Les jeunes et l’alcool : l’Église en alerte

binge_drinking

Face aux dérives chez certains jeunes, des acteurs d’Église tentent de mobiliser les consciences face aux dangers d’une consommation d’alcool excessive.

Début juin 2010. Soirée d’aumônerie à Choisy-le-Roi, en banlieue parisienne. « Ce soir, on va parler alcool, annonce Jean-François Moll, le responsable, devant une assemblée composée d’une trentaine de lycéens. Si souvent festif, il arrive portant parfois que cela dérape. Quel sens a l’alcool pour vous ? Est-ce quelque chose qui vous pose question ? » Malgré la gêne liée au sujet, les jeunes répondent avec sincérité. On parle de « paris », de « celui qui boit le plus », on se souvient de l’ivresse de copains après une quinzaine de verres de vodka. Progressivement, les lycéens se livrent un peu sur leur propre rapport à l’alcool, cherchant parfois à le minimiser.  » En soirée, je bois trois ou quatre verres de kir, indique une jeune fille. C’est tout ! »

Constat similaire près de Nantes. La rencontre-débat organisée fin avril par le Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC) autour de la thématique « l’alcool, tous concernés » accouche des mêmes réponses. « A 17 ans, on a déjà pris plusieurs cuites » ; « On commence par la bière et on continue avec de l’alcool fort… »

Informer, ne pas moraliser

La problématique de l’alcool chez les jeunes n’est pas nouvelle. Elle s’inscrit aujourd’hui sur fond d’apéros géants lancés sur le réseau social « facebook », de fêtes parfois trop alcoolisées aux conséquences graves : ivresse, incidents divers allant parfois jusqu’à la mort comme à Nantes, en mai 2010. Ces dérives inquiètent, notamment au sein de l’Église.  » La mort d’un jeune est toujours un drame, pour sa famille mais aussi pour nous. Ce rassemblement nous fait nous poser beaucoup de questions », écrit Mgr Jean-Paul James, évêque de Nantes, dans une lettre adressée, le 15 mai 2010, aux personnes en responsabilité auprès des jeunes.

Le diocèse de Créteil, lui, se mobilise face au « binge drinking ». Le phénomène d’alcoolisation rapide venu de Grande-Bretagne prend de l’ampleur en France. Il publie « Les jeunes et le binge drinking », fruit de deux années de travail du conseil pastoral diocésain. Ce document veut interpeller et offrir des pistes de réflexion aux parents, acteurs pastoraux et acteurs du monde de la santé.

L’alcool, la face visible d’un problème ?

A Nantes comme à Choisy-le-Roi, les jeunes ont été sensibles aux témoignages d’anciens alcooliques. Très souvent, ces adolescents ignorent les risques liés à la consommation d’alcool, comme la dépendance. Alors qu’elle veut sensibiliser au caractère destructeur des conduites à risque, la prévention doit-elle uniquement tenir compte du facteur alcool ? La question se pose. L’adolescence est un âge de recherche, de transgression mais aussi de vulnérabilité. Les jeunes justifient leur consommation d’alcool, parfois excessive, afin de ne pas « se sentir exclus et de faire comme tout le monde » ; de « se sentir plus libre, moins timide ». L’alcool peut alors masquer un mal-être.

Le Père Thierry Magnin, vice-recteur de l’Institut catholique de Toulouse, a accompagné la pastorale des jeunes pendant de nombreuses années. Il a notamment été confronté à la situation de jeunes alcooliques. « Certains ne s’aperçoivent pas qu’ils sont alcooliques, explique t-il. Souvent, le mal-être est tellement flou qu’on se focalise avant tout sur le problème d’alcool. Pourtant, le manque est au cœur de ce problème : un manque existentiel. »

 

Sur le même thème