Les Eglises d’Europe en marche pour la sauvegarde de la Création

Une cinquantaine de délégués des conférences d’évêques catholiques de quinze pays d’Europe sont partis en pèlerinage pour la sauvegarde de la création, à l’appel du Conseil des Conférences Épiscopales d’Europe (CCEE). Lancé le 1er septembre 2010 à la basilique d’Esztergom (Hongrie), ce pèlerinage a conduit évêques, prêtres et experts au sanctuaire autrichien de Mariazell, en passant par la Slovaquie.
Il s’agissait de déployer le message de Benoît XVI pour la journée mondiale de la paix, en 2010 : « Si tu veux construire la paix, protège la création ». Le choix était d’aller plus loin que les réflexions, les échanges intellectuels et les communiqués, en posant une action : un pèlerinage, qui symbolise l’itinéraire de réflexion, de formation et de conversion active, nécessaire à l’humanité pour relever le défi environnemental actuel.

Associer pèlerinage et travail de rencontre internationale n’était pas simple. Mais, pour beaucoup de participants, cette démarche s’est révélée féconde. Nous avons parcouru un morceau de l’Europe, trouvant à chaque étape un environnement différent, souvent très beau, et des interlocuteurs qui s’en préoccupent au nom de leur foi en Dieu Créateur. C’était comme une parabole de la solidarité universelle devant la création. Quinze évêques, venus des quatre coins de l’Europe ont participé à tout ou partie du pèlerinage, dont plusieurs présidents de conférence épiscopale nationale. Et la présence de frères protestants et orthodoxes, délégués par l’ECEN (réseau chrétien européen sur l’environnement), avec leur expérience déjà ancienne, a témoigné de l’œcuménisme de cette universalité. Ensemble, dans la proximité que favorise un pèlerinage, nous avons pu nous rencontrer, partager nos expériences et nos questions.

Travaillant et priant, dans un bateau sur le Danube, en parcourant la campagne slovaque, ou dans un train escaladant les alpes autrichiennes, nous expérimentions que la création se faisait notre « prochain ». Et la marche finale, sous la pluie, nous conduisait à Mariazell, en rassemblant la cinquantaine de délégués que nous étions avec des centaines d’autres pèlerins, dont deux cardinaux en chaussures de sport : L’Eglise était en marche. C’est riche de tout ce parcours que, dans l’eucharistie finale présidée par ces deux cardinaux maintenant coiffés de leur mitre, l’action de grâce au Créateur a pris toute son ampleur.
 

Deux représentants français

Nous étions deux délégués de la Conférence des Évêques de France : Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes et président de Pax Christi, comme président du groupe de travail des évêques sur « environnement et écologie », et Jean-Hugues Bartet, diacre, inspecteur général forestier en retraite, en tant que directeur adjoint chargé du département « environnement et modes de vie » à la Conférence des Évêques de France.

Nous avons découvert l’implication croissante des conférences épiscopales sur ces sujets. Dans beaucoup de pays, la conférence a publié une déclaration sur la sauvegarde de la création. Plusieurs conférences ont mis en place des commissions pour entreprendre des actions concrètes :

• Documents de travail sur les racines bibliques et théologiques de notre engagement en faveur de la création,
• Documents pour sensibiliser les chrétiens à cet aspect de leur foi,
• Propositions d’actions concrètes pour les diocèses, les paroisses ou les foyers (voir encadré).

Beaucoup ont reconnu que la difficulté commune est maintenant de mobiliser les communautés locales. A l’occasion d’une conférence de presse sur la formation à la sauvegarde de la création, le cardinal ghanéen Peter Turkson, nouveau président du Conseil pontifical Justice et Paix, a présenté les trois priorités pour l’Église catholique :

• Généraliser une formation sur ce sujet dans les séminaires,
• Créer un module dans toutes les universités catholiques pour présenter aux étudiants l’impératif de sauvegarde de la création,
• Développer des documents pour la sensibilisation des chrétiens.

Dans ses interventions, le cardinal Turkson a insisté sur le fait qu’il ne s’agit pas seulement de jouer les pompiers en trouvant des moyens pour éteindre les catastrophes que nous déclenchons. Il faut réfléchir à nos choix avant de les poser et prévenir les risques. C’est ainsi que nos propres modes de vie sont à réviser. L’exemple de la mobilité a été débattu. Comment favoriser des modes de vie qui demandent moins de mobilité ?
 

L’implication des chrétiens apporte une dimension originale

Les responsables politiques sont, bien sûr, concernés. Plusieurs sont intervenus pour se réjouir que l’Église catholique leur fournisse des éclairages ou des repères, et s’engage en faveur de l’environnement. L’un d’eux, ministre, a affirmé son intérêt d’opter pour le « développement » plutôt que pour la « croissance » et a rappelé que l’économie n’est pas l’art de faire du profit. De leur côté, les pèlerins, au nom des Églises d’Europe, ont tenu à marquer leur intérêt et leur soutien aux initiatives de la société favorable à l’environnement. Nous avons ainsi visité une usine traitant les huiles de friture usagées venues de plusieurs pays d’Europe, pour les recycler en carburant bio-diesel. Et nous avons célébré une eucharistie dans un centre d’information sur la forêt et le bois.

Cette démarche de pèlerinage est familière et profondément ancrée dans la tradition de l’Église catholique. Elle parle à tous les hommes de notre temps comme l’illustre la foule de marcheurs sur les chemins de Saint Jacques. On pourrait dire que ce pèlerinage « vert » à Mariazell a concrétisé le choix et l’engagement des Églises d’Europe d’intégrer la sauvegarde de la création dans leur pastorale. Il montre aussi que l’implication des chrétiens apporte une dimension originale à l’engagement écologique, qui doit être l’affaire de tous.

Pour les chrétiens, l’appel à sauvegarder la création est un message d’espérance. Ce n’est pas la peur des inquiétantes dégradations de l’environnement qui les pousse. C’est la foi dans le projet créateur de Dieu, ouvert sur une alliance d’amour avec toute la création, à travers l’homme, surgi au sommet de cette création avec sa conscience et sa liberté. La crise écologique mondiale peut être une chance, si elle permet à l’humanité de comprendre que notre développement passé, inégal, hyper-financiarisé et gaspillant les ressources communes, est une impasse insoutenable. Ce n’est pas le projet du Créateur. Une telle prise de conscience a d’ailleurs fait émerger l’intuition du « développement durable ». Réapparaît ainsi la conviction qu’un mode de vie de « sobriété heureuse » est plus évangélique.

Mûri par toutes ces expériences, le message final du pèlerinage a souligné cette affirmation œcuménique d’espérance.

Marc Stenger
Evêque de Troyes

Jean-Hugues Bartet
Diacre du diocèse de Digne

Des propositions d’actions concrètes pour les diocèses, les paroisses, les foyers…

– Célébration d’une journée de la création,
– Livret de louange au Créateur,
– Rencontres de sensibilisation, de formation ou d’approfondissement sur environnement et foi,
– Guide pour calculer et réduire l’empreinte écologique familiale ou paroissiale,
– Guide pour sauvegarder les oiseaux ou les chauves-souris qui nichent dans les toitures ou les clochers d’églises,
– Audit énergétique des bâtiments d’église,
– Manuel à l’intention des catéchistes sur la sensibilisation au respect de la création,
– Aide-mémoire illustré pour les foyers, sur les gestes quotidiens en faveur de l’environnement,
– Guide pour les sacristains sur le bon fonctionnement écologique des églises,
– Mise en place de jeunes volontaires sur des projets de protection de la nature,
– Réunion avec des responsables politiques sur l’environnement,
– Désignation, dans la paroisse, d’une personne pour veiller à prendre en compte la dimension environnementale,
– Animation de campagnes sur des objectifs écologiques,
– Campagnes de carême pour un jeûne de voiture,
– Guide pour la conservation des vieux arbres proches des églises…

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