Aumôneries catholiques : des lieux missionnaires

Instaurée dans l’enseignement public par Napoléon Bonaparte en 1802, lorsqu’il a créé les lycées, de façon à donner aux élèves accès à l’éducation religieuse, l’aumônerie reste, en 2009, un des lieux missionnaires de l’annonce de l’Evangile.
« Nous sentons de plus en plus qu’existent deux publics : des jeunes catéchisés de parents traditionnellement croyants, plus ou moins investis dans la vie de l’Eglise locale et d’autres jeunes en recherche, venus soit de leur propre initiative soit amenés par leurs amis », déclare Claire Escaffre, secrétaire nationale de l’Aumônerie de l’Enseignement public au Service national de la Conférence des évêques de France pour l’évangélisation des jeunes, scolaires et étudiants. Un chiffre est révélateur : le baptême, l’an dernier, dans des aumôneries, de 1500 jeunes. « Cette réalité est de plus en plus importante. Ce n’est pas facile et en même temps il est intéressant que des jeunes, chrétiens depuis l’enfance, sachent dire leur foi, eux-mêmes se trouvant réveillés par la manière nouvelle dont l’expriment leurs camarades. Il y a là un ensemencement réciproque ».

Aujourd’hui, en France, près de 100 000 jeunes fréquentent environ 2000 aumôneries et près de 10 000 animateurs les accompagnent, missionnés par leurs diocèses : des couples trentenaires, des parents en retraite, des jeunes adultes, des prêtres et religieuses.

« L’un des services qu’on peut rendre aux jeunes, explique Claire Escaffre, est de les aider à tisser des liens, hiérarchiser, faire leur miel des différentes formes de savoirs dans lesquels ils évoluent (les amis, la famille, l’école, les médias et particulièrement internet), ceci afin de se construire. Nous sommes attentifs à tout ce qui fait leur quotidien en essayant de les rendre acteurs de leur vie ». Chaque aumônerie a, bien entendu, une histoire, un visage, une identité propre. Le fonds commun, c’est l’articulation de cet accompagnement « dans l’ordinaire des jours de leur univers scolaire et familial, via des rencontres la plupart hebdomadaires, et l’extraordinaire des temps forts qui revivifient et élargissent ces petits groupes à une dimension plus vaste.».

« Je suis très frappée, ajoute encore Claire Escaffre, par la façon dont les aumôneries sont impliquées dans des projets caritatifs ouvrant à l’universel, ainsi qu’à la connaissance du monde et de l’Eglise. Aujourd’hui, on sent un véritable goût chez eux de la prière et de la parole de Dieu. L’enjeu, c’est de leur témoigner comment la foi est reliée en profondeur à tout le reste».

 

A Créteil, permettre le mixage socio-culturel

 
Bérangère Guyot, enseignante en CM1 dans une école privée catholique, est contente de partager un autre-mi temps en tant que déléguée du diocèse des aumôneries de l’enseignement public. Son défi : parvenir à insuffler un esprit communautaire dans ce département-mosaïque de plus de quarante nationalités.
 
« Avoir une population bigarrée donne des façons de faire bigarrées car chaque aumônerie, rappelle Bérangère Guyot, est unique dans son nombre, son public, sa pastorale. Elle a la couleur de son responsable et du lieu où elle est implantée ». Dans une ville, ce sera la tradition de camps à l’abbaye du Mont Saint-Michel et à Rome, ailleurs un « Accueil pâtes » où, le temps du déjeuner, parents, animateurs et enseignants sont au service des jeunes, « ce qui permet un certain vivre ensemble sans aller jusqu’à l’intergénérationnel ».

Permettre la communion ecclésiale diocésaine dans ce contexte reste délicat. Afin « de créer un esprit communautaire » -C’est l’une de ses priorités- Bérangère organise donc quatre fois par an des rencontres annuelles partage/convivialité/prière avec les responsables, ainsi que des soirées pour les animateurs avec l’évêque. Et pour soutenir les groupes, elle leur rend souvent visite, avec son équipe de bénévoles.

De même à travers les activités communes proposées telles que la participation au FRAT d’Ile-de-France, il ne suffit pas de réunir des jeunes de familles de cadres et d’autres en précarité, des adolescents de cités et de pavillons, des Polonais et des Antillais, « sinon les uns restent à côté des autres comme au lycée. La rencontre, il faut la travailler en organisant par exemple des jeux de connaissance, des débats, des vrais temps de partage et d’écoute ». Il est arrivé, au cours d’une marche qui a eu beaucoup de succès, que les participants ne se croisent pas vraiment. Par contre, l’an dernier, bien que neuf jeunes seulement aient participé au pèlerinage diocésain, « on a réussi, se réjouit-elle, un vrai mixage socio-culturel ». Bérangère garde précieusement ce petit mot manuscrit : « J’ai aimé voir notre groupe évoluer dans la solidarité, l’amitié et la fraternité ».

Elle espère revivre cette « belle expérience fraternelle et spirituelle » à Taizé. Les communautés monastiques lui semblent spécialement adaptées à ces jeunes « prêts à vivre d’authentiques expériences d’Eglise, de fraternité et de prière car eux-mêmes sont vrais».

Le recrutement d’animateurs pour ces tranches d’âge reste difficile. Elle-même mère de trois grands jeunes (de 15 à 20 ans), Bérangère Guyot ajoute que « si les codes de fonctionnement de cette génération ont changé, le fonds est le même. « Il faut, dit-elle en clin d’œil, dépasser la mèche et le piercing… ».

 

Quand les aumôneries se ressourcent à Rome

Dans le diocèse d’Auch, Dominique Fournet entame son deuxième mandat en tant que responsable de l’aumônerie de l’enseignement public. Un lieu auquel cette mère de 4 grands jeunes de 16 à 24 ans, consacre avec bonheur quasiment tout son temps en dehors d’un mi-temps de salariée comptable.
« Depuis deux-trois ans, nous faisons l’effort d’établir des ponts entre la fin du CM2 et la 6ème pour donner aux enfants, par avance, le goût de venir à l’aumônerie. En leur projetant des petits films, en les invitant à visiter nos locaux ou en organisant une séance de catéchisme à notre façon. Mais si, pour cette rentrée 2009, nous sommes déjà sur les rails, c’est surtout grâce au pèlerinage -c’était davantage qu’un voyage ou une sortie culturelle- vécu à Rome du 12 au 18 avril dernier.

Nous sommes partis à 7 cars, soit 363 personnes, en partenariat aumônerie de l’enseignement public/enseignement catholique/communautés paroissiales. Le fait qu’il y ait un tiers de chaque a permis de créer des liens ainsi qu’un terreau commun. Tout le monde a mis la main à la pâte et s’est senti revigoré.

Des jeunes ont expérimenté des temps forts qu’ils ne vivent pas forcément en mini groupes en milieu rural, d’autres se sont initiés à la prière quotidienne. Cette génération qui a peu de racines avec l’Eglise et n’en comprend pas toujours les gestes et les paroles, a découvert les premiers chrétiens, le sens du rite du baptême, le pourquoi de l’architecture religieuse, etc. Les prêtres sont rentrés épuisés mais heureux d’avoir pu écouter et dialoguer en profondeur. Les animateurs (44 dont une dizaine entre 25 et 35 ans) ont réalisé que les familles s’intéressaient à leur travail. Une trentaine de parents se sont impliqués. Le but du pèlerinage était de donner une visibilité à l’aumônerie et de prouver qu’accompagner des adolescents n’est pas insurmontable. Aujourd’hui, nous sommes sur cette dynamique. Toutes les équipes ont des projets et le calendrier est établi : une semaine à Taizé pour les lycéens, un rassemblement provincial à Lourdes pour les 4èmes-3èmes et un week-end à Rocamadour pour les 6èmes-5èmes. J’espère que cet état d’esprit va perdurer ».

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