Mgr Charrier : « Edmond Michelet, un homme fidèle et libre »

Mgr Bernard Charrier, évêque de Tulle, a clôt le colloque sur « Edmond Michelet, un chrétien dans la vie politique » qui s’est tenu les 10 et 11 décembre 2010, à Paris. Il espère qu’un jour l’Eglise reconnaîtra la sainteté de ce chrétien, résistant et homme politique (1889-1970). Une procédure canonique est en cours.
 

Comment s’est passé le colloque au collège des Bernardins à Paris ?

Charrier Bernard - Tulle

Ce colloque a déroulé un nombre important de communications données par des historiens universitaires, sur le thème : « Edmond Michelet, un chrétien dans la vie politique ». Leurs interventions se sont organisées autour de trois thèmes.

– Tout d’abord la formation et les réseaux qui ont préparé Edmond Michelet et ses amis à résister dès la première heure à l’idéologie nazie et à l’occupation. Au nombre des sources qui ont inspiré leur position, l’oeuvre et la pensée de Charles Péguy, mais aussi l’appartenance à des cercles d’études appelés Equipes sociales, créées par Robert Garric. Au nombre des réseaux, il faut bien sûr parler de ceux qui se sont constitués dans l’épreuve de la déportation et à partir d’elle. Cette période lui aura donné une authentique ouverture oecuménique.
– Le deuxième thème était le ministre et donc le temps des responsabilités gouvernementales dans le sillage de Charles De Gaulle : le ministre des Armées au sortir de la guerre, le ministre de la Justice à l’heure de la guerre d’Algérie (1954-1962).
– Le troisième thème était la réconciliation, avec l’Allemagne, avec l’Algérie indépendante.

Au terme du premier jour, le vendredi 10 décembre, M. Jacques Barrot, ancien vice-président de la Commission européenne, membre du Conseil constitutionnel, nous a donné une belle réflexion sur le chrétien en politique.
 

Qu’est-ce qui vous touche dans sa personnalité et son parcours ?

Il a été un homme de fidélité, et de courage, de foi et de prière. Sa foi était éclairée par ses lectures, par ses échanges au sein d’un large réseau d’amis laïcs comme lui et de religieux. Ce qui me touche, c’est la fidélité de cet homme à ses convictions chrétiennes, au sein même de ses engagements. Mais j’ajoute, il fut aussi un homme libre, capable de faire des choix et de les assumer : le choix d’être résistant à la première heure, le choix d’un engagement politique avec ses risques. Fidèle et libre, il a eu cette capacité de nouer des amitiés et de les entretenir avec des personnes de tous bords et de tous horizons.
 

Que sait-on de sa vie spirituelle et notamment de son lien à l’Eucharistie ?

On a parlé de réconciliation dans l’action politique d’Edmond Michelet. C’était chez lui une vision politique liée à la reconstruction après les destructions de la guerre, une manière de penser l’après décolonisation. Mais c’était aussi une expérience spirituelle fondamentale, celle du pardon que lui-même, au début de sa détention, avait eu la force de donner à celui qui l’avait dénoncé, demandant même à sa femme de pardonner elle aussi. Au camp de concentration de Dachau (Allemagne), il s’ingénia à pénétrer dans le baraquement des prêtres pour participer tous les matins à l’émouvante demi-heure durant laquelle la messe était célébrée. Edmond Michelet en a fait le récit dans son livre témoignage « Rue de la liberté » (1955). Sa spiritualité s’enracinait dans une vie sacramentelle, notamment l’eucharistie, dans une vie de prière quotidienne. Sa spiritualité était celle d’un laïc, une spiritualité de l’engagement, une spiritualité de l’amitié largement et profondément donnée, une spiritualité conjugale et familiale.
 

Où en est la cause de béatification et que représente-t-elle pour votre diocèse ?

Je suis de ceux qui espèrent qu’un jour l’Eglise reconnaîtra la sainteté d’Edmond Michelet. Mais c’est une décision encore à venir. Nous sommes présentement à l’heure du discernement et de la recherche des témoignages, des documents, pour comprendre une histoire, la sienne et celle de son époque. Une cause de béatification donne lieu à une première enquête à la charge du diocèse où le serviteur de Dieu est décédé, dans ce cas, le diocèse de Tulle. Cette étape est en voie d’aboutir. Mais il reste un travail important, la rédaction d’un ouvrage reprenant et synthétisant toute la documentation recueillie. Ensuite, la Congrégation romaine de la Cause des Saints doit reprendre tout le dossier et en final, il revient au Saint-Père d’en décider.
Dès maintenant pourtant, pour les chrétiens du diocèse de Tulle et pour beaucoup d’autres, l’expérience humaine, le chemin spirituel et l’engagement d’Edmond Michelet, étonnent et stimulent. Ils réveillent l’idée qu’être chrétien n’est pas une petite affaire, qu’il en va au contraire d’une foi éclairée et active, qu’on peut être chrétien quand on assume des responsabilités importantes, que la politique doit être animée, elle aussi, par une forte exigence éthique.
 

Edmond Michelet 1899-1970

Une enquête diocésaine en cours

La cause d’Edmond Michelet a été ouverte par Mgr Bernard Charrier, évêque de Tulle, le 16 septembre 2006 à Brive. La demande émane de l’Institut Culturel Catholique Corrézien (ICCC) qui apporte son soutien spirituel et matériel à l’étude de la cause. Présidée par le professeur Yves-Marie Hilaire (professeur honoraire de l’université Charles-de-Gaulle / Lille 3), la commission historique est composée de 7 historiens. Cette équipe travaille en lien étroit avec la postulatrice de la cause, Lucienne Sallé, ancien haut fonctionnaire au Conseil pontifical des laïcs, à Rome.

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