Le Forum Social Mondial, un « signe des temps »

Grand rendez-vous altermondialiste, le Forum Social Mondial se tient à Dakar (Sénégal) jusqu’au 11 février 2011. Migrations, souveraineté alimentaire et régulation financière sont les trois axes d’engagement retenus par le CCFD-Terre Solidaire. Pour Bernard Pinaud, Délégué Général de l’ONG de solidarité internationale, l’Esprit y est à l’œuvre. Un autre monde est possible !
 

Pourquoi le CCFD-Terre Solidaire est-il présent au Forum Social Mondial ?

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Le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement-Terre Solidaire est présent depuis les débuts, en 2001. J’étais moi-même son représentant. Le premier Forum Social Mondial s’est tenu à Porto Alegre (Brésil), en contrepoint du Forum économique mondial de Davos (Suisse). Au moment où les grands entrepreneurs se réunissaient, il était important qu’une autre parole s’exprime : celle des mouvements sociaux, des organisations non gouvernementales, des syndicats, des paysans. D’où l’expression Forum Social Mondial. Dans les 8 structures brésiliennes organisatrices du FSM, 6 étaient ou avaient été partenaires du CCFD. Il s’y est rendu, à leur demande, pour les soutenir et les accompagner. Nous n’étions à l’époque que 4 représentants d’ONG françaises. A la fin, nous nous sommes dit que nous étions au début d’une aventure. J’ai eu l’impression de vivre un moment historique pour les sociétés civiles. Nos thèmes – annulation de la dette, taxation financière pour le développement, etc. – étaient repris par d’autres et mis en débat. Des propositions étaient avancées. A mon retour, j’ai dit au CCFD : « Les chrétiens doivent être présents ». J’ai eu l’impression de vivre « un signe des temps », c’est-à-dire l’Esprit à l’œuvre ! D’autant plus que parmi ceux qui ont pensé le FSM, il y avait Chico Whitaker. Secrétaire exécutif de la Commission « Justice et Paix » de la Conférence des évêques du Brésil, il était mandaté par eux pour participer à l’organisation du Forum. On peut dire, sans exagérer, que la Conférence des évêques du Brésil est co-fondateur du Forum Social Mondial.
 

Comment le CCFD-Terre Solidaire participera-t-il à Dakar ?

Il est présent à travers des aides financières pour que des partenaires de différents continents puissent participer à cette dynamique. L’objectif étant de leur permettre d’être dans un lieu où se débattent des problématiques dont ils sont porteurs (souveraineté alimentaire, annulation de la dette, questions écologiques, droit à la terre…) car c’est un espace d’échanges d’expériences. L’autre intérêt est de pouvoir tisser des liens avec d’autres organisations d’autres pays et de créer des réseaux au niveau international… avec l’aide d’Internet ! C’est certainement plusieurs dizaines de réseaux qui se sont structurés au sein du FSM.
Depuis 2002, la délégation du CCFD-Terre Solidaire s’inscrit dans une délégation plus globale, coordonnée par le Centre de Recherche et d’Information pour le Développement (CRID) – un collectif de 55 associations de solidarité internationale dont le CCFD-Terre Solidaire est l’un des fondateurs. A Dakar, le CRID rassemblera 400 personnes. Le CCFD-Terre Solidaire en comptera 73 : 28 partenaires du Sud, 30 militants bénévoles de notre réseau et 15 salariés.
 

Quels thèmes la délégation va-t-elle aborder sur place ?

Les migrations internationales. Le CCFD-Terre Solidaire poursuit son travail en mettant en lien des organisations de défense des droits des migrants en Europe et des associations de migrants dans les pays du Sud, au niveau Sub-Saharien en particulier. Mais ce qui est aussi intéressant, c’est de pouvoir échanger entre les problématiques africaines et latino-américaines. Il y aura, par exemple, un séminaire autour de la défense des droits des migrants aux zones de frontières. On fera une analyse comparative entre la frontière « Union européenne/Maghreb » et « Etats-Unis/Mexique ».

La souveraineté alimentaire. Le concept a été porté au sein même du FSM. Il est aujourd’hui repris par la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture). C’est permettre à un Etat ou un ensemble d’Etats au niveau régional, de définir sa propre politique alimentaire au niveau de sa population. Nous aborderons particulièrement deux choses : la lutte contre la volatilité des prix agricoles – une des raisons sans doute de la crise alimentaire de 2008 – et l’accaparement des terres par certains Etats ou entreprises au détriment des populations locales et de l’agriculture vivrière. C’est un phénomène nouveau.

La régulation financière. On travaillera sur la question de l’évasion fiscale en étudiant un cas sur l’Afrique de l’Ouest. Un deuxième séminaire aura pour thème les paradis fiscaux et la mise en place d’une campagne au niveau international. Cela rejoint « Aidons l’argent à quitter les paradis fiscaux », la campagne engagée par le CCFD-Terre Solidaire.

Tous ces ateliers et séminaires sont organisés avec d’autres : nos partenaires du Sud et d’autres organisations européennes, américaines, réseaux internationaux…
 

Quel fruit recueillez-vous de cette aventure et qu’attendez-vous du FSM de Dakar ?

Je suis toujours convaincu que les chrétiens doivent être présents. Nous ne pouvons pas être à côté de la société. Nous avons à être dedans, pas seulement comme témoins mais aussi comme constructeurs. Que pouvons-nous apporter ? Peut-être une qualité d’écoute, notre espérance qu’un autre monde est vraiment possible. Nous pouvons aussi faciliter les liens entre des courants divergents. Je pars avec deux espérances. Je pense que Dakar va mettre en évidence l’énorme avancée de la structuration d’organisations de la société civile en Afrique. On a l’habitude de dire que les sociétés civiles africaines sont en décrochage par rapport à celles d’Amérique latine ou d’Asie. Mais depuis 5 ans, on voit des grands réseaux se structurer, en particulier des mouvements paysans, au niveau régional, national et qui parviennent à faire bouger les pouvoirs publics. La deuxième chose, c’est que nous allons battre à l’unisson de la révolution tunisienne. Je m’attends à ce que le Forum soit marqué par ce qui se passe en Tunisie à l’heure actuelle et plus globalement dans les pays du Maghreb.
 

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