ordre. Malgré les conseils des deux bénévoles, il refuse d’aller voir un médecin. Il repartira avec son compagnon avec une soupe et quelques brèves paroles.
La maraude de ce soir-là se terminera par la rencontre inattendue avec Jean-Charles. Courte mais joyeuse. Le sac est presque vide, il ne reste plus grand-chose à manger. Il rit : « Ce n’est pas grave, je prendrai ce qu’il y aura ». Il raconte ses mésaventures à cause de la pluie durant les semaines passées. Les cartons qu’il avait mis de côté ont pris l’eau. Alors, il explique comment il en a trouvé d’autres et les a « bricolés ». Il poursuit en parlant du Tour de France qu’il suit assidûment sur sa radio. Il lance ses pronostics : peut-être y aura-t-il un Français qui décrochera l’étape sur les Champs-Élysées. Bien évidemment, il sera sur place pour le voir de ses propres yeux. Sa bonne humeur et son enthousiasme sont communicatifs. Sur le chemin du retour, Emma et Agnès confient que ce sont ces rencontres qui font retrouver le sourire et donnent envie de revenir les semaines suivantes.
La Société de Saint-Vincent-de-Paul
Fondée 1833 par Frédéric Ozanam, la Société de Saint-Vincent-de-Paul est une association catholique caritative de laïcs, reconnue d’utilité publique. Présente dans 148 pays, elle est au service des personnes seules ou démunies. Ses bénévoles agissent en équipe fraternelle, appelée « Conférence », et initient des actions locales ciblées. Ces Conférences œuvrent de manière autonome, sont coordonnées par un Conseil Départemental et guidées par une Règle Internationale. Elle fédère 92 Conseils Départementaux et 34 Associations Spécialisées.