L’Église catholique et le « christianisme de conversion »

Le P. Étienne Grieu, s.j., brosse, dans ce numéro de la collection « Documents Episcopat », un panorama des courants évangéliques qui se développent très fortement et sur tous les continents. Un phénomène qui interpelle l’Église catholique.
« Le christianisme de conversion est une manière d’être chrétien qui insiste sur le changement de vie que la foi provoque », indique le P. Étienne Grieu, s. j., théologien et auteur du intitulé L’Église catholique et le « christianisme de conversion »( Documents épiscopat n°8/2010). C’est en observant la force du courant évangélique au sein des milieux issus de l’immigration, parmi lesquels il réside depuis plus de quinze ans, et interpellé par de nombreux catholiques convertis à ce courant, que l’auteur s’est laissé interroger. Il livre en une vingtaine de pages un travail qu’il qualifie de « pré-enquête » dans laquelle il formule « quelques intuitions et hypothèses ».

L’expression « christianisme de conversion » a été consacrée par les sociologues dès 2002. C’est eux qui ont mis en évidence l’ampleur du protestantisme évangélique qu’ils qualifient ainsi. Né aux États-Unis, très présent en Amérique latine, mais aussi en Afrique, en Asie et en Europe, le phénomène concerne aujourd’hui environ 200 millions de chrétiens Evangéliques, issus des courants du protestantisme doctrinal, et environ 200 millions de Pentecôtistes, dont des catholiques du Renouveau charismatique. Soit plus de 400 millions de personnes dans le monde (environ 400 000 en France), au moment même où les Églises historiques – catholique, protestante et anglicane – ont du mal à faire entendre leurs voix.
 

L’expérience d’une foi qui change vraiment la vie

Contrairement aux clichés habituellement véhiculés par les Églises évangéliques, ce n’est pas la chaleur humaine ni la convivialité qui attirent en premier de nouveaux membres. « C’est une composante, mais pas la principale. Les personnes Evangéliques ont d’abord rencontré une proposition qui leur promet de changer de vie… Une promesse plus ou moins tenue », explique le P. Étienne Grieu. Cette proposition prend le contre-pied de l’attitude individualiste des sociétés actuelles et semble correspondre au phénomène de mondialisation : simplicité et accessibilité, offre détachée d’un enracinement dans une culture traditionnelle, qui se transmet par tous les moyens de communication contemporains.
 

Quelques enseignements pour l’Église catholique

Alors que l’Église catholique est souvent d’une grande pudeur en matière d’appel à la conversion et que les catholiques eux-mêmes ne savent pas bien parler de leur foi, le témoignage est la forme de base de la prédication évangélique. De même, la lecture de la Bible – pas moins de deux heures hebdomadaire-, en plus de la célébration du dimanche qui peut durer toute la journée, a une place prépondérante chez les Evangéliques. Autant d’éléments qui peuvent inspirer l’Église catholique. « Nous devons prêter encore plus attention aux personnes et notamment à ce que leurs intelligences soient nourries. Des propositions existent (groupe de révision de vies, parcours Alpha, etc.), il faut les développer ! Dans ce type d’équipe, les catholiques apprennent aussi à partager leurs joies de croire. C’est très important pour le rayonnement missionnaire! », assure le P. Étienne Grieu.
 

La force des Églises historiques

Néanmoins, certains risques de dérive (fondamentalisme, charlatanisme) guettent les communautés de type évangéliques : elles ont très souvent du mal à déployer une foi qui irrigue toute la vie au-delà des seuls moments de prière et dépasse la quête individuelle. À l’extrême, ces communautés pourraient engendrer une société schizophrène. Aussi, l’étude du P. Grieu met-elle en évidence les atouts et les chances des Églises historiques, qui portent selon l’auteur le souci d’une foi qui travaille toute la société avec d’autres médiations que la prière. « L’Église catholique aide les gens à faire les liens entre leurs vies intérieures, les questions de consommation, d’écologie, etc. J’insiste sur les dimensions sociales, politiques, culturelles et artistiques. L’apport de l’Église dans ces domaines est possible. Il fait grandir toute la société », relève le P. Étienne Grieu.

Autre risque de dérive, chaque croyant fervent peut se déclarer pasteur d’une nouvelle communauté. Il existe des milliers d’Églises évangéliques. Chacune peut prétendre détenir la vérité et survaloriser certains aspects de la foi au détriment d’autres. La force des Églises historiques est d’abriter en leur sein les différences. Le P. Étienne Grieu ponctue : « Pour moi, être catholique signifie accepter de me laisser corriger par d’autres même s’ils ont une sensibilité différente. »

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